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Présidentielle : le match dont les Français ne voulaient pas

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Xavier Patier - publié le 19/04/22
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Cinq ans plus tard, les mêmes candidats s’affrontent à nouveau au deuxième tour de la présidentielle. L’écrivain Xavier Patier y voit un chantage moral : le choix impossible entre la grande standardisation et la grande marginalisation.

Le fait était connu depuis longtemps : les Français n'ont pas envie de revivre en 2022 le duel Emmanuel Macron-Marine Le Pen déjà subi lors de l’élection présidentielle de 2017. Un sondage Elabe de février 2020 indiquait déjà que huit électeurs sur dix — huit sur dix ! — étaient opposés à l'idée de voir en 2022 le match retour de 2017. L'élection de 2017, marquée par les coups de théâtre et l'intrusion des juges, avait pris l'allure de combat par défaut portant en germe une faille de légitimité du président élu et une crise de l'opposition gouvernementale. Il en était résulté divers avatars, comme l'aventure des Gilets jaunes, l'abstention inédite aux élections locales et l'essor des comportements protestataires. Plus jamais ça ! demandaient les Français.

Plus jamais ce chantage entre un Emmanuel Macron qui a fait du centrisme une sorte d'extrémisme, et une Marine Le Pen qui a fait de la périphérie le lieu d'un étrange centrisme. Ce n'est pas un choix possible. Et pourtant nous y voilà de nouveau : on nous somme de choisir entre les deux même qu'il y a cinq ans ! On nous intime l'ordre de choisir entre la grande standardisation et la grande marginalisation. Et comme toujours, la morale vole au secours de celui qu'elle croit le plus fort, c'est-à-dire le grand standardisateur. Devons-nous céder au chantage moral ? 

Plus j’avance en âge, plus je me sens blessé par l’arrogance et la vulgarité du macronisme au pouvoir. Le camp du bien et de la raison, qui est aussi le camp des consultants de McKinsey et des militants de la gestation pour autrui, a ces temps-ci l’agressivité méprisante, comme si ce camp, d’ordinaire si sûr de lui, se surprenait à prendre peur des électeurs. Ce mépris et cette agressivité ne donnent pas raison à ceux qui préfèrent avoir tort avec Marine Le Pen que raison avec Emmanuel Macron, mais ce mépris et cette agressivité me blessent. 

Un choix impossible

Le candidat sortant est un homme cérébral qui n’a jamais intégré ne serait-ce que les tout premiers mots des Mémoires de guerre du général de Gaulle dont il se prétend disciple. Rappelez-vous cette musique proustienne : "Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire autant que la raison." C’est beau ! Mais chez Emmanuel Macron, pas de sentiment. De la raison seulement. Et quand le sortant s’essaye à l’empathie, c’est seulement parce qu’il est intelligent. Hélas, on ne fabrique pas un cœur avec de la matière grise. Le macronisme est davantage choqué par ce qui est irrationnel que par ce qui est inhumain. Il est davantage désarçonné par ce qui est absurde que par ce qui est injuste. Et voilà pourquoi nous sommes si nombreux à ne pas vouloir voter pour ce trop bon élève qui pérore en bras de chemise, desséché par les épreuves du pouvoir avant d’avoir eu le temps de mûrir, et prêt à changer de convictions pour ce simple motif qu’il n’a pas de conviction. Le narcissisme n'est pas un humanisme. 

En face de cet homme qui ressemble à un robot, il y a une femme qui ressemble à une femme. Une femme avec ses failles, ses contradictions, ses chats. Une femme qui sait ce que c’est que d’être détestée et méprisée. Une femme qui sait ce que c’est que d’être insultée pour le nom qu’elle porte, qui sait d'expérience personnelle que le délit de faciès existe, que la morale des puissants est violente, qui sait aussi ce que c’est que de tomber et de se relever. Elle a souvent perdu les élections. Son programme est une folie économique, mais il manifeste quelque chose qui parle au peuple et qui s’appelle la considération. Emmanuel Macron est rationnel ; Marine Le Pen est humaine. Et nous voilà donc, comme il y a cinq ans, face à ce choix impossible. 

Un autre avenir

Le candidat sortant veut promouvoir la grande standardisation. Le "grand remplacement", le « grand déclassement" sont peu de chose face à ce projet de grande standardisation dont on ne parle guère : Emmanuel Macron rêve d’une France raisonnable qui coche toutes les cases de la doxa mondialiste. Une France bien notée. Une France selon McKinsey. À ce jeu, notre vieux pays risque de perdre son âme, car la grande standardisation n’a plus rien d’une occidentalisation à l’ancienne, fondée sur un terreau chrétien : elle est une occidentalisation au sens où l’on peut dire que la Chine est occidentalisée. Elle est une norme d’inhumanité. Elle tue notre âme à petit feu. Macron n'a pas été programmé pour le comprendre. Sur ce sujet essentiel, il ne faut rien espérer de lui. En face de cette machine rationnelle et morale implacable, Marine Le Pen nous promet la grande marginalisation. Cela n’est guère plus réjouissant que la grande standardisation, car une France marginalisée ne sera plus la France. La France n'est pas la France sans la grandeur. Marine Le Pen n'est pas une personne d'extrême-droite : elle est la femme des vieilles recettes mitterrandiennes de 1981. Ceux qui lui font le coup de la reductio ad hitlerum sont des ignorantsMarine Le Pen n'est pas une fasciste. Mais, élue en 2022, elle nous ferait le coup du programme commun : une forme de suicide.

Personne n’est obligé de choisir entre le cœur et la raison. Ceux qui voteront Emmanuel Macron le feront par devoir ; ceux qui voteront Marine Le Pen le feront par plaisir. Nul n’est obligé de choir entre le plaisir et le devoir. Mais chacun a le devoir de ne pas désespérer de la politique et de préparer un autre avenir que le choix désespérant qu'on veut nous imposer dimanche prochain.

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