Aussi étonnant que cela puisse paraître, les textes du Magistère qui mentionnent les impôts sont peu nombreux. Pourtant, se dessine, à la lecture ce ceux qui en parlent, une subtile articulation entre la propriété privée, qui est un droit mais qui ne doit pas être un absolu, et le Bien commun, charge de tous les gouvernements, lequel consiste à garantir à chacun les conditions qui lui permettront d’atteindre sa perfection.
Donner à chacun des moyens dignes
À l’intérieur de cette perfection, l’État se doit, d’après la pensée sociale de l’Église, de permettre à chaque citoyen de vivre selon la dignité propre à l’être humain, dont la liberté est un des aspects primordiaux. La propriété privée en est le prolongement naturel. Mais elle doit être limitée, justement parce que la liberté est avant tout la possibilité de faire le bien, bien qui passe par celui des autres. Ainsi la défense de la propriété privée est-elle associée à la "destination universelle des biens", expression qui exprime bien que personne n’est, ultimement, propriétaire de ses biens, mais l’humanité tout entière, à laquelle Dieu a confié la création.
Entre ces deux notions, on comprend la légitimité de l’impôt. L’État qui prélève pour permettre au plus grand nombre d’exercer sa liberté est dans son rôle et ne viole pas la propriété privée.
L’équité, plutôt que l’égalité, face à l’impôt
Autre pierre d’achoppement à propos des prélèvements, l’inégalité devant la taxation. Si l’objet de l’imposition est le bien social, elle doit être pensée non au niveau de l’individu mais de la société dans son ensemble. En ce sens, l’impôt relève de la justice distributive : chacun donne et reçoit ce qui est dû selon sa place dans la cité et ses possibilités.
L’État doit limiter son action à ce qu’il est le seul à pouvoir faire, sans se substituer aux corps intermédiaires, dont la famille, et à l’initiative individuelle.
"Les apports respectifs ne peuvent être ni les mêmes, ni d’égale mesure" (Rerum novarum §27.3). En effet, la Doctrine sociale prend en considération l’aspect organique d’une société, c’est-à-dire le fait que les citoyens participent tous à la recherche du Bien commun et donc doivent y donner une part qui corresponde à leur situation. C’est pour cette raison que l’on parle d’équité.
L’État ne doit pas gaspiller
Au devoir des citoyens de participer à la vie commune répondent des devoirs pour l’État qui, s’il ne les respecte pas, s’expose à la difficulté de faire accepter l’imposition. Il s’agit pour lui d’être efficace dans sa recherche de la redistribution et de ne pas gaspiller l’argent qu’il tient du contribuable. Il s’agit aussi d’utiliser ces fonds avec parcimonie car il ne faudrait pas que les prélèvements aient un effet négatif pour le bien global de la société : priver certains ne peut se justifier que si le bien créé est supérieur et profite à chacun.
En particulier, l’État doit limiter son action à ce qu’il est le seul à pouvoir faire, sans se substituer aux corps intermédiaires, dont la famille, et à l’initiative individuelle. C’est la subsidiarité, qui commande ainsi que l’imposition soient mesurées et finance des prestations dont l’utilité sociale est reconnue.
Un devoir civique
On a parlé plus haut de "justice distributive". L’expression dit bien que la taxation est de l’ordre de la justice. C’est un devoir qui incombe aux citoyens, au premier rang desquels les chrétiens. Ils répondent par là au commandement du Christ, en réponse à une question sur les impôts justement : "Ce qui est à César, rendez-le à César, et à Dieu ce qui est à Dieu." (Mc 12, 14).
A contrario, frauder ou éviter, par exemple par optimisation, l’impôt est un mal. Cela n’empêche pas, si l’impôt est injustifié ou trop élevé, de mener des actions politiques pour mieux ordonner l’action de l’État au Bien commun.