"Même à Rome, les choses bougent beaucoup", a assuré le président de la Conférence des évêques de France (CEF), Mgr Éric de Moulins-Beaufort, lors d’une conférence de presse organisée à Rome ce mercredi 14 décembre 2022 au terme de trois jours de rencontres au Vatican.
Venus avec les deux vice-présidents de la CEF, Mgr Vincent Jordy et Mgr Dominique Blanchet, pour présenter les dispositions prises par l’épiscopat français en réaction aux affaires Santier et Ricard, ils ont tenu à souligner l’accueil favorable et les encouragements qu’ils avaient reçus de la part de la Curie et du pape François.
Nous savons que vous portez des choses lourdes.
Au cours d’un entretien de 45 minutes avec François le 12 décembre, les évêques ont évoqués les récentes affaires d’abus qui secouent l’Église en France. "Nous savons que vous portez des choses lourdes", leur a déclaré le Pape, rapporte Mgr Jordy, archevêque de Tours. Il a tenu à les assurer de sa "profonde communion" avec l’Église en France.
François, a assuré Mgr de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims, ne leur a pas fait d’annonce concernant le cardinal Jean-Pierre Ricard, qui a reconnu un ‘comportement répréhensible’ auprès d’une jeune fille de 14 ans dans les années 1980.
Les évêques français iront se former à Rome en 2023
Le 14 décembre, les évêques français ont été reçus dans deux organismes curiaux "concernés de près" par leur leur gestion des affaires d’abus, a expliqué Mgr Blanchet, évêque de Créteil : les dicastères pour les Évêques et pour la Doctrine de la foi. Ils ont pu à chaque fois échanger pendant près d’une heure avec leur préfet, respectivement les cardinaux Marc Ouellet et Luis Ladaria Ferrer.
C’est dans ces deux dicastères que tous les évêques de France, répartis en trois groupes, effectueront une visite aux mois de février, mai ou juillet 2023. Elles porteront sur la gestion des abus, en termes de droits canon – notamment la procédure Vox estis lux mundi mise en place par le Pape en 2019 – mais aussi de pastoralité et de communication. Les évêques participants se rendront aussi auprès de la Commission pontificale pour la protection des mineurs.
Des "dysfonctionnements"
Lors de leurs échanges, les évêques comme les responsables de la Curie ont reconnu des "dysfonctionnements" dans leurs gestions des cas dont ils étaient venus parler, a souligné Mgr Blanchet.
L’évêque de Créteil a souligné la "question des délais très longs" dans le traitement et le signalement du cas de Mgr Santier, qui seraient liés à la "méconnaissance" du sujet et des procédures. "À la fin, [le délai] devient injustifiable", a reconnu Mgr Blanchet, expliquant avoir aussi travaillé avec ses interlocuteurs sur les questions de la cohérence et de la publicité des peines et des mesures conservatoires.
Le Pape touché par l’enquête sur les frères Philippe
La question du dossier sur les frères Thomas et Marie-Dominique Philippe a été aussi évoquée, avec le cardinal Ladaria comme avec le pape. Ce dernier, a souligné le président de la CEF, a d’ailleurs tenu à partager son émotion, confiant "avoir rencontré un certain nombre de personnes victimes".
Une enquête va être présentée en janvier prochain. Elle porte sur les raisons pour lesquels les fondateurs des communautés de l’Arche et de Saint Jean, pourtant condamnés dans les années 1950 par Rome pour des abus sexuels, ont finalement pu continuer à exercer. L’enquête qui reviendra sur les abus commis par les deux frères a été commandée à un organisme indépendant par les deux communautés et l’Ordre des dominicains, auxquels ils appartenaient.
Rassurés par la forme du Pape
La délégation française a noté une amélioration de l’état de santé du pape François, qu’ils avaient rencontré à Rome au mois d’août dernier. "Nous l’avons trouvé en bien meilleure forme", a confié Mgr Jordy, expliquant que, contrairement à la fois précédente, c’était non en fauteuil roulant mais debout que le pape les avaient reçus.
Les cardinaux ont aussi rencontré le cardinal Leonardo Sandri, préfet émérite du dicastère pour les Églises orientales. Celui-ci, sur le départ depuis la récente nomination de son successeur, Mgr Claudio Gugerotti, a tenu à les remercier en personne pour l’engagement de l’Église en France et du gouvernement français pour les Églises en souffrance en Orient, notamment au Liban et en Arménie.
Les évêques ont aussi rencontré le cardinal Mario Grech, secrétaire du Synode, qui les a éclairés sur la suite du Synode sur l’avenir de l’Église, et, plus précisément sur la phase continentale en cours.