Ouganda, 1887. La journée s’annonce plutôt calme en cette journée de janvier, à la résidence du roi Mwanga II. Les ministres remplissent leurs devoirs et reçoivent des envoyés d’ailleurs avec l’assistance des pages. C’est alors que les portes s'ouvrent à la volée et un jeune garçon, page du kabaka (souverain), s’approche du Premier ministre. Il tombe à genoux devant lui et écarte les bras.
- Moi aussi, Jean-Marie Muzei, je suis chrétien et je vous le dis, le Christ ressuscité est vivant ! proclame-t-il.
La cour se fige un instant alors que le cœur de Jean-Marie bat la chamade. Lorsque les gardes reprendront leurs esprits, il sera comme ses frères de foi, condamné à mort. Mais il ne peut plus vivre en cachette sa foi et prier seul, alors que l’amour du Christ lui brûle les lèvres. Lui aussi veut proclamer la gloire de Dieu jusqu’au bout. Son destin funeste se réalise. Il est décapité et son corps jeté dans un marécage. Ainsi le dernier martyr de l’Ouganda rend l’âme.
Pour la haine d’un roi
Deux ans plus tôt, un décret du roi Mwanga a en effet déclaré le christianisme illégal et passible de mort. Pourtant, son père Muteesa I, avait tissé de lien fort avec l’Église catholique et de nombreuses conversions chrétiennes avaient eu lieu durant son règne. Mwanga, pourtant éduqué par des missionnaires, ne leur porte pas la même considération. Si au début de son règne il tolère encore l’activité des missionnaires, les murmures des dignitaires locaux le font vite changer d’avis.
Son entourage finit par le convaincre que les chrétiens finiront par le renverser s’ils continuent de convertir. Les mœurs perverties du roi envers les jeunes garçons de la cour seraient également à l’origine de cette rancœur, puisque les pages convertis refusent ses avances en vertu de leur nouvelle foi.
Mwanga chasse les missionnaires en 1885. Puis pour en faire un exemple, il fait décapiter et brûler Joseph Mukasa, un intendant converti qui assistait les Pères blancs. En mai 1886, le roi fait torturer et égorger Denis Sebuggwao, page de 14 ans qui apprenait le catéchisme. Une quinzaine d’autres pages et clercs du palais sont découverts et condamnés à mort. Cette fois, le roi compte bien marquer les esprits. Les fidèles seront livrés au feu le 3 juin de cette année-là.
Les racines de la foi
Le jour de l'exécution, alors que les gardes préparent le bûcher, les condamnés se recueillent. Au premier rang, Charles Lwanga se tient prêt. Âgés d’un vingtaine d’années, c’est lui qui s’est donné pour mission d’enseigner le catéchisme aux pages, pour combler l’absence de prêtres. Kizito, le plus jeune des condamnés âgés de seulement 13 ans, s’approche de lui.
- Donne-moi la main, demande l’enfant. J’aurai moins peur.
La crainte de la douleur est là mais elle se fait minuscule face à la foi des jeunes laïcs. Charles est brûlé à petit feu en premier, en commençant par les pieds. Il rend l’âme en criant le nom de Dieu. Un à un, les pages sont jetés dans les flammes, proclamant la gloire de Dieu.
- C'est ici que nous verrons Jésus ! s'écrit l'un.
Alors que leurs corps se consument, on peut entendre le Notre Père s’élever de la fournaise. La prière ne prend fin que lorsque le dernier d’entre eux expire.
En voulant éteindre le christianisme par la tyrannie, le roi n’a fait qu’attiser les flammes de la foi. Dans la semaine qui suit la mort de Joseph Mukasa, 500 catéchumènes sont baptisés. Le nombre de conversions explose dans les années qui suivent. Leur sang a servi à abreuver les racines du christianisme en terre d’Afrique.
C’est le pape Paul VI qui canonise les 22 martyrs de l’Ouganda en 1964, et reconnaît également le massacre de 23 chrétiens anglicans sur la même période. Saint Charles Lwanga et saint Kizito sont proclamés saints patron de la jeunesse africaine. De nombreuses paroisses en Afrique portent les noms de ces saints martyrs.