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Que veut dire le pape François par “sobriété heureuse”

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Xavier Lefebvre - publié le 09/10/22
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Quand il parle de sobriété ou de sobriété heureuse, le pape François n’entend pas une contrainte économique et matérielle, mais une vertu consentie qui fait grandir l’homme dans sa dignité. Explications.

En ce temps de pénurie de ressources énergétiques, les discours des responsables politiques invitent avec insistance à la pratique de la sobriété, avec obligation de résultat, sous peine de sanction et de coupure énergétique… La sobriété n’est-elle qu’un comportement que l’on peut inculquer d’autant plus difficilement que la société définit le bonheur en termes de confort, de bien-être et de consommation ? Quadrature du cercle : à force de consommation, le consumérisme finit par consumer l’homme et son environnement… Comment promouvoir une société de consommation, sans faire de chaque jour un mercredi des cendres ? Sommes-nous allés trop loin ? Sans doute, et le réveil est douloureux ; mais quelle signification donner au bonheur, quand le terme de sobriété est synonyme d’effort, de contrainte, de tristesse…

Une juste distance

Le pape François utilise le mot de sobriété sur un tout autre registre, sans doute parce que l’homme heureux ne se définit pas, pour le chrétien, en simples termes de pouvoir d’achat et de produit jetable, mais de dignité humaine, de partage, et de gratuité. François ose parler de "sobriété heureuse". La meilleure analyse, nous la trouvons dans son encyclique Laudato si’ (n. 222 à 225). Parce que l’homme se caractérise par sa vie spirituelle, il trouve son épanouissement dans sa capacité de juste distance par rapport aux biens matériels, pour ne pas se laisser engloutir dans la marée de plastique et de protéines reconstituées entre deux tranches de pains glucosées.

L’enjeu n’est pas de calculer ou de mesurer le taux de consommation possible par habitant, mais de retrouver un agir vertueux.

Une vertu morale

Ainsi, la sobriété n’est pas tant un comportement qu’il s’agit de façonner par la contrainte extérieure, mais une vertu morale, qui suppose la liberté intérieure et le discernement équilibré face à la séduction des biens mis en scène dans l’horizon eschatologique des pages de pub (tas de riz tentant pour tas de rats tentés). L’enjeu n’est pas de calculer ou de mesurer le taux de consommation possible par habitant, mais de retrouver un agir vertueux car, "quand l’exercice d’une vertu s’affaiblit d’une manière généralisée dans la vie personnelle et sociale, cela finit par provoquer des déséquilibres multiples, y compris des déséquilibres environnementaux".

Le consommateur contemporain ressemble à la grenouille de La Fontaine. Le contraire de la sobriété, c’est l’intempérance boulimique d’un égo qui veut se faire aussi gros qu’un dieu. Dans cette divinisation, il perd toute mesure : "Il n’est pas facile de développer cette saine humilité ni une sobriété heureuse si nous nous rendons autonomes, si nous excluons Dieu de notre vie et que notre moi prend sa place, si nous croyons que c’est notre propre subjectivité qui détermine ce qui est bien ou ce qui est mauvais."

La sobriété, une consommation consciente, un style de vie qui accueille la création comme un don et exclut les formes prédatrices et de possession exclusive, représentent la manière concrète de créer une nouvelle sensibilité.”

Le Pape ose donc nous inviter à la sobriété heureuse. Loin d’être un oxymore, c’est un appel à retrouver un équilibre dynamique et missionnaire : "La sobriété, une consommation consciente, un style de vie qui accueille la création comme un don et exclut les formes prédatrices et de possession exclusive, représentent la manière concrète de créer une nouvelle sensibilité. Si nous sommes nombreux à vivre de cette façon, toute la société en ressentira les effets positifs et tous pourront entendre le cri de la Terre et le cri des pauvres" (message de 2015 pour le Ve Festival de la doctrine sociale de l'Église).

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