Chaque jour de l’Avent, Aleteia réserve à ses lecteurs une jolie surprise. Une prière, un conte, un chant et plein d’autres pépites pour égayer votre journée et vous accompagner joyeusement sur le chemin de Noël.
Une belle histoire qui s'adresse à tous les hommes, pèlerins ici-bas, et qui invite à renaître, à l'approche de Noël. Un conte touchant, écrit par Paule Amblard et publié dans Le Compagnon de l’Avent 2022 (Magnificat).
Le pèlerin
Je m’étais décidé du jour au lendemain. J’allais quitter la terre où j’avais vécu, même si je ne revenais pas. La nature, en cette saison d’hiver, baignait dans un silence rompu par quelques cris de rapaces et de corbeaux. Les vignes étaient noires et dénudées. Autour de moi, tout espérait le renouveau et moi, le paysan, j’étais pris dans cette suspension du temps endormi sous le froid. Ma décision prise, j’avais revêtu un ample pourpoint, un manteau, un chaperon et un chapeau de feutre noir. J’avais passé ma bourse sur le côté et pris un bourdon. Dans cet habit, je devenais un voyageur. Je ne voulais rien d’autre, ni chemise, ni provision, pas plus le poignard au manche recourbé que mon oncle avait marchandé à un colporteur. Je me voulais pauvre, nu, sous la seule grâce de Dieu. J’ai rejoint l’église et suis allé m’agenouiller aux pieds du prêtre, un religieux nommé Aubert. Je le trouvai dans une chapelle devant le porte-cierge dédié à saint Joseph. Dès qu’il me vit en habit de pèlerin, il me dit:
"Te voilà prêt. Où comptes-tu pérégriner?
‒ J’irai jusqu’à Jérusalem, si Dieu me prête vie.
‒ Le voyage d’outre-mer est le plus périlleux. Ceux qui ont la chance de conserver la vie en traversant les mers ne sont pas sains et saufs en arrivant au port. À Jaffa, les frères mineurs sont tolérés par les mamelouks qui règnent sur le pays et ils ont bien du mal à entretenir la venue des pèlerins. Mais si ta décision est prise, je te bénirai, toi et les insignes de ton pèlerinage.
‒ Bénissez-moi!"
C’est ainsi que je pris la route à l’aube du lendemain. Ce que le prêtre Aubert ignorait, c’est la raison qui me poussait à partir. Avec la peste et la guerre, ma vision de l’existence avait changé. L’habitude et la régularité des jours avaient laissé leur place à un questionnement. Pourquoi étais-je en vie ? Si Aubert avait su qu’en l’écoutant parler d’Abraham l’évidence avait grandi en moi! « Va ! » dit Dieu au patriarche. L’homme n’était sur cette terre qu’un étranger, un nomade errant sur les chemins à la recherche de sa véritable demeure et espérant son retour chez lui. Le Christ était venu pour guider nos pas. Je devais aller là où il avait marché. J’ai rejoint Chalon par les routes et pris une barque jusqu’à Lyon. J’ai gagné la route des montagnes et franchi les Alpes, par le mont Cenis, pour rallier l’Italie. Je suis arrivé dans la grande cité de Venise où les églises sont nombreuses et après quelques jours d’attente, j’ai embarqué sur une galée avec d’autres pèlerins. Notre voyage en mer fut houleux et plus d’une fois, nous avons cru nous échouer sur des écueils aux abords des terres. À l’arrivée dans le port de Jaffa, le navire ne put aborder à cause du mauvais temps. Je me souviens de nos visages défaits et de nos regrets communs. Nous étions le jour de Noël. Sans nous concerter, nous nous sommes mis à chanter pour l’Enfant en train de naître à quelques lieues de là. J’ai alors compris le but de mon voyage : naître à ses côtés. Lorsque j’ai enfin posé le pied en Terre sainte, j’étais devenu un autre.
"Te voilà prêt. Où comptes-tu pérégriner?
‒ J’irai jusqu’à Jérusalem, si Dieu me prête vie.
‒ Le voyage d’outre-mer est le plus périlleux. Ceux qui ont la chance de conserver la vie en traversant les mers ne sont pas sains et saufs en arrivant au port. À Jaffa, les frères mineurs sont tolérés par les mamelouks qui règnent sur le pays et ils ont bien du mal à entretenir la venue des pèlerins. Mais si ta décision est prise, je te bénirai, toi et les insignes de ton pèlerinage.
‒ Bénissez-moi!"
C’est ainsi que je pris la route à l’aube du lendemain. Ce que le prêtre Aubert ignorait, c’est la raison qui me poussait à partir. Avec la peste et la guerre, ma vision de l’existence avait changé. L’habitude et la régularité des jours avaient laissé leur place à un questionnement. Pourquoi étais-je en vie ? Si Aubert avait su qu’en l’écoutant parler d’Abraham l’évidence avait grandi en moi! « Va ! » dit Dieu au patriarche. L’homme n’était sur cette terre qu’un étranger, un nomade errant sur les chemins à la recherche de sa véritable demeure et espérant son retour chez lui. Le Christ était venu pour guider nos pas. Je devais aller là où il avait marché. J’ai rejoint Chalon par les routes et pris une barque jusqu’à Lyon. J’ai gagné la route des montagnes et franchi les Alpes, par le mont Cenis, pour rallier l’Italie. Je suis arrivé dans la grande cité de Venise où les églises sont nombreuses et après quelques jours d’attente, j’ai embarqué sur une galée avec d’autres pèlerins. Notre voyage en mer fut houleux et plus d’une fois, nous avons cru nous échouer sur des écueils aux abords des terres. À l’arrivée dans le port de Jaffa, le navire ne put aborder à cause du mauvais temps. Je me souviens de nos visages défaits et de nos regrets communs. Nous étions le jour de Noël. Sans nous concerter, nous nous sommes mis à chanter pour l’Enfant en train de naître à quelques lieues de là. J’ai alors compris le but de mon voyage : naître à ses côtés. Lorsque j’ai enfin posé le pied en Terre sainte, j’étais devenu un autre.