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8 mai : Jeanne occultée, mais pas oubliée

JEANNE D'ARC
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Fabrice de Chanceuil - publié le 07/05/22
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Peu de Français le savent, mais la fête de Jeanne d’Arc en France est à la fois une fête civile et religieuse, patriotique et liturgique. Une célébration malheureusement négligée.

Ce 8 mai sera célébré le 77e anniversaire de la capitulation allemande survenue le 8 mai 1945. Les amateurs de jours fériés et de ponts en seront pour leurs frais puisque cette fête tombe cette année un dimanche. Mais ils ne seront pas les seuls frustrés car, cette année encore, la mémoire de Jeanne d’Arc, en dehors d’Orléans, sera une nouvelle fois occultée bien que l’on célèbre ce jour-là sa fête nationale. 

Peu de Français savent en effet, bien que la plupart des calendriers le mentionne explicitement, que le deuxième dimanche de mai est celui de la Fête nationale de Jeanne d’Arc et du patriotisme. Cette disposition date de la loi du 10 juillet 1920 qui dispose que "la République française célèbre annuellement la fête de Jeanne d’Arc, fête du patriotisme ; cette fête a lieu le deuxième dimanche de mai".

Jeanne d’Arc est certainement la seule figure de l’histoire de France capable de rassembler les Français de toutes origines et de toutes convictions, ceux qui croient au ciel comme ceux qui n’y croient pas.

Cette date n’a pas été choisie au hasard puisqu’elle correspond au dimanche le plus proche du 8 mai, quand les deux journées ne se confondent pas comme cette année, afin de commémorer le 8 mai 1429, date de la délivrance d’Orléans par celle qui allait définitivement attacher son nom à celui de la cité libérée. Belle fête assurément, car Jeanne d’Arc est certainement la seule figure de l’histoire de France capable de rassembler les Français de toutes origines et de toutes convictions, ceux qui croient au ciel comme ceux qui n’y croient pas.

Quand la décision a été prise d’instituer cette fête officielle, l’Église catholique venait juste quelque temps auparavant, le 16 mai 1920, de canoniser Jeanne d’Arc à la faveur du réchauffement des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République française. Et dans ce souci de convergence, le pape Benoît XV avait décidé que la solennité de la fête liturgique de la nouvelle sainte, jusqu’ici célébrée le 30 mai, date de sa mort sur le bûcher à Rouen, serait désormais transférée le deuxième dimanche de mai "afin d’assurer la coïncidence de la solennité religieuse avec la fête civique". Et, de fait, cette osmose a perduré pendant plusieurs années, les municipalités républicaines érigeant des statues à la gloire de l’héroïne nationale tandis que les églises se couvraient de monuments en l’honneur de la sainte de la patrie, toutes ces effigies étant abondamment fleuries à l’occasion de la nouvelle fête nationale.

L’exception d’Orléans

Malheureusement, ce double souffle patriotique et religieux est retombé, sans qu’on en sache vraiment les raisons. Si la Fête nationale de Jeanne d’Arc reste toujours inscrite au calendrier et que les préfets sont invités, à cette occasion, à pavoiser les bâtiments publics, les défilés officiels ont disparu depuis bien longtemps, tandis que l’Église a pareillement abandonné la solennité du deuxième dimanche de mai pour en revenir à la discrète célébration du 30 mai. Bien sûr, Jeanne continue d’être fêtée et honorée à Orléans et cette année, les fêtes johanniques revêtiront un éclat particulier puisque c’est une des descendantes du frère de la sainte héroïne qui l’incarnera au cours du défilé traditionnel rassemblant autorités politiques, militaires et religieuses. Également en phase avec l’actualité, ces fêtes seront présidées par la réalisatrice ukrainienne Masha Kondakova.

Dans le cœur des vivants

De même, comme chaque année depuis 1909, plusieurs associations nationalistes, l’Action française en tête, déposent une gerbe au pied d’une des nombreuses représentations de Jeanne d’Arc, à commencer par sa statue équestre, due au sculpteur Emmanuel Frémiet, érigée place des Pyramides à Paris. Ces hommages, aussi sincères soient-ils mais limités dans l’espace ou cantonnés dans une sphère politique réduite, ne sont pas à la hauteur du rayonnement de la grande figure à bien des égards prophétiques de Jeanne d’Arc. Consolons-nous cependant en nous souvenant de l’apostrophe formulée à son endroit par André Malraux en 1964, célébrant "Jeanne sans sépulcre et sans portrait, toi qui savait que le tombeau des héros est le cœur des vivants".

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