"Tempête dans un bénitier" chantait Georges Brassens en 1976. Cette tempête est venue assombrir le ciel du village de Bétête dans le nord de la Creuse, avec pour protagonistes un moine cistercien, un plasticien amateur nommé Bernard Bondieu et la municipalité, et pour décor l’ancienne abbaye de Prébenoît.
Au printemps dernier, le frère Guerric Aerden, un moine cistercien belge âgé de 67 ans, dépendant de l’abbaye de Westmalle, dans la province d’Anvers, a élu domicile à l’abbaye de Prébenoît, située sur la commune de Bétête, en accord avec la mairie. Celle-ci, propriété de la commune, n’a pas été habitée par un moine depuis la Révolution française. Le lieu de culte, désacralisé, avait d’abord été transformé en auberge de jeunesse il y a plusieurs décennies avant de prendre la forme aujourd’hui d’un espace culturel.
Moine et artistes : une coexistence impossible ?
Or depuis trois ans, le festival Été Vagabond prend ses quartiers en août dans l’abbaye de Prébenoît. Mais après l’emménagement du moine qui loue à la mairie un deux-pièces à 200 euros par mois, une trentaine d’artistes ont préféré déserter les lieux, en dénonçant “une atteinte à la laïcité”.
Contacté par Aleteia, Bernard Bondieu, plasticien amateur de 73 ans et co-fondateur du festival, est vent debout contre cette installation de Frère Guerric. Bernard Bondieu précise qu’il "n’est pas anticlérical", qu’il n’a rien de personnel contre le moine, et qu’il a été "éduqué dans la religion chrétienne et a subi tous les sacrements possibles et imaginables". Désormais, il se dit particulièrement attaché aux valeurs laïques. Il estime que l’ermite prendrait trop de place, et chercherait à s’impliquer dans la vie de la cité, notamment en cherchant à produire de la bière d’abbaye avec un de ses amis. "Il commence vraiment à prendre trop de place dans le lieu. Il veut mélanger un projet culturel à du cultuel." Selon lui, les projets du moine n’auraient aucun intérêt pour les habitants de Bétête et de ses environs.
La mairie se défend de porter atteinte à la laïcité
À l’inverse, le maire de la ville, Martial Delcuze, juge qu’il n’y a "rien de choquant à ce qu’un moine cistercien vive dans une abbaye cistercienne". Selon lui, le moine paierait son logement, et ne subirait pas de traitement de faveur par rapport à un autre. La mairie ne financerait ainsi pas indirectement un culte, et ne contreviendrait pas au principe de laïcité érigé par la loi de 1905. "J’ai été très déçu par le sectarisme de M. Bondieu, le mal nommé", confie-t-il à nos confrères de La Montagne.
Quant à Frère Guerric, celui par lequel le scandale est arrivé, il a indiqué son incompréhension de la polémique à la chaîne régionale France 3, et tente de ménager les susceptibilités de ceux qui n’apprécient guère sa venue dans la Creuse. "Je suis un peu un disciple de Pascal. Il faut d’abord écouter l’autre et accepter que son opinion est toujours un peu juste aussi." L’abbaye de Prébenoît saura-t-elle préserver l’harmonie entre celui qui croyait au ciel et ceux qui n’y croyaient pas ? Une réconciliation entre celui qui prie le bon dieu et Bernard Bondieu pourrait-elle voir le jour ?