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Que signifie “être en mission” ?

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Benoist de Sinety - publié le 02/10/22
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L’Église « en mission » se cherche toujours un peu. Pour le père Benoist de Sinety, la question est moins de savoir comment se rendre attirant que d’entrer en dialogue avec ceux auxquels le salut est destiné.

La mission se décline depuis toujours dans tous les modes. Aujourd’hui elle est parfois congrégation, certains week-ends, congrès, chaque dimanche elle revient avec une pointe de culpabilité à la conscience de chaque baptisé, et collectivement dans chaque communauté. La mission est une action qui consiste à envoyer, c’est du moins son étymologie. Dans la lumière de Pâques, la parole du Ressuscité jaillit et fait ainsi de ses disciples des missionnaires, des envoyés. Au fil des siècles, l’Église héritée de Constantin, organisa avec soin, souvent heureusement bouleversée par l’Esprit, les aspirations de nombre d’hommes et de femmes à partir de par le vaste monde pour y apporter comme on disait alors « la lumière de la vraie religion ».

France, « pays de mission »

La mission consista longtemps, à exporter nos rituels et nos modes de fonctionnements vers des horizons lointains. Les tentatives de rencontres véritables entre ce que nous étions et ce qu’étaient les peuples auxquels nous portions le Message, celles en tout cas dont l’Histoire a gardé la trace, se sont toujours soldées par un « retour à l’ordre ». Comme si l’Évangile qui accomplit l’histoire d’Israël vers l’universel, ne pouvait trouver son mode d’expression véritable qu’en suivant les canons européens. Les plus curieux pourront se pencher sur le sort, par exemple, de l’Église de Malabar, de la côte ouest de l’Inde : leurs coutumes antiques, datant de l’époque apostolique, furent brutalement remisées par des missionnaires européens en 1599 : ils furent latinisés de force... 

Le XIXe siècle fut l’un des plus féconds en vocations missionnaires dans notre pays : Bretagne, Nord, Vendée... des régions nombreuses envoyèrent des milliers de leurs enfants sur les quatre continents, le nôtre restant fort bien doté. Jusqu’à ce qu’au cœur de notre XXe siècle la question se pose à frais nouveaux dans une France qui apprenait, sidérée, dès les années quarante qu’elle était bien un « pays de mission ». Les années d’après-guerre, le bond spectaculaire du bien-être et de la consommation y contribuant sans doute (comme d’ailleurs les boulevards laissés dans nos banlieues à la propagande marxiste vers des foules esseulées), le constat était déjà bien lisible : pour un nombre grandissant de nos contemporains, l’Église n’était plus le lieu où il leur semblait possible de rencontrer Dieu. Le concile Vatican II évita à une hémorragie déjà bien réelle de devenir mortelle. 

« Que puis-je faire pour toi ? » 

Cessant de régner sur les consciences et sur la politique du pays, l’Église ne rassemblait plus, ou en tout cas beaucoup moins. Vint alors le temps des idées : il fallait trouver la martingale, pédagogique, médiatique, ludique, que sais-je ? Ce n’était pas possible, nous disait-on, que les foules ne reviennent pas en masse : il suffirait de mettre un peu plus de guitares, ou un peu de grégorien, de célébrer comme ceci ou plutôt comme cela, d’arranger nos bâtisses... En un mot, il fallait améliorer. Plutôt que de s’interroger sur la pertinence des citadelles où nous nous enfermions, il n’était plus question que d’améliorations.

Jamais Jésus ne s’adresse à quelqu’un sans lui poser d’abord cette question essentielle : « Que puis-je faire pour toi ? » La mission de l’Église n’est-elle pas d’être le relais de cette voix là et de cette question-là ?

En agissant ainsi n’avons-nous pas l’impression de nous replier sur nous-mêmes ? La question n’est pas de savoir comment accueillir, mais bien plutôt de chercher à connaître ceux qui nous sont devenus des étrangers, alors qu’ils sont nos compatriotes, nos voisins et parfois mêmes nos frères de sang. La question n’est pas de nous rendre plus attirant mais d’être attiré par eux. Non qu’il ne soit pas utile de chercher à mieux faire et d’être désireux que nos célébrations et nos communautés reflètent le mieux possible la bonté de Celui que nous annonçons comme le Sauveur du genre humain. Mais quels peuvent en être les fruits si cela ne repose pas sur le désir ardent d’entrer en dialogue avec ceux auxquels ce salut est destiné ? En osant ne pas leur demander comme préalable de nous écouter pieusement et docilement. Car jamais Jésus ne s’adresse à quelqu’un sans lui poser d’abord cette question essentielle : « Que puis-je faire pour toi ? » La mission de l’Église n’est-elle pas, maintenant qu’elle se libère des ors du pouvoir et s’émancipe de ceux qui voudraient en faire l’instrument de leurs puissances, d’être le relais de cette voix là et de cette question-là ? Et d’attendre avec humilité, patience et abandon, les réponses qui lui seront données... En nous réjouissant d’avancer ainsi sur un chemin bien inconnu mais où nous précède et nous accompagne Celui que nous voulons servir.

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