La meilleure façon de ne pas subir la perte d’autonomie, qui va souvent de pair avec le vieillissement, est de l’anticiper, comme l'indique à Aleteia Véronique Verges-Cousin, médecin gériatre au sein de la Maison des Aînés et des Aidants à Paris. « La perte d’autonomie n’arrive pas d’un coup. La personne devient petit à petit fragile : perte de mobilité avec des chutes, troubles cognitifs débutants, oublis, incontinences. Il lui devient impossible de faire certains actes comme gérer son administratif sans difficulté, prendre les transports en commun sans appréhension, conduire sa voiture, gérer ses traitements et sa prise de médicaments… C’est que l’on appelle des activités instrumentales. Puis, il y a aussi l’autonomie de mobilité, c’est-à-dire l’impossibilité de marcher, de s’habiller, de faire sa toilette. Toutes ces fragilités peuvent se prévenir », rassure la spécialiste.
Ne pas faire la politique de l’autruche
Tout d’abord, il est important de faire des bilans de fragilité afin d’éviter des maladies ou des facteurs précipitants qui vont conduire à la perte d’autonomie. La prévention passe entre autres par une bonne nutrition, un contrôle auditif et visuel, une prise de vitamines dont la vitamine D. « Il faut voir du monde pour rompre le lien et la solitude et surveiller sa mobilité (s’inscrire dans un club de gym, avoir un bon chaussage, etc). Ne pas avoir peur d’installer une barre d’appui de sécurité dans sa salle de bain. Il en est de même des tâches qu’on ne peut plus trop effectuer comme le ménage ou le jardinage. Petit à petit, on peut faire appel à une femme de ménage ou à un jardinier », préconise Véronique Verges-Cousin.
À ceux qui estiment qu’ils ne sont pas en âge de penser à leur potentielle perte d’autonomie ou bien qui refusent d’aménager en amont leur domicile ou de se faire accompagner par une aide au quotidien, la gériatre conseille de voir ceci comme une assurance qui permet d’anticiper la possible perte d’autonomie. « Surtout ne pas faire la politique de l’autruche ! », prévient Véronique Verges-Cousin.
L’acceptation de la perte d’autonomie est tout un chemin que chacun fait à son rythme. « Aujourd’hui, on vit certes mieux et plus longtemps, mais le corps a ses limites. Je savais que cela allait m’arriver, je me suis rendu à l’évidence. On vit, on vieillit, on meurt. C’est le cycle de la vie », confie Jean, 87 ans. Cet ancien agriculteur a préféré partir en maison de retraite il y a cinq ans, avant d’être trop âgé. « Je voulais y trouver mes repères et me faire des amis pour ne pas être trop bousculé plus tard », raconte-t-il. Et lorsque son corps a commencé à faiblir, il ne l’a pas vécu de manière très violente. « Ma perte d’autonomie, je l’avais déjà acceptée, je l’ai consentie », glisse-t-il.
Faire face au déni de la perte d’autonomie
Tout le monde n’arrive pas accepter comme Jean cette nouvelle réalité. « Le refus de la perte d’autonomie est multifactoriel, note Véronique Verges-Cousin. Dans certains cas, le déni de la perte d’autonomie est dû à une maladie neurocognitive débutante. La personne oublie qu’elle est malade. Les troubles cognitifs donnent lieu à des dépressions masquées et les troubles neurocognitifs modifient le comportement de la personne et la poussent à se replier sur soi. De ce fait, il y a une peur d’être diagnostiqué, notamment d’Alzheimer. Pour beaucoup il s’agit aussi d’une question de dignité. En perdant en autonomie, les personnes âgées se trouvent parfois incapables de faire leur toilette et sont mal à l’aise lorsqu’elles doivent être lavées ou aidées par leurs enfants. Il est préférable alors de faire appel à un professionnel. Il est souvent moins gênant de se mettre tout nu devant un médecin que devant ses proches ».
Et puis, il y a aussi ceux qui pensent qu’une aide ou une prise en charge leur coûtera trop cher. Pourtant, des aides qui existent. Par exemple, l'Apa sert à payer (en totalité ou en partie) les dépenses nécessaires qui permettent aux seniors de rester à leur domicile. Tout le monde est éligible à cette aide, versée par les services du département.
« Le déni est un mécanisme psychique de protection contre une réalité trop difficile à supporter voire insupportable ou même violente », explique à Aleteia sœur Élisabeth Lemière, aumônier depuis six ans de l’hôpital de Bagnères de Bigorre et de l’Ehpad de Castelmouly. Selon la dominicaine, la perte d’autonomie soulève beaucoup de questions existentielles, sans oublier celles qui concernent la souffrance du corps et du cœur.
« Dans une société où le ‘’faire’’ prime sur ‘’l’être’’, la personne âgée qui commence à prendre de l’autonomie se demande parfois : ‘’Mais à quoi je sers si je ne sais plus rien faire ? Quel est le sens de ma vie ?’’ Et alors que tout le monde autour d’elle (ses enfants, ses petits-enfants, les soignants, etc.) a une vie remplie, elle peut avoir aussi l’impression d’être une charge pour les autres », explique à sœur Élisabeth Lemière. Il y a aussi des deuils à vivre : deuil de la vie active qu’on ne pourra bientôt ou d'ores et déjà mener, deuil de la maison qu’on quitte en partant en Ehpad et dans laquelle on ne reviendra plus…
Puiser la force et l’espérance dans les sacrements
La foi peut aider à faire ces deuils et à vivre ou se préparer à sa perte d’autonomie. Jean-Marie, 97 ans, lit tous les soirs un passage de la Bible. Une habitude à laquelle il reste fidèle depuis 62 ans. Odile, en grande perte d’autonomie depuis quelques années, ne quitte jamais son chapelet. Elle le tient toujours dans sa main gauche. « Je m’accroche à la Croix », confie cette dame de 83 ans. Quant à Paul, 90 ans, il puise sa force en écoutant le chapelet à 3h du matin sur Radio Présence lorsqu’il n’arrive pas à dormir : « Ça marche car je prie avec des millions d’autres personnes ».
Père, entre tes mains je remets mon esprit.
Les sacrements sont aussi très importants dans ce passage obligé de la vie que sont la vieillesse et la perte d’autonomie. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jn. 6, 54). L’eucharistie redonne de l’espérance. « Dans l’Ehpad où je suis aumônier, la messe est une vraie activité de la semaine. Parfois certains résidents s’endimanchent comme quand ils le faisaient en étant encore à la maison. Cela leur redonne de la force », raconte sœur Élisabeth Lemière.
Pour les personnes qui ne sont plus en mesure d’aller à la messe pour des raisons de santé, le fait de recevoir la communion à la maison constitue aussi une grande joie. « Je ne peux plus sortir de chez moi. Et lorsqu’un prêtre m’amène la communion chez moi, je sais que c’est Dieu qui vient à ma rencontre. J’ai l’impression que l’Église ne m’oublie pas. Cette même Église pour laquelle j’ai œuvré pendant des décennies en tant que catéchiste », confie Bernadette, 90 ans. « Il ne faut pas non plus oublier le sacrement de réconciliation et le sacrement des malades. Ce dernier est d’ailleurs un baume qui assouplit les blessures du corps et du cœur. Souvent les personnes âgées avouent se sentir mieux depuis qu’elles l’ont reçu », confie sœur Élisabeth Lemière.
« Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc. 23, 46). Il faut s’abandonner au Seigneur. Dire : "Je sais que tu ne m’as jamais abandonné même dans les épreuves les plus difficiles de ma vie. Je sais que tu ne vas pas m’abandonner maintenant’" », conclut sœur Élisabeth Lemière.