À n’en pas douter, les 8 et 9 mai vont être pour les uns et les autres une belle occasion de montrer les muscles. Les uns opteront pour un discours martial, les autres pour faire défiler toutes les technologies les plus macabres contenues dans des missiles glaçants. Les rumeurs de guerre enflent. Les dénonciations d’horreurs commises se précisent. Il y a donc 77 ans qu’a été sonné le premier 8 mai : deux fois le chiffre qui indique l’âge de raison et, dans la Bible, la plénitude.
Un vieillard qui a besoin
Au cœur de cette tempête de mort, il y a ce vieillard tout en blanc qui ne parvient pas à se relever de son siège à la fin de l’audience sur la Place Saint-Pierre. Il est sans doute celui dont la voix porte le plus dans le monde entier. Son nom est invoqué dans la prière quotidienne de plus d’un milliard d’hommes et de femmes, dans toutes les langues. Homme parmi les hommes, il est désormais faible parmi les faibles. Il souffre mais il se redresse. Et quand il ne le peut, il ose paraître sur un fauteuil roulant. Il ose manifester publiquement que, tout pape qu’il soit, il « a besoin ». Besoin d’un bras secourable et vigoureux pour le maintenir sur pieds. Besoin de l’intercession des autres comme il le dit dès le premier soir, au balcon d’un palais où il ne voulut jamais habiter pour ne pas s’y perdre.
Que le Pape ait besoin n’étonnera évidemment pas le croyant qui sait que pour vivre, il faut sans cesse que le souffle de vie fasse gonfler ses poumons. Mais c’est au monde entier que cette image est renvoyée. Dans un monde où chacun cherche l’autonomie sans vraiment se soucier des conséquences que cela entraîne pour autrui, un vieillard qui ne se redresse qu’en étant soulevé par les bras d’un autre peut nous indiquer le vrai chemin de paix.
Dans la faiblesse humaine
Et puis il y a ses mots, adressés à son frère, le patriarche russe Kirill et rapporté à un journal italien : « Les vingt premières minutes, un papier à la main, il m’a lu toutes les justifications de la guerre. J’ai écouté et j’ai dit : “Je ne comprends pas tout cela, Frère, nous ne sommes pas des clercs d’État, nous ne pouvons pas utiliser le langage de la politique, mais [devons utiliser] le langage de Jésus. Nous sommes les bergers du même peuple saint de Dieu. C’est pourquoi nous devons chercher des moyens de paix, arrêter le bruit des armes”. » Dans la faiblesse humaine, de ne pouvoir trouver en soi seul la ressource physique pour se mouvoir, de ne pouvoir, soi seul être capable arrêter la guerre et enrayer la rationalité délirante des puissants de ce monde ; dans cette faible humaine qui s’assume, peut enfin transparaître l’œuvre de la grâce. Comment les bras vigoureux pourraient-il trouver à s’employer si nul ne compte s’appuyer dessus ? Comment la générosité et le don pourraient-ils s’exprimer si nul les convoque ? En acceptant d’être faible, l’apôtre Paul nous révèle que la force nous sera donnée. Le croyons-nous ?
Que seront donc les 8 et 9 mai prochains ? Nul ne le sait à l’heure où ces lignes sont écrites. Mais ce qui est certain, c’est que si chaque baptisé grandit chaque jour dans la conscience qu’il a besoin pour vivre et grandir, que l’on lui vienne en aide, alors le monde en sera transformé. Profondément. Et pour longtemps.