"La guerre ne va pas se terminer avec un simple accord de paix", mais il faudra "guérir les âmes et la mémoire", dans un contexte de traumatisme qui marquera à vie des millions d’Ukrainiens, ont expliqué les responsables des antennes locales de Caritas le 16 mai 2022 lors d’une conférence de presse organisée au siège de Radio Vatican. Les responsables de Caritas Ukraine et de Caritas Spes, des organismes respectivement liés à l’Église gréco-catholique et à l’Église catholique latine, ont détaillé les opérations menées depuis le début de l’offensive russe, le 24 février dernier.
1,8 millions de réfugiés sont des enfants
Cette guerre a provoqué des mouvements de population d’une ampleur inédite en Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus de 14 millions de personnes ont dû quitter leur maison, soit un tiers de la population ukrainienne. 1,8 millions de réfugiés sont des enfants, a précisé Aloysius John, le secrétaire général de Caritas Internationalis. L’Ukraine vit un "cauchemar", a-t-il expliqué, précisant que le coût de la reconstruction est actuellement évalué à 600 milliards de dollars, et que 116 églises ont été détruites.
Le réseau Caritas est mobilisé en Ukraine mais aussi dans les pays limitrophes, où "les femmes et les enfants deviennent facilement victimes du trafic humain", s’est-il alarmé. Il a aussi souligné que le monde entier commençait à souffrir des conséquences de cette guerre, avec des difficultés d’approvisionnement alimentaire, la crise de l’énergie, et le risque de récession mondiale.
Par ailleurs, la hausse des investissements militaires se fera au détriment des dépenses sociales et de l’attention à d’autres situations de crise dans le monde. "Les pauvres vont payer le plus lourd tribut", a averti le secrétaire général de Caritas Internationalis.
Guérir les blessures et prendre soin de l’avenir
Le père Vyacheslav Grynevych, président de Caritas Spes, organisme lié à l’Église catholique latine et dont le siège se trouve à Kiev, a reconnu qu’il est "difficile de partager la vérité, tous les faits", dans ce contexte de guerre sur le terrain qui est aussi une guerre de communication.
Au-delà de l’urgence, il mobilise aussi ses équipes sur une aide de long terme, relevant notamment l’enjeu de la scolarisation des enfants. "Qui seront nos docteurs, nos enseignants, nos leaders dans le futur ?", a-t-il demandé, en remarquant que la guerre a marqué une nouvelle rupture dans le processus d’éducation, s’ajoutant aux difficultés induites par la pandémie.
La solidarité est partout et permet de restaurer les gens dans leur intégrité face au mouvement de chaos, de destruction et de mort provoqué par la guerre.
Mais il a aussi relevé le formidable élan de solidarité internationale, ainsi que la créativité des Ukrainiens eux-mêmes. Des personnes déplacées assument parfois des services de volontariat et montrent de grandes capacités de leadership. Le père Grynevych a exprimé son étonnement et son admiration devant "la flexibilité de l’âme humaine" démontrée notamment dans le métro de Kiev, où une ville souterraine a été mise en place afin de se protéger des bombardements. Toute une chaîne logistique efficace s’est organisée pour l’alimentation, l’hygiène et les médicaments, et des projections de films sont même proposées.
"La solidarité est partout" et constitue une "expression de dignité et d’amour" qui permet de "restaurer les gens dans leur intégrité face au mouvement de chaos, de destruction et de mort" provoqué par la guerre, a expliqué pour sa part Tetiana Stawnychy, la secrétaire générale de Caritas Ukraine, qui fédère les diocèses gréco-catholiques, et dont le siège se situe à Lviv, dans l’ouest du pays.
Elle a précisé que l’organisation veille à la sécurité de ses collaborateurs et applique des protocoles de sécurité très précis, avec l’expérience des huit ans de travail en zone de guerre, dans le Donbass, où des services ont toujours été maintenus des deux côtés de la ligne de démarcation. Cependant, concernant le bombardement d’un local de la Caritas à Marioupol, survenu à la mi-mars mais révélé près d’un mois plus tard, aucune enquête n’a pu être menée sur le terrain. Cette frappe avait fait sept morts, parmi lesquelles deux employées et cinq membres d’une famille qui avait cherché refuge dans ce local.
Mobilisation massive dans les pays voisins
Au total, plus de 1,2 millions de personnes ont été prises en charge par les services des deux antennes ukrainiennes de Caritas, répartis en 50 centres. L’aide est massive également dans les pays limitrophes, notamment en Pologne, où 1,5 million de repas ont été distribués à plus de 500.000 personnes venues d’Ukraine. La mobilisation est forte également en Roumanie, en Slovaquie, en République tchèque, en Moldavie ou encore en Hongrie. Des pays plus éloignés commencent aussi à être impliqués dans l’accueil de réfugiés ukrainiens. C’est notamment le cas de la Bulgarie, où 2.000 réfugiés ont bénéficié du soutien de la Caritas locale.
Reçus par le pape François à la Maison Sainte-Marthe dans l’après-midi du 15 mai, les responsables de la Caritas en Ukraine ont pu lui présenter leurs opérations, qui témoignent d’une "Église en sortie", a expliqué le père Grynevych. Il a expliqué que le pape leur avait exprimé "un grand soutien" et qu’il était revenu sur sa rencontre avec des enfants ukrainiens pris en charge à l’hôpital du Bambino Gesù. "Il nous a fait sentir que nous ne sommes pas seuls, et c’est le message le plus fort que je veux emporter en Ukraine", a-t-il souligné en rappelant l’importance de la mobilisation internationale et en précisant que le pape avait béni leurs efforts.