Avec le Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité, l’Afrique s’est dotée d’un rendez-vous majeur où se retrouvent chefs d’État, ministres et personnalités civiles. Cette année, du 24 au 25 octobre, le monde lusophone était à l’honneur, avec notamment la présence des présidents de l’Angola et du Cap-Vert. Une orientation originale qui rappelle que l’Afrique ne se limite pas à la distinction entre Afrique francophone et Afrique anglophone. Autre présence majeure, celle du ministre des Affaires étrangères de l’Arabie saoudite et d’une délégation japonaise. Preuve que la Chine n’est pas le seul pays asiatique à intervenir sur le continent. Absence en revanche de représentants chinois et russes, alors même que ces pays sont de plus en plus présents en Afrique. Là réside peut-être l’élément le plus prégnant de cette nouvelle édition du Forum : la volonté d’indépendance de plus en plus marquée des pays d’Afrique à l’égard des puissances coloniales.
L’effacement de la Françafrique
Initialement développé et conçu par la France pour coordonner les réflexions sur la région du Sahel et les enjeux de l’Afrique de l’Ouest, le Forum s’est de plus en plus autonomisé pour devenir un événement africain. Alors qu’à la précédente édition étaient présents les ministres français de la Défense et des Affaires étrangères, ainsi que les représentants institutionnels de la présence française en Afrique, comme l’Agence française de développement (AFD) et de nombreux think tanks dépendant des ministères, la présence institutionnelle française s’est faite cette année plus discrète, avec seulement la présence de la secrétaire d’État chargée du Développement et de la Francophonie. Un service restreint qui montre que l’Europe s’efface aussi des grandes conférences mondiales, les pays régionaux organisant désormais les événements autour de leur seule vision du monde et intérêt.
L’effacement de la France au Sénégal s’était manifesté aux yeux de tous lors de l’inauguration du nouveau stade de football de Dakar en février 2022. D’une contenance de 50.000 places, ce stade est l’un des joyaux du Sénégal actuel dont l’inauguration fut retransmise dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Étaient alors présents plusieurs chefs d’État africain, le président turc Erdogan, le ministre allemand des Affaires étrangères, mais aucun représentant français, pas même l’ambassadeur au Sénégal. Une absence remarquée révélant un authentique effacement français.
Reste que la sécurité en Afrique a besoin de l’aide européenne et française, notamment pour former les armées et lutter contre les menaces militaires. La fragilité du Mali entraîne toute la région sahélienne derrière elle et donc ses voisins. La descente actuelle de la tache djihadiste de la zone des Trois Frontières au Burkina Faso et à la Côte d’Ivoire est à cet égard un bien mauvais signe envoyé à la stabilité de la région.
Défis sécuritaires multiples
Les défis sécuritaires sont multiples et la question terroriste n’est pas le premier d’entre eux. Accès à l’eau potable, alimentation sécurisée, lutte contre les faux médicaments et expansion des trafics de drogue qui minent les jeunes Africains ; il y a beaucoup à faire pour assurer la sécurité des personnes et éviter le fourvoiement de la jeunesse.
L’indépendance politique ne peut passer que par une indépendance intellectuelle et conceptuelle.
Si elle est spectaculaire, la question terroriste n’est pas la principale menace qui pèse sur le continent. La santé, les conflits ethniques, les rivalités régionales font beaucoup plus de morts que les actions terroristes. Le risque est ici d’acquérir son indépendance politique à l’égard de l’Europe, tout en accroissant sa colonisation culturelle en adoptant tous les thèmes et les réflexions occidentaux. L’indépendance politique ne peut passer que par une indépendance intellectuelle et conceptuelle. C’est ce que tente de faire le forum de Dakar en réunissant les grands noms de la politique africaine, l’objectif étant que les échanges humains et intellectuels élaborent une véritable stratégie du développement indépendante des agendas des pays du nord.