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Justice et climat, une première mondiale

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Sommet de la COP27, le 20 novembre 2022.

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Tugdual Derville - publié le 24/11/22
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Malgré ses insuffisances, la Cop27 a peut-être accouché d’une percée en faveur d’une approche plus sociale de l’écologie, pense Tugdual Derville, cofondateur du Courant pour une écologie humaine.

Jugée décevante quant à l’enjeu climatique, la COP27, après prolongations, a connu le 20 novembre 2022 un revirement spectaculaire : un accord "historique", signé à Charm-el-Cheikh autour d’un fonds destiné à réparer les conséquences déjà endurées par les pays pauvres du fait des bouleversements climatiques. Le "nord" de la planète est-il enfin prêt à réparer les dégâts causés au "sud" dont ce dernier est largement considéré comme innocent ? Le nouveau fonds dédié au financement des catastrophes climatiques devrait être opérationnel dès 2023. Sa création est due au changement d’attitude de certains pays riches, après des décennies de blocage. Le concept de "pertes et dommages" liés aux bouleversements climatiques est enfin reconnu. Se profile l’idée d’une "justice climatique" mondiale que revendiquaient depuis longtemps les pays du sud. La reconnaissance de ce principe est un pas décisif, même si le montant des sommes envisagées est déjà suspecté d’être insuffisant. Pour le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, "ce ne sera clairement pas assez, mais c'est un signal politique plus que nécessaire pour reconstruire la confiance qui avait été perdue". Pour le moment un "comité de transition" doit préparer les modalités d’utilisation de ces fonds. 

Une approche sociale

Cet accord est source de satisfaction pour ceux qui ont à cœur de concilier deux constats trop souvent perçus comme antagonistes : d’un côté, il n’y a qu’une humanité sur une seule planète dont l’équilibre écologique (en termes de climat, de pollution et de biodiversité) est un enjeu commun à tous ses habitants ; d’un autre côté coexistent de multiples peuples, dans des contextes géographiques, historiques, démographiques, écologiques, linguistiques et culturels variés, à prendre en compte et à préserver. Que les "forts" (qui sont de grands pollueurs) reconnaissent leur devoir vis-à-vis des faibles (les pays les plus vulnérables) est une étape essentielle qui mérite d’être saluée. Simon Stiell, secrétaire exécutif d’ONU Climat a pu déclarer : "Nous avons déterminé une voie à suivre […], en délibérant sur la façon dont nous abordons les impacts sur les communautés dont les vies et les moyens de subsistance ont été ruinés par les pires impacts du changement climatique."

L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la responsabilité de tous. Celui qui s’approprie quelque chose, c’est (...) pour l’administrer pour le bien de tous."

Réparer, c’est reconnaître sa responsabilité, c’est aussi sortir d’un silence coupable dénoncé par le pape François dans Laudato si’ : "Nous pouvons être des témoins muets de bien graves injustices, quand certains prétendent obtenir d’importants bénéfices en faisant payer au reste de l’humanité, présente et future, les coûts très élevés de la dégradation de l’environnement" (LS, 36). Que le défi climatique mette en relation de solidarité riches et pauvres est essentiel car c’est sur la relation que doivent naître les transformations comme le rappelle aussi le pape François : "Une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres" (LS, 49).

Justice entre les générations

Les mots justice et injustice apparaissent plus de trente fois dans Laudato si’ avec — notamment — l’émergence de la notion de "justice entre les générations", étendant le concept de solidarité à l’humanité à venir. Cet enjeu n’est pas dissociable de celui du respect de la vie comme le précise aussi le Pape : "L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité, sous la responsabilité de tous. Celui qui s’approprie quelque chose, c’est seulement pour l’administrer pour le bien de tous. Si nous ne le faisons pas, nous chargeons notre conscience du poids de nier l’existence des autres. Pour cette raison, les évêques de Nouvelle Zélande se sont demandés ce que le commandement “tu ne tueras pas” signifie quand “vingt pour cent de la population mondiale consomment les ressources de telle manière qu’ils volent aux nations pauvres, et aux futures générations, ce dont elles ont besoin pour survivre”" (LS, 95).

Il faut d’abord que de l’argent soit réuni et vraiment donné (tout système de prêt risquerait d’accroître la vulnérabilité et la dépendance des pays pauvres)

L’annonce de la création d’un fonds — aussi "généreux" ou "juste" soit-il — ne saurait bien entendu régler tous les problèmes. Il faut d’abord que de l’argent soit réuni et vraiment donné (tout système de prêt risquerait d’accroître la vulnérabilité et la dépendance des pays pauvres) ; or des pays anciennement "en développement" devenus opulent risquent  de ne pas accepter de changer de statut en devenant contributeurs et les contributeurs historiques ne seront peut-être pas aussi "généreux" qu’on l’espère ; il faut aussi définir les pays bénéficiaires (on pense aux petits pays insulaires) ; il faut enfin que l’argent tombe entre les bonnes mains, échappe aux systèmes de corruption et de gaspillage et que sa répartition et son usage correspondent à des évaluations honnêtes. Tout ce travail exige des experts compétents et des dirigeants vertueux, mais peut aussi les favoriser. Quoi qu’il en soit le souci de justice doit progressivement être reconnu comme un précieux "commun" partagé par l’humanité tout entière.

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