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Une partie du port de Hambourg entre les mains des Chinois, l’Europe s’inquiète

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Le port de Hambourg.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 01/12/22
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L’entreprise gestionnaire du port de Hambourg a été en partie rachetée par la Chine, avec l’accord du chancelier Olaf Scholz. Le géopoliticien Jean-Baptiste Noé explique pourquoi ce rachat inquiète en Allemagne et en Europe.

Un achat de trop pour Cosco, qui possède déjà des parts dans de nombreux ports européens ? Un achat au mauvais moment, dans le contexte de la guerre en Ukraine, de la pénurie énergétique, de l’inquiétude face à la Chine, qui ravive les méfiances et les désirs de souveraineté ? Ce qui serait facilement passé il y a quelques années a pris cette fois des allures de drame national et européen.

Cosco Shiping n’est pas n’importe quelle entreprise. Fondée en 1961, ayant son siège social dans la région de Pékin, elle est l’une des principales compagnies mondiales de transport maritime, avec la CMA-CGM et MCS. Mais elle est surtout propriété de l’État chinois, via différentes structures administratives. Gérée par la Commission de supervision et d'administration des actifs d'État, qui dépend elle-même directement du Conseil d'État chinois, Cosco est dans le giron du Parti communiste. Ses investissements sont donc décidés et validés par le gouvernement chinois et donc pensé comme une extension de la puissance chinoise dans le monde. 

Une entreprise tentaculaire

Cosco possède déjà des participations dans 15 ports européens, notamment en Grèce, en Italie, en France, aux Pays-Bas. Hambourg n’est qu’une présence de plus, mais, pour certains, une présence de trop. L’entreprise est désormais jugée tentaculaire, et c’est cette omniprésence qui inquiète, plus que la prise de participation dans un port particulier. En cherchant à acheter près d’un tiers des parts du terminal Tollerort du port de Hambourg, l’entreprise a en effet manifesté sa puissance aux yeux des Européens. Après négociation avec le gouvernement allemand, l’entreprise est descendue à 25% des parts.   

Avant Hambourg, ce sont Anvers (2004) et Rotterdam (2016) qui ont accueilli les investissements chinois de Cosco ; la mer du Nord ne lui est donc pas inconnue. Le gouvernement Scholz a argué de cette réalité pour ne pas s’opposer à la présence chinoise à Hambourg, d’autant qu’en cas de refus, Cosco menaçait de rapatrier ses activités à Rotterdam et Anvers, ce qui aurait affaibli la position du port allemand. C’est pourquoi, en dépit de grandes inquiétudes à Berlin, plusieurs ministres du gouvernement Scholz s’étant opposé à cette prise de participation, le chancelier a finalement donné son accord, arguant que cela ne remettait pas en cause la sécurité de l’Allemagne.

Le soupçon de cavalier seul pèse fortement sur les épaules des Germains"

Dans la foulée, il s'est même rendu en Chine, accompagné de plusieurs chefs d’entreprises, afin d’y promouvoir l’industrie allemande. Ce voyage a été jugé comme une rupture du "couple" franco-allemand et une soumission aux seuls intérêts économiques de l’Allemagne. Il est vrai que depuis que les autres pays de l’UE ont constaté que Berlin avait sacrifié son indépendance au gaz russe et préféré sa sécurité industrielle à la sécurité militaire des membres de l’UE, le soupçon de cavalier seul pèse fortement sur les épaules des Germains. 

Cavalier seul de l’Allemagne 

L’argument d’Olaf Scholz n’est pas faux : il est vrai qu’une simple prise de position dans un port ne remet pas en cause la souveraineté et l’équilibre européens. Mais l’affaire de Hambourg survient après plusieurs autres rachats de ports et d’aéroports par des entreprises chinoises et c’est surtout cette convergence des rachats qui inquiète les chancelleries occidentales.    

Cosco n’est pas une entreprise privée, qui doit donc réaliser des investissements pour se développer et rivaliser avec la concurrence. C’est une entreprise publique, qui appartient au gouvernement chinois et qui est directement liée à lui. Sur le strict plan économique, Cosco n’est pas astreint aux mêmes marges et aux mêmes bénéfices que les entreprises privées, elle peut même être déficitaire, puisqu’elle pourra être renflouée par le gouvernement chinois. Ce qui crée une distorsion de concurrence avec les autres entreprises de transport maritime. Cet épisode oblige l’UE à revoir ses règles pour recréer un cadre de concurrence et de liberté d’entreprise. Et aussi à se positionner par rapport à la Chine, qui n’a plus l’image bienveillante et sympathique qui fut la sienne à l’orée des années 2010.

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