A l’âge de raison, on perd ses illusions sur le Père Noël et la Petite souris. A l’adolescence, on réalise que ses parents ne sont pas parfaits. A l’âge adulte, il est grand temps d’abandonner certaines croyances à propos du couple… Non, il n’y a pas une seule et unique "bonne personne". Non, l’amour sans conflit n’existe pas. Non, l’amour n’est pas nécessairement passionnel. C’est contre toutes ces idées reçues que met en garde Camille Rochet, psychologue et thérapeute familiale, auteur de l’ouvrage Les cinq croyances qui empêchent d’être heureux en couple (Larousse).
Aleteia : Pourquoi alerter les couples sur ces fausses croyances ?
Camille Rochet : Tous les jours, dans mon cabinet, je me trouve face à des personnes qui remettent en question leur couple, leur vie de famille, qui sont prêtes à tout quitter parce qu’à 40-45 ans, elles sont tombées amoureuses de quelqu’un d’autre. Des crises de milieu de vie qui n’ont pas toutes la même origine, bien sûr, mais je distingue malgré tout cinq croyances majeures qui reviennent fréquemment. Je les appelle le mythe de la bonne personne, le mythe de l’amour-développement personnel, le mythe de Roméo et Juliette, le mythe du super-héros, et le mythe de l’amour sans conflit.
Ces cinq croyances relèvent de l’idéal que chacun voudrait atteindre dans la relation conjugale. Mais ce qui nous a permis de grandir n’est pas nécessairement ce qui nous permet de continuer à avancer dans la vie. Il est alors bon de remettre en question ces mythes qui se sont construits malgré nous. C’est la clé qui ouvre la porte vers une plus grande liberté, et qui permet de faire durer son couple.
Comment se défaire de telles croyances parfois ancrées depuis l’enfance ?
Il s’agit dans un premier temps d’en prendre conscience. Il y a beaucoup de croyances ancrées en nous dont nous n’avons pas conscience. Nous les considérons comme normales, jusqu’à ce que nous percevions une incohérence, un conflit entre notre croyance et la réalité de ce que nous vivons dans notre couple. Qui ne rêve pas d’un couple qui ne se dispute jamais ? Pourtant, le quotidien est différent.
Pour se défaire d’une fausse croyance, et ne pas sacrifier son couple à cause d’elle, il convient de se remettre en phase avec la ligne directrice de sa vie, son but, les valeurs sur lesquelles on ne veut pas déroger. Ces valeurs fondamentales sont appelées à prendre le pas sur le mythe, à devenir plus importantes encore que la croyance. Prenons l’exemple d’un homme, marié, avec trois enfants, qui tombe follement amoureux d’une autre femme. Sa croyance à lui est que l’amour doit être passionné. Sa croyance entre en conflit avec le fait qu’il ait une femme et des enfants. C’est le moment pour lui de se demander ce qu’il veut vraiment, de déterminer ses valeurs fondamentales, quitte à ce que ces valeurs, choisies en tant qu’adulte responsable, prennent le dessus sur sa croyance intuitive.
Qu’est-il important à mettre en œuvre pour faire durer son couple ?
En premier lieu, il est essentiel de s’octroyer du temps, des bulles de liberté. Je vois trop de couples, pris dans les contraintes du travail, des enfants… qui ne s’octroient pas de temps à deux. Et c’est un danger. Car le jour où quelque chose de différent se présente, on s’y engouffre ! Parce qu’on a l’impression de respirer enfin ! C’est la porte ouverte aux relations extraconjugales. Le couple a besoin de ces moments à deux, pour se retrouver. Oui c’est un budget, mais c’est un investissement pour toute la famille.
Ensuite j’invite à réfléchir régulièrement si chacun est en phase avec ses besoins, ou s’il fait trop souvent des renoncements pour l’autre. Ai-je un bon équilibre entre mon travail, mon conjoint, mes enfants, mes amis, ma famille d’origine, mes hobbies ? Ou bien trop de choses sont mises entre parenthèses ? Un équilibre à trouver à deux, et sans cesse à réajuster. On peut très bien dire à l’autre : "En fait, je me suis trompé, c’est trop lourd pour moi si tu fais ton sport trois fois par semaine".
"Et moi, suis-je la bonne personne pour mon conjoint ?"
Il arrive, dans un couple, que l’un ou l’autre se demande s’il a épousé la "bonne personne". Mais cette question touche quelque chose sur lequel on n’a pas de levier, sauf à se séparer. Alors plutôt que de se demander si on s’est trompé de personne, je propose d’inverser la question et de se demander : "Et moi, suis-je la bonne personne pour mon conjoint ?" Au lieu de rester passif, on devient actif, on peut aller voir l'autre et lui demander : "Comment puis-je être un meilleur conjoint pour toi ?"
Et quelles bonnes habitudes un couple peut-il prendre au quotidien ?
Il est essentiel, tous les jours, de donner un merci à l’autre. Même pour un tout petit service ! Quand la gratitude devient une habitude dans le couple, elle apaise la relation, elle valorise l’autre, elle montre aussi que l’on est conscient de ce que vit l’autre.
"Attends-tu de moi que je te demande pardon pour quelque chose ?"
Autre élément important : le pardon. Au moins une fois par mois, il est primordial de demander pardon à l’autre pour quelque chose. Même une petite chose, il ne faut pas attendre la catastrophe pour demander pardon ! Si on ne sait pas quoi dire, le seul fait de se mettre dans cette dynamique ("pour quoi vais-je demander pardon ?") est une attitude d’attention à l’autre. Il est également bon de demander régulièrement : "Attends-tu de moi que je te demande pardon pour quelque chose ?" Cela évite d’entretenir l’illusion "qu’il va bien finir par demander pardon", et empêche d’accumuler des rancœurs, des blessures qui pourrissent la relation au fil des années.
Pratique
Site internet de Camille Rochet, psychologue et thérapeute de couple : A nous tous.