Depuis le vote de plusieurs motions en faveur de l’ordination des femmes et de la reconnaissance des unions homosexuelles le 5 février dernier lors de l’assemblée plénière organisée à Francfort, le Chemin synodal allemand suscite de nombreuses interrogations.
Dans un échange avec des responsables de revues ignatiennes, le pape n'a pas éludé la question. Il a expliqué avoir confié à Mgr Georg Bätzing, président de la Conférence des évêques d’Allemagne, qu’il y avait "une très bonne Église évangélique en Allemagne" et qu’il n’y avait pas besoin d’en avoir "deux". Le problème, outre-Rhin, se pose, selon lui "lorsque la voie synodale vient des élites intellectuelles, théologiques, et est très influencée par des pressions extérieures".
Secousses entre Rome et l'Allemagne
Les mois écoulés ont en effet été marqués par de sérieuses secousses entre Rome et l’Allemagne, notamment lors de la remise en cause du Catéchisme de l’Église catholique par le cardinal Marx. L’archevêque de Munich avait déclaré, dans un entretien publié en mars, que l’enseignement de l'Église sur l’homosexualité "n’est pas gravé dans le marbre" et qu’il est même "permis d’en douter". Une relativisation qui pose la question de la liberté de l’Église face aux "colonisations idéologiques" régulièrement dénoncées par le pape François.
Cette tentation libérale n'est pas nouvelle et le dernier voyage apostolique d'un pape en Allemagne fut aussi marqué par ces débats. Dans un important discours prononcé le 25 septembre 2011 à Fribourg-en-Brisgau, devant des catholiques engagés dans l’Eglise et la société, le pape Benoît XVI avait averti contre la tentation d’une "Église qui est satisfaite d’elle-même, qui s’installe dans ce monde, qui est autosuffisante et s’adapte aux critères du monde". Il posait implicitement la question du statut fiscal de l’Église catholique allemande, dont les revenus statutaires, très élevés, peuvent entraver sa liberté politique.
Demeurer dans la communion de l’Église
L’un des autres enjeux fondamentaux est la cohérence doctrinale de l’Église catholique d’Allemagne vis-à-vis des autres pays, comme la Pologne voisine, beaucoup plus attachée au cadre de la famille traditionnelle.
Le président de l’épiscopat polonais, Mgr Stanislaw Gadecki, a été discrètement félicité par le Vatican après avoir écrit à son homologue allemand ses réserves face aux orientations prises par le Chemin synodal. "Nous ne devons pas succomber aux pressions du monde ou nous soumettre au modèle de la culture dominante, car cela pourrait conduire à la corruption morale et spirituelle", écrivait-il dans cette lettre rendue publique en février.
Risque d'un "appauvrissement du contenu de notre foi"
Les évêques de Scandinavie étaient également montés au créneau début mars, dénonçant dans les propositions allemandes le risque d’un "appauvrissement du contenu de notre foi". Dans ces territoires marqués par le libéralisme moral, l’Église catholique se sait petite mais assume d'être une "minorité créative".
Dans sa discussion avec les revues jésuites, le Pape a exprimé son admiration pour le cardinal suédois Anders Arborelius, ancien protestant devenu l'évêque catholique de Stockholm depuis 1998. Paramètre étonnant vu de Rome : depuis 2009, son homologue pour l’Église luthérienne est une femme lesbienne, en couple avec une femme prêtre de cette Église rattachée à l’État, et qui s’est totalement adaptée à l’esprit du temps et aux lois civiles.
Face à ces différences de style de vie, le cardinal Arborelius assume un dialogue oecuménique régulier et une identité catholique tournée vers les pauvres et les étrangers, mais demeure ferme sur le plan moral.
Une identité catholique vécue pleinement, sans animosité face aux autres confessions, mais sans confusion des genres : c’est la voie que semble vouloir proposer le pape, et la suite du parcours synodal engagé au niveau mondial devrait permettre de baliser le terrain et de corriger les excès contenus dans les propositions allemandes.