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L’effet de la dépense publique sur les comptes des entreprises

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Xavier Fontanet - publié le 10/05/22
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À vouloir trop en faire, estime l’ancien président d’Essilor, l’État plombe les entreprises et crée les conditions d’un chômage durable parce qu’il n’intègre pas le concept de compétitivité.

Pour l’immense majorité des citoyens, la France est un pays dans lequel l’intérêt général ne peut être défendu que par l’État, les entreprises ne défendant quant à elles que « des intérêts particuliers ». C’est à partir de cette idée fausse, entre autres, que la dépense publique s’est développée, en particulier après le président Pompidou. Aujourd’hui, la France est le pays dans lequel la taille des sphères publique et sociale est la plus forte au monde (57% avant l’arrivée du Covid) avec pour conséquence les impôts les plus élevés.

Stimuler l’économie ?

Les keynésiens sont venus en renfort de cette thèse en cherchant à démontrer que le marché était imparfait et que c’était à l’État d’en combler les lacunes. Leur idée est que le multiplicateur des dépenses publiques stimule l’économie comme le ferait une sorte d’engrais ou de pluie bienfaisante. L’image est belle, mais il faut regarder les choses de plus près parce qu’au bout de cinquante ans, les pays qui ont gardé des dépenses publiques à un niveau de 40% du PIB réalisent des croissances plus fortes et ont des PIB par tête supérieurs au nôtre (2,5 fois dans le cas de la Suisse qui avait le même PIB par tête que la France en 1973). Quand un pays a des dépenses publiques et sociales de 57% et que son voisin en est à 44% (pour un même périmètre de dépenses), cela crée une très grosse différence sur le prix de revient complet d’une entreprise située sur son sol. Les défenseurs des dépenses publiques rétorquent qu’une partie des dépenses est réinjectée en aides aux entreprises. On parle là des fameuses niches fiscales, qui représentent 90 milliards d’euros, soit 7% du total. Soit ! Mais encore faudrait-il que ces sommes soient bien investies ! Au total l’argument est faible.

L’explication de notre balance déficitaire

Imaginez en effet deux concurrents, un français et un allemand de même taille et de même productivité qui ont des prix de revient de 100 en enlevant toutes les taxes ; on va rajouter en France 132 (57/43x100) ; on rajoutera en Allemagne 78 (44/56x100). Le prix de revient total français sera de 232 et le prix de revient allemand de 178 ; par le seul fait des dépenses publiques et sociales différentes, le produit français aura un désavantage de 23% (178/232) par rapport à l’allemand et ne pourra pas exporter. Vous avez là l’explication de notre balance déficitaire (la balance allemande est très excédentaire) avec comme conséquence une différence considérable d’emplois dans le pays !

Comment peut-on arriver à de telles différences ? La grosse dépense est sociale. L’Allemagne est sortie du paritarisme sous Gerhard Schröder parce que l’État n’avait plus d’argent pour combler les caisses sociales sans s’endetter. Cette sortie a simplifié le dialogue social entre syndicats et patronat : les Allemands ont fait des arbitrages sur l’âge de la retraite, ont inventé le ticket modérateur en matière de santé et mis sur pied des systèmes d’indemnités chômage plus exigeants. Le résultat est une sphère sociale à 24 % en Allemagne contre 32% avec un meilleur service rendu outre-Rhin puisqu’il n’y a pas de chômage. Ces mesures difficiles expliquent la santé économique de l’Allemagne. La rigueur d’une période de réforme a fini par produire du bien durable.

Une saine concurrence

Les champions en matière de dépense régalienne sont les Suisses où les cantons sont responsables de la gestion de la sphère publique : ils collectent eux-mêmes les impôts et payent directement les fonctionnaires. Une saine concurrence se crée entre cantons, les cantons moins bien gérés ont des impôts plus élevés, ce qui menace de faire fuir les entreprises vers d’autres cantons ; au bout du bout, le système maintient des coûts compétitifs partout (coût total social et régalien à 40%). 

La concurrence est bienfaitrice dans cette affaire : quand vous donnez sous prétexte d’intérêt général le monopole à une organisation et qu’elle n’est plus stimulée par la concurrence, elle risque de devenir une corporation oubliant qu’elle a des clients. Il y a certes de nombreuses personnes compétentes et dévouées dans la sphère publique, mais il y a aussi beaucoup de domaines dans lesquels un peu plus de concurrence ne ferait pas de mal. Les dirigeants de pays étrangers regardent souvent la France soit comme un cheval affublé d’un jockey beaucoup trop lourd ou un bateau abritant beaucoup plus de barreurs que de rameurs. 

Être compétitif

À l’heure de la concurrence, il faut être compétitif ! Notre sphère publique est en train de comprendre le concept d’attractivité et cherche à démontrer par tous les moyens que nous sommes attractifs. Ceci est peut-être vrai en nombre de projets, mais quand vous regardez les masses, l’Allemagne nous a littéralement écrasé cette année avec les investissements de Tesla et d’Intel. Les grands entrepreneurs mondiaux ont considéré que c’est plus facile de travailler en Allemagne qu’en France et quand on entend les propos de certains candidats au poste de Premier ministre on ne peut que les comprendre. 

Certains politiques font le reproche à nos entrepreneurs d’être de mauvais Français en se délocalisant, mais que peut faire un patron d’entreprise textile quand tous ses clients achètent des chandails produits avec les mêmes machines dans des pays où les salaires sont dix fois plus bas ? Ce n’est pas l’entreprise qui a délocalisé, c’est le client… voilà ce qu’il faudrait mieux expliquer ! Un autre argument consiste à dire que nos entrepreneurs sont incompétents, mais là encore on se trompe ! Il suffit de voir le CAC 40 qui est rempli d’entreprises françaises leaders mondiaux dans leur secteur. Pour dire la vérité, l’attractivité et la compétitivité sont les facteurs qui permettent la prospérité. Quand 60% du PIB est occupé par la sphère publique, l’État et la sphère sociale ne peuvent pas se dispenser d’être eux-mêmes compétitifs. Il ne faut pas se raconter des histoires.

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