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Kazakhstan : le dialogue religieux comme instrument géopolitique

Une église d'Astana, la capitale du Kazakhstan.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 21/03/22
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Traversée par de nombreux courants religieux, parfois violents et bellicistes, l’Asie centrale demeure un des chaudrons du monde. Certains États comme le Kazakhstan tentent néanmoins de s’appuyer sur le dialogue religieux pour promouvoir la paix et la culture de la rencontre. Les chefs religieux y ont contribué à apaiser les violentes manifestations de janvier dernier. Une preuve que les religions peuvent édifier la paix et la concorde ?

Dans l’esprit de beaucoup, la religion est facteur de guerre ; une impression accrue par le fondamentalisme islamiste et les guerres pratiquées au nom de certains cultes. Loin de ces projets bellicistes, certains États, quels que soient leur régime, tentent d’en faire un facteur de paix et de cohésion, comme ce qu’a tenté Jean Paul II avec la réunion d’Assise (1986). C’est la voie suivie par le Kazakhstan qui souhaite aussi jouer ce rôle de pont diplomatique. Mosaïque ethnique et religieuse, le Kazakhstan est majoritairement peuplé de musulmans sunnites et chiites (près de 70% de la population) et de chrétiens orthodoxes (25%). Mais à l’inverse d’autres pays d’Asie centrale, cet État au régime autoritaire qui cherche à se réformer ne connaît ni trouble religieux ni poussée fondamentaliste. La constitution adoptée en 1993 désigne ce pays comme une république laïque, chose assez rare dans le monde musulman. 

Cette coexistence pacifique, y compris entre chiites et sunnites, est à la fois un atout pour la stabilité intérieure et un élément de sa diplomatie, le pays misant sur cette coexistence pour faire du dialogue interreligieux l’un des piliers de sa politique de relations internationales et de son positionnement sur la scène mondiale. Lors des violentes émeutes de janvier dernier, réprimées très durement par les autorités, le métropolite d’Astana et du Kazakhstan, Alexandre, et le mufti suprême Nauryzbai Kazhy ont ainsi lancé des appels conjoints à l’unité et à la pacification afin de contribuer au rétablissement de la paix sociale. Cette action a joué un rôle important dans le retour de la stabilité dans le pays. 

Une mosaïque d’identités religieuses

Outre les défis économiques et politiques, le grand défi du Kazakhstan indépendant était de renouer avec son identité nationale, chose qui n’était nullement aisée pour un pays de 15 millions d’habitants et de 130 groupes ethniques différents. Le travail essentiel de la présidence Nazarbaïev a été de créer un véritable sentiment national kazakh qui transcende l’appartenance au monde russe. Pour cela, il s’est appuyé sur les différentes religions du pays, réussissant à renforcer cette unité sans détruire la pluralité ethnique et religieuse. Le facteur religieux a été essentiel dans la construction de l’identité nationale, tout en réussissant, jusqu’à présent, à éviter les mouvements islamistes qui se développent pourtant dans les pays frontaliers du Kazakhstan.  

Le Congrès des leaders des religions mondiales et traditionnelles, qui se tient tous les trois ans depuis 2003, est ainsi l’un des axes forts de la diplomatie du Kazakhstan. La dernière édition a réuni près de 80 chefs religieux des principales confessions mondiales. Le Congrès de 2022 aura lieu à Nour-Soultan, la capitale kazakhe, en septembre. Dans une Asie centrale bordée par l’Iran, l’Afghanistan et le Caucase, traversée de mouvements fondamentalistes et de velléités de califat internationalistes, défendre et prôner le dialogue interreligieux est apparue comme une nécessité. Ce forum est particulièrement important aux yeux des autorités kazakhes. L’actuel chef de l’État, Kassym-Jomart Tokaïev, a longtemps exercé les fonctions de chef du Secrétariat de ce Congrès lorsqu’il présidait le Sénat du Kazakhstan. Car dans un pays où près de 40 confessions religieuses cohabitent, cette démarche est non seulement un outil diplomatique, mais aussi un impératif de politique intérieure. 

Un œcuménisme culturel

On pourra toujours trouver un aspect irénique à ce type de réunion et se demander si elles ont une réelle utilité, mais elles ont le mérite d’exister et de proposer une réponse nécessaire aux chocs que tentent de créer des mouvements fondamentalistes. Jean Paul II avait tenté une chose similaire avec les rencontres d’Assise ainsi que le pape François lors de son séjour en Égypte (2017) et surtout à Abou Dhabi (2019), avec la signature du Document sur la fraternité humaine. Dans un monde de nouveau marqué par les guerres et les conflits de haute intensité, toutes les initiatives en faveur de la paix et de l’échange sont toujours de bonnes choses.

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