Si l’actualité internationale est surtout centrée sur la guerre en Ukraine depuis le déclenchement de l’offensive russe le 24 février, d’autres événements importants se déroulent actuellement dans le monde.
1Chili, victoire et défi de Gabriel Boric
Élu à 35 ans président du Chili en décembre 2021, le leader syndicaliste Gabriel Boric est entré en fonction le 11 mars. Ayant fait campagne sur une ligne très à gauche, en rupture avec le Parti socialiste chilien plus modéré, il lui reste désormais le plus difficile, à savoir gouverner et donc accorder les rêves de campagne avec les réalités de gouvernement. D’autant que son adversaire principal, José Antonio Kast, est arrivé en tête du premier tour et ne fut battu que de peu au second, ayant fait lui une campagne très à droite. Le Chili est donc plus que jamais polarisé, voire même hystérisé, autour de débats et de sujets qui divisent profondément le pays et qui empêchent toute réconciliation.
Le mandat présidentiel chilien est court, quatre ans, et ne peut être renouvelé. Boric dispose donc d’une très faible marge de manœuvre d’autant qu’il doit conclure un autre chantier, ouvert sous la présidence de son prédécesseur Sébastien Pinera : la réforme de la Constitution. Si les Chiliens se sont majoritairement prononcés pour une réforme de cette dernière, il reste désormais à faire le plus dur, à savoir écrire le nouveau texte et le faire adopter par référendum. Or s’il y a consensus pour établir un nouveau texte fondamental, les principales forces politiques ne s’accordent pas sur le contenu de celui-ci. Le débat constitutionnel sera donc très difficile, d’autant qu’il s’ajoute aux problèmes civils du Chili, qui a affronté des révoltes violentes en 2019, dont Boric fut l’un des meneurs, et un réveil des Mapuches dans le sud du pays. Or le Chili étant jusqu’à présent le pays le plus stable et le plus développé d’Amérique latine, sa fragilité, voire sa chute, serait une très mauvaise nouvelle pour l’ensemble du sous-continent.
2Inde, victoire totale de Modi
Si la Chine fait la une de l’actualité, son voisin indien en est presque absent. C’est pourtant un pays de 1,3 milliard d’habitants, dont la population devrait bientôt dépasser la Chine, puissance nucléaire de surcroit et en lutte perpétuelle avec son voisin du Pakistan. Premier ministre depuis 2014, Narendra Modi a été brillamment réélu lors des législatives de 2019. Qualifiée de nationale populiste, voire d’antimusulmane, sa politique est néanmoins plébiscitée par la population indienne, comme le montre la victoire de son parti lors des élections locales de mars. Le Bharatiya Janata Party (BJP-Parti indien du peuple) a largement remporté en mars les élections dans l’Uttar Pradesh, le principal État de l’Inde, celui qui est le plus peuplé et qui représente le plus grand poids historique et culturel. Le Parti du Congrès, celui de Gandhi et de l’indépendance, qui jouait la carte de l’occidentalisation et de la laïcité est discrédité et presque effacé de la carte électorale en ne cessant de cumuler les défaites. À l’inverse, le BJP, le parti de Modi, qui mène une politique nationaliste et pro-hindoue est conforté dans ses victoires électorales et s’ancre de plus en plus dans la vie politique indienne.
L’heure est au nationalisme religieux que Modi manie très bien, lui qui est issu de catégories sociales modestes. Il tient d’ailleurs un discours très favorable à ces petites gens de plus en plus réceptifs à ces thèmes. Modi triomphe et démontre qu’au même titre que ses voisins chinois et pakistanais, le nationalisme a la cote en Asie.
3Hongrie, nouvelle victoire d’Orban
Premier ministre depuis mai 2010, Viktor Orban vient de remporter début avril une nouvelle victoire aux législatives. Alors que toute la presse annonçait un scrutin serré, Orban a gagné avec plus de 53% des voix et conserve sa majorité des deux tiers. C’est une victoire large et massive qui démontre que l’usure du temps ne le menace pas encore. Orban remporte son quatrième succès et améliore son score de 2018, alors que toute l’opposition était unie contre lui. Il peut jubiler, lui qui est désormais le doyen des chefs d’État d’Europe après le départ d’Angela Merkel.
Une victoire qui montre aussi que l’Europe de l’Est a pris un autre chemin et que l’unanimité autour de la guerre en Ukraine n’efface pas le fossé grandissant entre l’ouest et l’est. Ce que l’on appelle par commodité "populisme" est plus que jamais populaire et structure une grande partie des forces politiques d’Europe et hors d’Europe. Si le poids économique et politique de la Hongrie est faible en Europe, cette large victoire contribue néanmoins à donner à Orban les moyens d’une stature continentale. Un siècle après la fin de l’Empire austro-hongrois, la Hongrie peut prétendre jouer un rôle-clef dans cette Europe de l’Est en recomposition.