Plus de 2.500 servants d’autel français âgés de 10 à 18 ans sont arrivés à Rome ce lundi pour vivre un pèlerinage de quatre jours qui se conclura par une audience avec le pape François le vendredi 26 août 2022. Mgr François Touvet, évêque de Châlons-en-Champagne, accompagnateur du département Servants d’autel de la Conférence des évêques de France jusqu’en 2021, confie sa joie de voir autant de jeunes réunis dans la ville de saint Pierre et saint Paul. Évêque marqué par ses années d’enfant de chœur, il explique pourquoi le service de la liturgie est, pour les garçons et les filles, une école de la vie chrétienne et un lieu de discernement vocationnel.
Plus de 2.500 participants, une vingtaine d’évêques français, une centaine de prêtres ou de diacres… Pourquoi l’Église de France a-t-elle organisé un tel événement à Rome ?
Mgr François Touvet : Il nous a semblé important de mettre en valeur ces groupes de jeunes au service de la liturgie parce que ce sont aujourd’hui les forces vives de nos paroisses. Il y a parfois bien des difficultés à rassembler des jeunes aujourd’hui dans l’Église. Et nous voyons bien que les servants d’autel et les groupes de scoutisme sont deux foyers importants de nos diocèses. Nous avons imaginé ce grand pèlerinage pour les remercier, les encourager, leur offrir une belle expérience et leur dire que nous comptons sur eux. C’est aussi un moment qui leur permet d’élargir leur regard sur la vie de l’Église. Il y a des jeunes présents ici qui viennent de petites paroisses rurales où il n’y a qu’une poignée de personnes à la messe le dimanche. Là, l’occasion est donnée de leur montrer que l’Église dépasse largement leur expérience. Ce pèlerinage leur offre une découverte de Rome, un enracinement dans la foi, un renouveau dans l’amour de l’Église. C’est un peu comme de petites JMJ proposées à ces jeunes qui servent l’Église.
Ce pèlerinage leur offre une découverte de Rome, un enracinement dans la foi, un renouveau dans l’amour de l’Église.
S’agit-il également d’un temps de formation ?
Il s’agit d’abord d’un temps de découverte et de célébration. La formation a surtout été proposée dans le cadre de la préparation du pèlerinage. J’avais par exemple fourni quelques vidéos, des temps d’enseignement postés sur une application élaborée pour ce pèlerinage. Nous avons aussi accompagné les responsables diocésains pour qu’ils donnent aux jeunes de quoi approfondir, soit des éléments de la liturgie, soit des éléments du cœur de la foi et de la vie de l’Église. Mais, comme aux JMJ, nous avons prévu quelques catéchèses, brèves, que nous nous sommes réparties entre évêques.
Qu’attendez-vous de la rencontre avec le pape François, vendredi ?
Cela sera un moment émouvant et marquant pour ces jeunes. Nous pensions qu’il était important de créer une joie intense au plus profond de leur cœur par cette rencontre avec le successeur de Pierre. Les 2.539 jeunes seront en aube, en tenue de service. La matinée commencera par un pèlerinage avec un grand cortège qui s’étirera depuis l’obélisque de la place Saint-Pierre jusque dans la basilique. Nous irons physiquement sur la tombe de l’apôtre Pierre pour laisser le Seigneur raviver notre foi, notre désir de servir l’Église en donnant notre vie comme Jésus. Nous nous rendrons ensuite dans la Salle Paul VI où nous célébrerons la messe avant l’audience avec le Pape.
C’est le lieu d’un discernement vocationnel pour tous, afin que chacun prenne conscience de sa vocation baptismale [...] qu’il devienne un disciple missionnaire.
Le service de l’autel est-il un vivier, une "voie royale" pour l’accès à la prêtrise pour les hommes ?
C’est une voie pour le discernement vocationnel. Et pas seulement pour les garçons ! Il y a des filles qui participent au service de la liturgie, comme l’Église le prévoit et l’autorise. C’est le lieu d’un discernement vocationnel pour tous, afin que chacun prenne conscience de sa vocation baptismale, qu’il se nourrisse de l’eucharistie, qu’il désire recevoir le sacrement de la confirmation, qu’il devienne un disciple missionnaire. Il est vrai que beaucoup de prêtres et d’évêques – dont moi – vous diront qu’ils ont été servants d’autel. Mais ne parlons pas d’automatisme qui laisserait entendre une forme d’embrigadement ! Tous les servants d’autel ne finissent pas prêtres ou évêques. C’est un lieu de discernement dans la liberté, l’apprentissage du service.
Vous avez été marqué par vos années d’enfant de chœur…
J’ai commencé à 5 ans et j’ai été servant d’autel jusqu’à mes 18 ans, sans interruption. Mes parents m’ont raconté que j’avais 5 ans lorsque j’ai dit pour la première fois que je voulais être prêtre. Je venais de servir ma première messe. C’était une messe de minuit, j’étais en aube. La seule chose qu’on m’avait demandé de faire était de déposer l’enfant Jésus dans la crèche. Ensuite, il paraît que je me suis endormi pour le reste de la messe. Mais c’est après cet événement que j’ai dit à mes parents que je voulais être prêtre pour porter Jésus…
Être servant d’autel, c’est aussi l’écoute attentive de la parole de Dieu.
Le service de la liturgie a été très important pour moi, il m’a permis d’approfondir ma foi et ma relation avec Jésus. On découvre l’eucharistie, parce qu’on se met à genou, parce qu’on sonne la cloche, parce qu’on encense le Saint Sacrement… Être servant d’autel, c’est aussi l’écoute attentive de la parole de Dieu. J’ai appris à lire en public grâce à un prêtre de la paroisse qui nous entraînait à parler au micro. Il était draconien, nous expliquant qu’il fallait écouter sa voix jusqu’au fond de l’église avant de commencer la phrase suivante. Je m’en souviendrai toujours. Cela m’a permis de goûter la Parole, d’aimer la lire…
Aujourd’hui, les jeunes servants d’autel proviennent-ils généralement de familles pratiquantes ?
Non. Pas nécessairement. Quand j’étais curé de campagne, j’avais des enfants qui étaient loin de venir tous de familles pratiquantes. Ils arrivent grâce à la qualité de la relation avec leur catéchiste ou avec le prêtre de la paroisse. Et puis les jeunes appellent les jeunes. Quand on parvient à regrouper quelques enfants pour le service de l’autel, cela attire. Et cela fait venir des familles à la messe. Parfois, certains parents déposent leurs enfants pour les reprendre à la fin de la célébration. Mais il arrive qu’ils finissent par rester. Les parents sont fiers, heureux de voir leur enfant en aube et servir. Je me souviens d’enfants qui insistaient pour servir lors des baptêmes après la messe. Il fallait que leur parents attendent encore trois quart d’heure…
Dans certaines paroisses, la place des filles comme servantes d’autel ou servantes d’assemblée fait débat. Qu’en pensez-vous ?
Avant de chercher si cela pose des problèmes, réjouissons-nous d’abord qu’ils soient tous là. Nous sommes dans une époque où nous passons notre temps à chercher ce qui ne va pas ou à mettre de l’huile sur le feu de polémiques possibles ou imaginaires… Je préfère me réjouir et rendre grâce à Dieu de voir autant de jeunes rassemblés à Rome ces jours-ci. Ensuite, je crois qu’il faut que nous soyons prudents et ne pas transposer sur les jeunes filles et les jeunes garçons les questions des adultes et les débats de société qui sont très imprégnés d’idéologie. Dans certaines paroisses, il y a des groupes mixtes, dans d’autres, des groupes non mixtes, et puis on trouve aussi des groupes différenciés avec les garçons qui ont telles fonctions et les filles telles autres.
On peut s’interroger sur un certain nombre de motifs qui ont conduit à créer les servantes d’assemblée plutôt que de les faire participer au service de l’autel. Nous sommes dans une phase d’expérimentation pastorale. Travaillons-y ensemble, paisiblement, en essayant de construire quelque chose de beau pour le Peuple de Dieu qui se rassemble. Par ailleurs, je préférerais personnellement qu’on parle de "servant de la liturgie", car quand on dit "servant d’autel", c’est restrictif. Les jeunes ne servent pas qu’à l’autel, mais aussi à l’ambon, au siège du célébrant, ils servent également l’assemblée et puis aussi pour les baptêmes. “Servant de la liturgie” me semble donc plus approprié.