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[HOMÉLIE] La colère de Dieu et les pleurs de Marie

SADUCEENS

Les pharisiens et les saducéens viennent pour tenter Jésus, Aquarelle de James Tissot.

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Christian Lancrey-Javal - publié le 05/11/22
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Le père Christian Lancrey-Javal, curé de la paroisse Notre Dame de Compassion à Paris, commente l’évangile du 32e dimanche ordinaire (Lc 20, 27-38). Nous ressusciterons tous, mais il n’y a pas de Résurrection sans jugement.

Il n’y a pas besoin de compter jusqu’à sept. Dans le film Seul au monde, œuvre culte des années 2000, dont le titre original Cast away signifie littéralement "rejeter, répudier", le héros naufragé incarné par Tom Hanks est tenu pour mort après la disparition de son avion. Lorsqu’il revient chez lui, après cinq ans seul sur une île déserte, il découvre que sa femme, l’amour de sa vie, dont la photo en médaillon a été la raison de sa survie, qu’il regardait tous les jours, s’est remariée. Elle a refait sa vie avec son dentiste. L’horreur. L’horreur quand la femme ou l’homme de votre vie, l’amour de votre vie devient l’amour d’un ou d’une autre, part avec quelqu’un d’autre, refait sa vie sans vous. De grâce, un peu de compassion pour les conjoints trahis, abandonnés. 

Nous ressusciterons tous

Cela vaut mieux, dit-on, que d’être malheureux et de se disputer. Cela fait partie de la question des sadducéens : ces hommes, ces sept frères qui auront eu la même femme pendant leur vie, comment vont-ils faire pour ne pas se disputer après, pour ne pas se la disputer dans l’au-delà ? À qui reviendra le trophée ? On comprend la colère de Dieu, colère de Jésus que rapportent les évangiles de saint Matthieu et de saint Marc : "Vous êtes complètement dans l’erreur ! N’avez-vous pas lu les Écritures ?" (Mc 12, 27). Vous êtes complètement dans l’erreur sur la Résurrection, sur le mariage, sur la vie éternelle, le bonheur éternel, car, lorsque nous parlons de résurrection, il vaut mieux dire la résurrection bienheureuse. En effet nous ressusciterons tous, les uns pour le bonheur, les autres pour le châtiment, possiblement éternel, l’enfer. "L’heure vient, dit Jésus, où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront la voix du Fils de l’homme. Alors, ceux qui ont fait le bien sortiront pour ressusciter et vivre, ceux qui ont fait le mal, pour ressusciter et être jugés" (Jn 5, 29 ; cf. Catéchisme de l’Église catholique, n. 1038). 

La continuité de l’amour

Refuser de croire à la Résurrection, c’est refuser de croire au Jugement. La question des Sadducéens montre que ce refus n’est pas nouveau, comme n’est pas nouvelle la conviction si largement diffusée aujourd’hui qu’après la mort "on ne souffre plus". Pourquoi alors le Christ ressuscité est-il apparu à ses disciples le soir de Pâques en montrant ses plaies, la marque des clous dans ses mains, de la lance de son côté ? Pour qu’on voit que c’est bien lui ? Mais ils ne le reconnaissent pas ! Leurs yeux sont aveuglés ! Ils sont comme nous : ils ne veulent pas voir la continuité fondamentale "entre la vie présente dans le Christ et la vie future", continuité de l’amour — "la charité étant la loi du royaume de Dieu, c’est la mesure de notre charité ici-bas qui sera celle de notre participation à la gloire du ciel".

Cette continuité est très clairement affirmée par le Christ lorsqu’il dit qu’il y a de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit (Lc 15, 7-10). Cette continuité de l’amour sera pour certains, jusqu’au Jugement, une communion de souffrances. Le Christ est en agonie jusqu’à la fin des temps disait Pascal. Dieu souffre en Jésus-Christ de nos péchés. Pourquoi, sinon, contempler le Crucifié ? Lorsqu’une personne se donne la mort, et que ce drame provoque chez ceux qui l’aimaient une souffrance indicible — comment pouvez-vous concevoir que cette personne soit dans la paix et ses proches dans la douleur ? Quel est donc le lien auquel nous croyons des vivants et des morts ?

Les victimes seront nos juges

Si exigeantes soient-elles, nous devons prendre au sérieux les paroles de Jésus sur ceux qui "auront été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts" (Lc 20, 35), et comprendre que certains ne le seront pas. Comprendre ce que signifie être saints et bienheureux, qui n’est pas tant qu’ils ne peuvent plus mourir — mais qu’ils ne peuvent plus souffrir. Vous n’imaginez quand même pas que nous trouverons auprès du Christ dans la vie éternelle les prêtres pédophiles et les évêques qui auront laissé faire ? Oui, un pardon sera possible mais l’expiation sera terrible. Nous trouverons auprès du Christ les enfants martyrisés. Pas leurs bourreaux. Ni les indifférents. Ces enfants martyrisés, les victimes innocentes seront nos juges. 

Il y a deux façons de se tromper sur la Résurrection : pour les incroyants, cela consiste à se convaincre qu’il n’y a plus rien après. Pour les chrétiens de mauvaise foi, cela consiste à ignorer le Jugement, à penser qu’ils n’auront pas de comptes à rendre. Aux foules qui venaient pour être baptisées par lui, Jean disait : "Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?" (Lc 3, 7). Chaque fois que nous nous conduisons mal, la Vierge Marie pleure. Pensez aux deux : à la colère de Dieu et aux pleurs de Marie.

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