"Chaque réveil a toujours été pour moi un moment difficile, confie Pierre, entrepreneur parisien de 52 ans. Je ressens parfois des angoisses, la plupart du temps injustifiées, reconnaît-il, même si elles se nourrissent subtilement des enjeux réels de ma vie quotidienne. Désemparé face à cette bataille du réveil, il en fallait peu pour que je me lève du mauvais pied."
Avec ce rituel, je peux commencer ma journée avec ce sentiment que je ne suis pas seul après avoir donné une place, comme premier contact avec le monde, à Celui qui est, qui m’a créé, qui a été avant moi, et qui sera toujours."
Il y a quelques années, Pierre a décidé de s'abonner à un service gratuit des dominicains qui envoient l’évangile du jour par email. "Depuis, c’est devenu un rituel qui ne dure que quelques petites minutes : juste après le réveil, après un signe de croix lent, un moment de silence où j’offre ma journée au Seigneur et où je lui dis que j’accueille cette journée et ce qui surviendra, je lis l’évangile du jour. Je reçois ce que Jésus a à me dire. C’est parfois illuminant, même si cela n’est pas parlant tous les jours. Mais, au moins, le circuit de mes pensées négatives est débranché à chaque fois. Je peux alors commencer ma journée avec confiance, et surtout avec ce sentiment que je ne suis pas seul, après avoir donné une place, comme premier contact avec le monde, à Celui qui est, qui m’a créé, qui a été avant moi, et qui sera toujours", raconte-t-il.
Prière du matin, le vrai miracle morning
L'expérience d'Anne-Fleur et de Xavier, un couple trentenaire marié depuis sept ans, est semblable. Ils n’arrivaient pas à prier ensemble. Impossible pour eux de livrer le plus intime d’eux-mêmes. La pudeur représentait "un sérieux obstacle" difficile à dépasser. Consciente du risque qu’à un moment, un silence pourrait s’installer entre eux, Anne-Fleur a convaincu Xavier de suivre le conseil d’un ami prêtre. "C'était pendant la Semaine sainte. Je sentais intérieurement qu’il fallait dépasser cette pudeur et créer un petit rituel quotidien à deux.
Nous avons eu l’impression que nos âmes se reconnectaient chaque matin, et qu’ensuite elles s’unissaient ensemble à Dieu.
Notre ami prêtre nous a suggéré d’essayer de prier dès notre réveil juste une minute en se tenant par la main, en silence. Pendant cet instant, nous devions inviter le Christ dans notre « jardin intérieur commun ». Avec cette pensée de le remercier d’avoir veillé sur nous la nuit et de lui offrir tout ce que nous allions vivre durant la journée. Cette prière silencieuse, confie Anne-Fleur, nous a beaucoup rapprochés. Au bout de quelques semaines de pratique, nous avons eu l’impression que nos âmes se reconnectaient chaque matin, et qu’ensuite elles s’unissaient ensemble à Dieu". Un vrai miracle morning pour le couple, grâce auquel les tracas et les tensions du quotidien ont moins d’impact, comme si la prière "créait une sorte de bouclier" qui permettait de les dépasser plus facilement.
Le premier désir de la journée
Pour le pape François, la prière doit être "le premier désir de la journée". Lors de l’audience générale du 4 novembre 2020, il a conseillé de la pratiquer à l’aube, "avant que le monde ne se réveille". Prier le matin, avant que le marathon de la journée commence ,"donne une âme à ce qui autrement resterait sans souffle", et permet de transformer les obstacles en "appels de Dieu." C’est ce que saint Jean Paul II a pratiqué toute sa vie. Très matinal, dès son réveil, entre 5h30 et 6 heures, il prenait une douche et se rendait à la chapelle pour une méditation. Il célébrait la messe tout de suite après, à 7 heures, en petit comité. Après la messe, il restait un long moment en action de grâce. Sa capacité de prière impressionnait, en particulier lorsqu’il célébrait sa messe du matin dans la chapelle de la résidence d’été de Castel Gandolfo. Dans son livre Jean Paul II, Pierre au tournant du nouveau millénaire (Mame), le cardinal Philippe Barbarin le décrit ainsi :
"Par un petit matin d’été, le 19 août 1983, j’entre avec les jeunes de “l’équipe Saint-Louis” dans la chapelle du palais apostolique de Castel Gandolfo. À mon arrivée, je vois qu’il est là, à genoux, devant le Saint Sacrement. À vrai dire, je vois surtout son dos un peu voûté, symbolisant l’homme concentré qui porte sur lui le poids du monde entier. Il semble ne faire qu’un avec Celui qui est là, devant lui, et qu’il adore. Ce qui me frappe surtout, c’est cette impression de sentir qu’il est là, comme un bloc, ou plutôt qu’avec Jésus présent devant lui sur cet autel. Ils forment tous deux un bloc : le rocher, la pierre angulaire."
La voix intérieure de la grâce
Pour Jean Paul II la prière donnait un sens à toute sa vie, à chaque instant, en toutes circonstances. La prière du matin consistait à se mettre à l’écoute de la voix intérieure de la grâce, à l’écoute de l’appel. Plusieurs fois, il soulignait à quel point la prière du matin aide à "entendre" cet appel. Elle permet à l’âme de renouveler son contact avec le Créateur.
Car prier le matin, c’est remettre tout ce qui va arriver pendant la journée dans la main de Dieu. C’est s’abandonner à Lui en toute confiance. C’est Lui offrir toutes les joies comme les peines, les efforts comme les faiblesses. C’est Lui confier ce qui s’annonce difficile ou important, que ce soit un rendez-vous professionnel, un examen médical ou un rapport à rédiger en urgence... C’est d’une certaine manière donner le ton pour booster sa journée entière.
Comme dit saint Jean de la Croix, "l’âme a radicalement sa vie en Dieu. Seulement si Dieu est toujours présent dans l’âme, il n’est pas toujours présent à l’âme…" La prière du matin rend l’âme présente à Dieu. Son union peut alors s’opérer pleinement. De la louange à l’offrande, de la méditation à l’action de grâce, du silence au chant... Découvrez les différentes pensées des grands saints à prier le matin pour que cette union à Dieu s’opère totalement :