separateurCreated with Sketch.

La mission, incubateur de futurs entrepreneurs ?

WEB2-VOLONTARIAT-FIDESCO.jpg

Jean, volontaire Fidesco au Cameroun.

whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Agnès Pinard Legry - publié le 09/02/22
whatsappfacebooktwitter-xemailnative
Si certains ont tendance à les opposer ou, tout simplement, à ne pas les associer, la mission et l’entrepreneuriat pourraient bien avoir plus de choses en commun qu’on ne le pense !

Et si de la mission à l’entrepreneuriat il n’y avait qu’un pas ? Ou plutôt, et si la mission était le pas déterminant qui permettrait de se lancer sur le sentier de la création d’entreprise ? Les Français n’ont en effet jamais été aussi nombreux à entreprendre. Entre janvier et novembre 2021, il y a eu 915.454 créations d'entreprises en France, soit plus que sur l’ensemble de l'année 2020, qui avait déjà enregistré un record avec un peu plus de 848.000 nouvelles entreprises immatriculées, détaille une note statistique de l’Insee publiée mi-décembre. En parallèle, si la pandémie de Covid-19 a contraint de nombreux volontaires à interrompre ou à reporter leur mission en raison des mesures sanitaires en vigueur, la mission reprend progressivement. En 2021, l’ONG Fidesco compte ainsi 212 volontaires sur le terrain dont 87 nouveaux volontaires et 77 ouvertures ou réouvertures de mission dans 27 pays. Depuis sa création il y a 40 ans, Fidesco a envoyé plus de 2.000 volontaires. 

Pour se lancer dans l’entrepreneuriat comme pour partir en mission, il faut d’abord se sentir libre. Être libre. Libre de sortir des sentiers battus habituels de la vie professionnelle et d’écouter la voix de son cœur, de son âme. Lâcher prise aussi, accepter de ne pas avoir le contrôle sur tout, de ne pas connaître l’ensemble des paramètres mais plutôt être tout entier tourné vers un objectif. Théophane de la Charie a 23 ans lorsqu’il part en mission avec Fidesco en 2011 pour deux ans. Il a fondé à son retour la Compagnie des Sens, spécialisée en aromathérapie. "J’ai entendu parler de Fidesco pour la première fois en lisant le rapport de retour de mission d’un ami parti avec cet organisme", explique-t-il. "Ça m’a travaillé quelque temps et l’Esprit saint a fait le reste, raconte-t-il. Cela peut paraître fou au début car on part plusieurs mois sur une mission qu’on ne choisit pas avec un binôme qu’on ne choisit pas". 

Lui est envoyé au sud-est de Madagascar, à Vohipeno, dans un important centre social qui s’occupe de jeunes handicapés physiques, qui leur apprend un métier mais qui dispose aussi d’un centre de santé. Sur place, il seconde le directeur, un prêtre lazariste, dans la gestion du centre. Sur place, il apprend au fil des mois à s’ouvrir à la liberté intérieure.

Avec un peu d’audace on peut faire des merveilles.

"La mission nécessite d’accepter de perdre le contrôle et d’accepter d’avoir confiance dans le grand patron", confie dans un sourire Théophane. "J’ai réalisé qu’en partant de ce principe, avec un peu d’audace on pouvait faire des merveilles". Pour décider de partir en mission comme pour décider de lancer sa boîte, il y a d’abord la confiance à un appel, assure-t-il. "On se lance en faisant plus attention aux espoirs qu’aux craintes. Les enthousiasmes intérieurs sont plus forts que les craintes intérieures", résume-t-il. "Pour moi, c’est le principal point commun entre les deux car c’est cela qui permet de s’y accrocher dans la durée et dans la profondeur." À Madagascar il prend conscience que la distance entre une idée et sa réalisation est beaucoup plus courte qu’en France, qu’un projet peut se monter extrêmement rapidement. "Ma mission a clairement renforcé l’audace que je pouvais mettre dans chacun de mes projets. J’ai réalisé qu’on se faisait bien souvent des montagnes de taupinières !", souligne-t-il. "La mission a profondément accru cela".

Si les volontaires envoyés par Fidesco ne choisissent pas la mission à laquelle ils vont être affectés, toutes les amènent à faire face à des situations nouvelles, imprévues, les obligeant à sortir de leurs schémas habituels et à développer de nouvelles compétences… tout comme les créateurs d’entreprise. Alexandre Nicolet, fondateur de MonSenior (hébergement de personnes âgées aux domiciles d'accueillant familiaux lancée en 2019), 32 ans, est parti en mission avec sa femme en 2016 aux Philippines où ils ont dû gérer des programmes de réinsertion professionnelle pour des jeunes sourds-muets et des jeunes prisonniers. "En mission on se trouve dans tellement de situations difficiles, particulières, avec de grosses responsabilités que l’on  gagne énormément en compétences", assure-t-il. "Parmi ces compétences, on retrouve l’autonomie d’abord car sur le terrain nous sommes seuls et il faut apprendre à tout gérer. Il y a aussi des compétences d’organisation car la vie professionnelle et la vie personnelle sont très imbriquées, la gestion de crise plus ou moins grave et puis enfin de sacrées compétences humaines : le relationnel, le management", reprend Alexandre. "La mission est basée sur l’humain. L’entrepreneuriat aussi."

Théophane comme Alexandre ont su bien avant de partir en mission qu’ils souhaitaient, à un moment donné, se lancer dans la création d’entreprise. Ingénieur arts et métiers de formation, Alexandre travaillait dans un cabinet de conseil avant de partir en mission. Mais il nourrissait l’envie de racheter une PME industrielle. Son passage par la case mission a renforcé en lui la dimension sociale de l’entrepreneuriat. "MonSenior est une entreprise solidaire d’utilité sociale qui aide des personnes fragiles", résume-t-il. "L’humain reste le même bien que  le contexte soit différent. Je me retrouve face à la fragilité humaine et à une certaine forme de misère, notamment chez les personnes âgées. On se rend compte que ces personnes-là n’ont pas forcément besoin d’argent, mais des besoins d’écoute et d’amour."

Théophane avait lui aussi envie de se lancer dans l’entrepreneuriat. Il notait d’ailleurs sur un document toutes ses idées de business. Mais c’est à Madagascar, au cours de sa mission, qu’il découvre ce qui sera le cœur de la Compagnie des Sens : les huiles essentielles. "J’ai rencontré des personnes qui m’ont donné des huiles essentielles pour me soigner de n’importe quelle action : la cannelle pour les intestins, le clou de girofle pour les rages de dents… Il y a énormément d’huiles essentielles dans cette zone", assure-t-il. De retour en France, il se renseigne sur l’aromathérapie et réalise que c’est l’activité dans laquelle il souhaite se lancer.

La mission permet d’être plus libre par rapport au principe de carrière, de réussite professionnelle etc.

Dans la mission comme dans la création d’entreprise, la posture intérieure est essentielle. "C’est faux de dire qu’il y a un profil entrepreneur", assure encore Théophane. "C’est avant tout une posture intérieure. L’entrepreneur est celui qui accorde moins d’attention aux craintes et qui capitalise sur les différents enthousiasmes intérieurs." Et Alexandre de reprendre : "La mission m’a permis de sortir du carcan qu’on peut avoir en sortant d’une école d’ingénieur ou de commerce, des chemins tout tracés. Elle permet d’être plus libre par rapport au principe de carrière, de réussite professionnelle, etc. On sort de l’optique que la réussite passe par un poste à responsabilité, un salaire qui aille avec, un avenir bien défini et on s’ouvre à l’idée qu’elle passe surtout par un épanouissement personnel dans son travail, une cohérence entre la vie professionnelle et la vie personnelle."

En partenariat avec

Vous aimez le contenu de Aleteia ?

Aidez-nous à couvrir les frais de production des articles que vous lisez, et soutenez la mission d’Aleteia !

Grâce à la déduction fiscale, vous pouvez soutenir le premier site internet catholique au monde tout en réduisant vos impôts. Profitez-en !

(avec déduction fiscale)