Durant le carême, les chrétiens sont appelés à faire des efforts. Ce travail sur soi peut porter sur notre relation à Dieu (prière), sur les autres (aumône) ou bien sur soi (jeûne). Le temps qui nous prépare à Pâques est synonyme d'effort et d'ascèse. Or, en dehors des trois pratiques traditionnelles et sur lesquels le chrétien produit son effort, il en existe une quatrième qui peut devenir un terrain où pratiquer des vertus de carême : il s'agit de l'accueil évangélique des événements qui surviennent dans nos existences et qui nous sont envoyés par Dieu.
Ces croix imprévues qui nous font grandir
En effet, le chrétien est un homme persuadé que Dieu gouverne le cours de sa pérégrination sur terre. Aussi, s'il est conséquent avec sa foi, il acceptera de bon cœur tous les faits qui surviennent inopinément dans sa vie. Cependant, il arrive souvent qu'il y ait loin de la foi théorique à la foi vécue ! Nous avons beau être convaincus que Dieu nous aime, qu'Il ne nous abandonne jamais et fait tout concourir à notre bonheur, même les coups durs qui nous tombent dessus sans crier gare, notre premier réflexe, quand une tuile ou un malheur survient à l'improviste, est de nous lamenter, voire même d'accuser le Créateur de négligence ou de nous avoir laisser tomber.
C'est ici que notre désir de faire un "effort de carême" peut trouver un terrain propice d'exercice. Si nous trouvions que le triptyque du carême prière-aumône-jeûne commençait à manquer d'originalité, voilà un nouveau parcours du combattant où nous pourrons nous préparer adéquatement à Pâques : accepter les croix qui nous arrivent à l'improviste. Et non seulement les accepter mais surtout les accueillir avec reconnaissance, en essayant de deviner en quoi elles nous aideront à grandir en sainteté.
Dieu est sage : Il connaît mieux que nous les points spirituels que nous devons travailler en nous-mêmes. Les croix constituent à cet égard un excellent moyen de nous réformer, à condition de les accepter de bonne grâce.
Telle croix nous fera deviner la détresse dans laquelle vivent les personnes démunies, telle autre croix nous forcera à demander le secours d'une personne déjà connue avec laquelle nous entrerons de la sorte plus profondément en communion spirituelle — croix grâce à laquelle nous sortirons de notre superbe autonomie pour aller mendier humblement du secours. Une troisième croix nous fera intérioriser les sentiments qui furent ceux de Jésus durant le temps où se profilait à l'horizon l'ombre du Calvaire, ou communier à sa déréliction sur le Calvaire afin que, par la communion des saints, nous puissions porter secours spirituellement aux hommes qui vivent une épreuve similaire. Dieu est sage : Il connaît mieux que nous les points spirituels que nous devons travailler en nous-mêmes. Les croix constituent à cet égard un excellent moyen de nous réformer, à condition de les accepter de bonne grâce.
Accepter joyeusement les croix
Souvent, nous sommes bien embarrassés de faire la volonté de Dieu, non que nous rechignions à la mettre en pratique mais tout simplement parce que nous n'arriverons pas à l'identifier à l'instant présent : "Qu'est-ce que Dieu veut que je fasse aujourd'hui ?" nous demandons-nous. Eh bien ! si les événements nous l'apprenaient ? Blaise Pascal ne dit pas autre chose : "Si Dieu nous donnait des maîtres de sa main, oh ! qu'il faudrait leur obéir de bon cœur ! La nécessité et les événements en sont infailliblement" ("Pensées", éd. Brunschvicg, n° 553).
Souvent, nos efforts sont trop marqués par un volontarisme qui nous évite paradoxalement de quitter notre zone de confort. C'est si commode et si gratifiant de choisir son ascèse !
Faire bon accueil aux croix du quotidien, les porter avec constance et persévérance, en pensant que nous contribuons de la sorte à répandre la Rédemption autour de nous, en synergie avec Jésus : voilà un beau programme de carême ! Souvent, nos efforts sont trop marqués par un volontarisme qui nous évite paradoxalement de quitter notre zone de confort. C'est si commode et si gratifiant de choisir son ascèse ! En revanche, la vraie humilité et la vraie remise de notre existence entre les mains de Dieu commencent dès lors que nous acceptons les croix qu'Il nous envoie et pour lesquelles nous n'avions a priori aucune appétence ! C'est à partir de cette acceptation coûteuse que la montée vers Pâques prend un tour vraiment inédit et profitable, à la fois pour nous comme pour le monde que nous sommes appelés à sanctifier par notre obéissance active et joyeuse.