Cameroun, Madagascar, Côte d’Ivoire, Brésil, Philippines, Tunisie… Autant de pays dans lesquels sont envoyés les volontaires Fidesco pendant un ou deux ans. L’association travaille avec pas moins de 90 partenaires — des diocèses, des paroisses, des congrégations, des fondations catholiques —, répartis dans 28 pays d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie. Chaque année, Fidesco envoie aux quatre coins du monde une centaine de volontaires, désireux de se mettre au service des plus pauvres. Mais pourquoi servir au bout du monde alors qu’il y a tant de besoins en France, au seuil de nos portes ? Pourquoi partir dans un esprit missionnaire alors que l’Évangile a déjà atteint tous les continents et que la France est plus déchristianisée que certains pays d’Afrique ou d’Amérique du Sud ?
Donner la primauté à un type d’engagement plutôt qu’un autre revient à mettre en concurrence des nécessités missionnaires. Comme s’il y avait des missions qui se justifiaient, et d’autres qui seraient moins légitimes. Des lieux prioritaires, et d’autres moins. "Or il y a des besoins partout, en France comme à l’étranger. La mission au loin et la mission en France ne sont pas à opposer", souligne Angélica Raobelina, responsable adjointe du suivi des volontaires chez Fidesco. "Opposer deux types d’engagements missionnaires serait dommage. La question à se poser est plutôt : où vais-je porter du fruit ? Est-ce que je réponds à l’appel missionnaire en France ? Est-ce que j’ouvre mon cœur pour servir dans un pays qui a vraiment besoin de moi, de mon énergie, de mes compétences ?".
Sans compter que restreindre l’engagement missionnaire à la France, ce serait nier les charismes propres à chacun et les aspirations profondes des volontaires. Chaque volontaire Fidesco porte en lui ce désir intense de partir pour servir — désir sérieusement éprouvé par une période de discernement —, et ce besoin de couper les ponts de manière radicale pour se mettre totalement au service de son prochain.
Choisir la radicalité
Si certains sont appelés à servir en France, d’autres donc aspirent à partir loin. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, partir au bout du monde offre une certaine facilité pour embrasser la mission. Cela a été le cas pour Blandine, enseignante, envoyée dans un village perdu au Brésil, dans l’État du Pará, au seuil de la forêt amazonienne, de 2017 à 2019.
Alors âgée de 37 ans, célibataire, elle se plaisait beaucoup dans l’école où elle enseignait, et craignait, en partant deux années, perdre des occasions de rencontrer l’âme sœur. Mais l’appel à la mission a été le plus fort. "J’avais le CV de la parfaite petite catho, engagée dans le scoutisme, abonnée à Lourdes et à Foi et Lumière. J’ai eu besoin de cette radicalité pour me rendre disponible. Jamais je n’en aurais été capable si j’avais été géographiquement proche des miens, de mes amis, des facilités et des tentations de la vie parisienne", confie-t-elle. Même constat pour Bruno, qui, bien avant son départ pour Madagascar avec sa femme Céline et leurs deux enfants, comptait s’engager dans diverses associations caritatives plutôt que de partir au bout du monde. "Les années ont passé, et je ne me suis pas engagé pour autant ! Finalement, partir loin aide à franchir le pas."
Apporter des compétences
Les 90 partenaires de Fidesco ont besoin de compétences qu’ils ne trouvent pas sur place pour soutenir des projets de développement souhaités par les populations locales. Qu’il s’agisse de santé, d’agroécologie, de construction, de gestion de projets, d’éducation ou encore de communication..., les plus pauvres ont besoin des talents des missionnaires.
Blandine, responsable du projet "Rêves de mamans", lancé par une association ayant pour ambition de soutenir les très jeunes femmes enceintes, en a douté dans un premier temps. À son arrivée dans cette région reculée du Brésil, elle s’est posée la question de l’intérêt de ces "réunions Tupperware" entre futures mamans. "Mais progressivement, je suis entrée dans la profondeur du projet. J’ai compris la nécessité de poser sur ces jeunes filles un regard bienveillant, sans jugement, pour les aider à se relever, à se confier, et à aimer l’enfant qu’elles portent en elles." Au-delà de l’accompagnement, les volontaires, par leur présence et les relations d’amitié qu’ils tissent avec les populations locales, arrivent aussi à leur insuffler de l’enthousiasme et de l’énergie, du simple fait d’apporter de nouvelles idées, ou d’autres manières de faire. Blandine s’est aussi surprise à avoir la capacité de révéler les talents cachés des jeunes filles qui lui étaient confiées, et de leur redonner confiance en elles.
Quant à Bruno et Céline, chargés d’accompagner les équipes pédagogiques de plusieurs établissements scolaires salésiens réunissant plus de 1.000 élèves à Betafo, à Madagascar, ils ont mis à profit et partagé leurs compétences développées en France en tant qu’enseignant et formateur (pour lui) et responsable du pôle éducation au sein d’une mairie (pour elle). Un véritable soutien pour les enseignants locaux.
Répondre à l’appel de l’Évangile
La mission, c’est partir, quitter son pays, sa famille, ses repères, pour porter l’Évangile au monde. C’est répondre concrètement à l’exhortation du Christ : "Allez ! De toutes les nations faites des disciples" (Mt 28, 19). Jésus le premier a envoyé ses disciples sur les routes, pour, de ville en ville, annoncer l’Évangile. Encore aujourd’hui, l’Église s’efforce de répondre à sa vocation missionnaire. L’appel à devenir des "disciples-missionnaires", expression chère au pape François, suggère bien cette notion d’exode et de déplacement vers les périphéries.
Certes, il y a des déplacements qui ne sont pas géographiques. Quitter son confort, ses repères, ses certitudes, aller en zone d’éducation prioritaire ou explorer le monde du handicap, se confronter au monde de la rue ou s’aventurer dans les zones rurales… Autant d’exodes qui sont eux aussi de l’ordre de la mission. Néanmoins, partir au bout du monde permet de répondre concrètement à l’appel de l’Évangile, à l’instar de sainte Thérèse de Lisieux qui souhaitait "parcourir la Terre" et "annoncer l’Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées", ou encore de la bienheureuse Pauline Jaricot qui affirmait : "Mon cloître, c’est le monde." Celui qui veut suivre le Christ est appelé à s’ouvrir au monde.
Goûter à l’Église universelle
Partir en mission, c’est aussi une manière de découvrir et de vivre, l’universalité de l’Église. Pour Angélica Raobelina, partir loin, c’est "expérimenter l’Église universelle, comme l’a voulu le Christ lui-même". Une expérience à laquelle Bruno et Céline ont été particulièrement sensibles. "Partir en mission à Madagascar nous a permis de toucher du doigt la fraternité universelle. Malgré les différences culturelles, nous étions unis par la même foi. On passe alors d’une connaissance intellectuelle de la fraternité à une connaissance sensible, et cela change tout ! Cela a modifié nos relations sur place, à Madagascar, mais aussi au retour : nous nous sentons plus proches, plus empathiques à l’égard de notre prochain."
À travers les volontaires, c’est l’Église universelle qui prend corps. Même si les populations locales connaissent le Christ, les missionnaires permettent aux Églises locales, bien souvent jeunes et fragiles, de se consolider, et de ne pas se renfermer sur elles-mêmes. Ils insufflent un souffle nouveau qui tient de l’Esprit de Pentecôte. À la suite des Apôtres qui, le jour de la Pentecôte, reçoivent des langues de feu et se mettent à parler d’autres langues (cf Ac 2, 1-13), les missionnaires sont envoyés pour porter au monde le feu de l’Esprit Saint.
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