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Que c’est bon de se sentir homme au milieu des hommes !

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La braderie de Lille compte chaque année quelque 8.000 exposants.

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Benoist de Sinety - publié le 04/09/22
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Plongée dans la Grande Braderie de Lille avec le père Benoist de Sinety, curé de la paroisse Saint-Eubert de Lille-Centre. L’important n’est-il pas dans cette foule la rencontre entre inconnus qui se réjouissent de se savoir semblables ?

Des deux gares de Lille, des milliers de personnes affluent, se joignant à la foule déjà nombreuse des ch'tis qui arpentent les rues et les places du centre-ville. Ils viennent d’Angleterre et du Pays Basque, de Carcassonne ou de Namur, de Bretagne ou d’Allemagne, seuls ou en famille. Dès six heures, les plus fouineurs commencent à inspecter les premiers stands de brocante, à l'affût de la bonne affaire, de l’objet original ou insolite. Les saluts s’échangent, les sourires aussi : « Ça fait plaisir de se retrouver » lance l’un. Une dame acquiesce : ça fait trois ans qu’on attend ce jour ! La grande brocante de la capitale des Flandres durera deux jours et deux nuits, entre soleil et averses, cornets de frites et chopes de bière. C’est étonnant de regarder ce que chacun peut bien ressortir de son grenier ou de son placard : une magnifique théière en forme d’éléphant zébré, un énorme canard en bois, un cube en plastique transparent empli de petits cubes verts : « À quoi ça sert ? » demande un jeune homme. « À rien sans doute » m’entends-je lui répondre... Tout se vend, tout se revend, tout s’achète et tout se troque.

Une foire d’humanité

Cette braderie dont l’origine remonte probablement à l’époque où les familles bourgeoises donnaient à leurs domestiques des vêtements dont ils n’avaient plus l’usage afin qu’ils puissent les vendre sur le trottoir après leur service, dans la nuit du dimanche au lundi, est devenue une formidable foire d’humanité ! Beaucoup pourront gloser à loisir sur ce que ce genre d’évènements révèle de notre société. Ne courons pas trop vite aux analyses pseudo universitaires. L’important n’est-il pas dans cette foule qui parvient à quitter ses écrans et son chez-soi, pour se retrouver sur les places et les parvis ? Non pas dans un centre commercial où l’on ne vient que pour acheter et rentrer au plus vite remplir frigo et congélateur, mais en chinant au hasard sans autre but que de se frotter les uns aux autres et se parler tout simplement. « C’est combien pour cette tasse ? » : la question n’appelle pas vraiment de réponse existentielle : 50 centimes ? 1 euro ? qu’importe. L’important c’est après, dans les quelques phrases échangées, les sourires et parfois la poignée de main finale.

Tous, ils forment cette humanité, habitée du souffle de la vie qui vient et qui mène à cet Autre qui se révèle en se faisant si proche et si intime.

Que c’est bon de se sentir homme au milieu des hommes ! Sans se positionner d’abord dans un rôle, une fonction, une appartenance ! Face à l’église dont le bâtiment ouvert accueille sans contrôle tous ceux qui veulent se mettre quelques instants au calme, devant la flamme d’un cierge ou dans la fraîcheur d’une petite chapelle un peu cachée. « Entrez et voyez » : de la rencontre entre inconnus qui se réjouissent de se savoir semblables, vers la quête de Celui qui nous fait à son image et à sa ressemblance, n’est-ce pas finalement le vrai chemin de vie ? Bien sûr il y a les chaos du monde, les béances de l’Église, bien sûr il y a toutes les incertitudes que nous portons pour nous-mêmes, nos proches, le monde... mais n’est-ce pas justement à cette échelle-là que la réalité doive être appréhendée ? À l’échelle de nos vies plutôt qu’à celle des écrans qui déforment une réalité insupportable en imposant à chacun de nous des fardeaux éreintants.

Le souffle de la vie

Il y aura cet adolescent à la recherche de jeux vidéo qui se risque à confier qu’il galère un peu en ce moment et qu’il fume trop d’herbe, qu’il aimerait bien arrêter mais que c’est pas simple. Il y aura cette femme qui négociera au centime près une petite tasse sans valeur mais qui l’emballera ensuite dans une feuille de journal comme un trésor de grand prix. Il y aura peut-être aussi cet homme qui finalement n’achètera rien mais qui a si besoin de parler et de raconter ses histoires que plus personne n’écoute. Certains entreront dans l’église de pierres et rejoindront une communauté qui célèbre le Ressuscité, d’autres y jetteront un regard, timide ou ironique, beaucoup resteront dehors. Mais, tous, ils forment cette humanité, habitée du souffle de la vie qui vient et qui mène à cet Autre qui se révèle en se faisant si proche et si intime, descendant au plus profond de nos inspirations et se manifestant dans nos expirations joyeuses ou fatiguées. Et il est vraiment bon de contempler tout cela, et de s’en réjouir, dans les grandes foires de notre planète.

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