Bien malin ceux qui auraient pu imaginer, le 1er juillet 1997, ce que serait le monde 25 ans plus tard. Nous étions encore dans les soubresauts de la disparition de l’URSS, les États-Unis étaient l’hyper-puissance, la Chine un pays en développement et l’Angleterre une puissance avec une trace coloniale en voie d’effacement. La concession de 99 ans touchait à sa fin et avec elle la présence anglaise en Asie. La rétrocession à la Chine était une mise en conformité juridique qui donna, pour Pékin, une indépendance complètement retrouvée.
Après un quart de siècle, la venue de Xi Jinping pour un voyage éclair de deux jours ne marque pas uniquement un anniversaire ; c’est aussi le symbole d’une puissance chinoise désormais devenue puissance mondiale, qui a largement devancé son ancien partenaire soviétique, qui concurrence les États-Unis dans l’ordre de la puissance et qui s’est affirmée face aux autres pays asiatiques comme le pivot de référence. Ce n’est pas tant un retour à la mère-patrie qui est commémoré qu’une présence de la Chine sur la scène mondiale.
25 ans de relations tumultueuses
En 1997, Hong Kong jouissait d’un statut juridique particulier. Une certaine liberté politique et intellectuelle régnait dans la cité ; c’était un lieu à part, chinois tout en étant occidental. Cette promesse de l’existence de "un pays, deux systèmes" n’existe plus. Les dix dernières années ont vu l’étouffement progressif de Hong Kong, des manifestations de plus en plus hostiles à l’égard de Pékin, des arrestations de dissidents et d’hommes politiques pour aboutir à un alignement quasi complet de la cité sur le reste de la Chine. L’arrestation et la détention furtive en mai dernier de l’ancien archevêque, le cardinal Zen, témoigne à elle seule de l’emprise du PCC sur la ville. Le Hong Kong de 2022 n’est plus celui de 1997. La commémoration de la rétrocession est donc loin de sonner comme un jour de joie pour une grande partie des habitants.
Commémorations sous tensions
En témoignent les mesures exceptionnelles de sécurité qui sont prises dans la ville, comme si Xi Jinping était en terrain hostile. Il ne reste que deux jours dans la cité, sans y passer la nuit. Le quartier de la gare, où il arrive, est complètement bouclé, les drones ont été interdits, la circulation est drastiquement limitée et Xi circulera en limousine blindée, sans rencontre prévue avec la population. Afin de lutter contre le covid, toutes les personnes qui participent aux cérémonies ainsi que le personnel des hôtels et des lieux de commémoration ont été placées en quarantaine dans deux hôtels. Il leur est interdit de sortir de la zone délimitée, de rentrer chez eux comme de déjeuner à l’extérieur. Face à ces mesures très restrictives, plusieurs consuls européens ont annoncé ne pas participer aux cérémonies. Le coronavirus est un bon prétexte pour renforcer le contrôle de la ville et accroître la présence policière.
Hong Kong n’est donc nullement en fête : les cérémonies se font uniquement entre officiels et n’incluent pas la population. Le trajet final de Xi Jinping n’est pas encore connu, plusieurs plans sont possibles, qui seront décidés au dernier moment. Même si la présence chinoise sur la ville s’est renforcée, cette cérémonie a tous les airs de visite en terrain hostile. La loi sur la sécurité nationale, qui interdit les actes de sécession, de subversion, de terrorisme et de collusion avec des forces étrangères, a été suivie d'une refonte du système électoral de Hong Kong afin de garantir que seuls les "patriotes", c'est-à-dire les pro-Pékin, dirigent la ville. Cette loi a permis l’exclusion des membres de l’opposition, qui se montrent très prudents durant ces jours de commémorations. Entre arrestations, fortes amendes et pressions policières, l’opposition démocratique est quasiment réduite au silence. Cela n’empêche pas Pékin d’adopter des mesures de sécurité contraignantes, preuve que la rétrocession des esprits hongkongais à la Chine n’est peut-être pas encore achevée.