A la sortie de la crypte de Notre-Dame d’Auteuil à Paris, de nombreux couples, tous âges confondus, s’attardent sur le parvis. Comme s’ils voulaient rester quelques instants encore pour savourer ensemble la joie étonnante de la soirée d’adoration à laquelle ils ont participé. Ils semblent plus rayonnants, plus complices, plus unis que jamais. Mais quelle est cette force dans l’eucharistie qui rebooste leur couple ? Comment opère-t-elle ? Et pourquoi ? Confidences de trois couples adorateurs.
Paul et Anne-Marie : une méfiance mutuelle qui s'installe
Mariés depuis à peine six ans, Paul et Anne-Marie, trentenaires, sans vraiment savoir pourquoi, ont perdu la joie dans leur relation de couple. Un échange serein est devenu pratiquement impossible malgré de nombreuses tentatives. Difficile pour l’un comme pour l’autre d’identifier une situation ou un événement concret qui aurait déclenché la crise. "Il n’y a pas eu d’infidélité ou de trahison. Nous étions juste très fatigués par l’arrivée rapprochée de nos deux enfants, de quatre et deux ans aujourd’hui. Cela a chamboulé plus que nous l'imaginions notre quotidien et notre relation de couple. C’était paradoxal, j’étais bien sûr très heureuse de la naissance de nos deux garçons, mais j’avais l’impression d’être dans un marathon au-dessus de mes forces, entre vie de famille et vie professionnelle… sans la place pour la vie à deux", confie Anne-Marie. Paul remarque de son côté "une méfiance mutuelle qui s’est installée petit à petit, accompagnée d’une grande tristesse". Perdus, ils décident d’en parler à leurs témoins de mariage, puis au prêtre qui les avait mariés. Ce dernier leur suggère d’essayer juste une chose : aller ensemble une fois par semaine à l’adoration eucharistique.
Dès le début de ce face-à-face avec Jésus, nous avons ressenti une joie qui nous manquait tant. Elle était timide au début et de plus ne plus rayonnante au fil des heures d’adoration cumulées.
"Je me souviens de notre première fois. C'était dans une église près de mon bureau. Alors que nous y allions à reculons, dès le début de ce face-à-face avec Jésus, nous avons ressenti une paix intérieure et de la joie. C’était étonnant", explique Paul en décrivant cette joie qui lui manquait tant : "Elle était timide au début et de plus ne plus rayonnante au fil des heures d’adoration cumulées." Un signe clair pour le couple qu’il est sur la bonne voie.
Pour le père Paul Habsburg qui anime les soirées d'adoration en couple, cette joie ressentie pendant l’adoration se manifeste quand on apprend à "aimer en vérité, d’un amour pur et gratuit ; quand on arrive à accueillir l’autre sans aucune réserve, juste avec un cœur disponible. Si la joie augmente, c'est parce que l’amour est valorisé et accueilli comme un
don, un signe, une lumière". C’est l’effet direct de l’adoration eucharistique : du seul fait du Saint-Sacrement exposé, se produit une irradiation de l’amour de Dieu qui guérit.
Bruno et Stéphanie : derrière les sourires, le désespoir caché
Cette irradiation d’amour, Bruno et Stéphanie l'ont vécue de manière radicale. Mariés depuis sept ans, derrière de beaux sourires et des discours comme il faut, ces trentenaires parisiens sans enfants cachaient bien le désespoir de leur couple. Le déclic de la crise est venu par Bruno. Depuis quelque temps, cet ingénieur ressentait des doutes quant à sa foi et à son mariage. Il était plongé dans une sorte de désillusion totale. "Avec le temps, tout le système de valeurs qui m’était proche par mon éducation chrétienne, s’est écroulé. Cela ne me disait plus rien. L’univers dans lequel j’évoluais professionnellement était grisant, j’avais l’impression de vivre plus avec mes collègues qu’avec ma femme qui m’agaçait de plus en plus. Ses défauts comme son manque d’ambition professionnelle m’exaspéraient", confie-t-il à Aleteia.
Voir tous ces couples confrontés aussi à des doutes, peurs, frustrations, souffrances ou sentiments de culpabilité, console et donne de l’espoir.
Quand ils envisagent sérieusement de se séparer, un ami les invite à une soirée d’adoration en couple à Notre-Dame d’Auteuil à Paris. Bruno n’a pas osé lui dire non. Stéphanie le prend comme signe qu’il fallait se battre pour sauver son couple alors qu’elle avait déjà tout laissé tomber. "C’était un mardi soir. La crypte de l’église était pleine. J’avais une très forte intuition que nous étions à nouveau ensemble et que nous nous ouvrions ensemble au Christ. D’un coin de l’œil je voyais Bruno ému, peut-être aussi par le nombre de couples rassemblés pour adorer Jésus", poursuit-elle.
Nous avons senti une grâce s’opérer, un regard de Jésus posé sur nous. C’était merveilleux.
Voir d’autres adorer et se dire qu’on n’est pas un cas unique et que tous ces couples sont confrontés aussi à des doutes, peurs, frustrations, souffrances ou sentiments de culpabilité, console et donne de l’espoir. C’est ce que Bruno et Stéphanie ont compris ce soir-là. "Nous avons senti une grâce s’opérer, un regard de Jésus (alors que je n’y croyait plus !) posé sur Stéphanie et moi. C’était merveilleux", confie-t-il. Comme dit un couple qui participe à ces soirées d’adoration : un couple seul est en danger, un couple qui adore est un couple sauvé. Pourquoi ? "Quand les époux sont ensemble devant Jésus- Eucharistie et qu’ils s’ouvrent ensemble à Lui, le Christ peut unir en eux ce qu’ils ne peuvent pas unir eux-mêmes. Les époux peuvent unir leurs corps et leurs esprits, mais ils ne peuvent pas sans le Christ unir leurs âmes", explique le père Paul.
Renaud et Sixtine : fidèles à l'adoration malgré les crises
Mariés depuis plus de 30 ans, Marc et Sixtine, parents de trois enfants et grands-parents de sept petits-enfants, vont à l’adoration eucharistique depuis de nombreuses années marquées (aussi) par des temps de frustrations et de crises. Ils n’hésitent pas à dire aujourd'hui que le temps donné ensemble à Dieu les a rendus de plus en plus proches, particulièrement dans la prière d’adoration en silence. Elle fait grandir de façon étonnante "la gratuité du don mutuel" dans le couple.
Nous voyons une transformation qui s’opère à chaque fois dans notre couple. On devient moins égoïste et capable d’accepter l’autre sans conditions.
"Nous voyons une transformation qui s’opère à chaque fois dans notre couple. On devient moins égoïste et capable d’accepter l’autre sans conditions", reconnaît avec Renaud. A chaque adoration, le couple ressort complètement "gonflé à bloc". "C’est comme un renouvellement de nos vœux de mariage devant Jésus", résume Sixtine.
Mais que font-ils pendant l’adoration ?
"Quelle joie, mon Dieu ! de pouvoir passer 18 heures devant toi, en n’ayant rien d’autre à faire que te dire que je t’aime, ô Jésus, ma joie !", disait Charles de Foucauld. Il a ainsi saisi ce qu’est l’adoration et ce qu’on à faire devant le Saint-Sacrement. S'inspirer des amoureux qui se regardent dans les yeux et n’ont pas à se dire grand-chose, alors juste de temps en temps ils se disent : "Tu sais, je t’aime. Tu es un trésor pour moi."