Ils avaient tiré une croix sur leur rêve de famille nombreuse. Après leur mariage, en 1994, il leur avait fallu 5 ans et un traitement hormonal pour avoir leur première fille, Zoé, en 1998. Ils pensaient la page définitivement tournée avec l’arrivée de leur deuxième, Éloïse, en l’an 2000. Sauf à recourir à la FIV (Fécondation in Vitro), ce à quoi ils ne se résignaient pas, Odile et Jean-Marc seraient à jamais parents de deux uniques enfants. "Ce renoncement était très douloureux", confie la première. "L’attente interminable d’un enfant est une véritable épreuve pour un couple. Comme s’il n’était pas béni par Dieu…"
Catholique pratiquante depuis toujours et portée par sa foi profonde, Odile remet cette croix au Seigneur. Jean-Marc, son époux, considère avec bienveillance son chemin de foi, mais ne la suit pas à la messe dominicale, gardant au fond du cœur cette blessure inguérissable de n’être pas à la tête d’une vaste tribu. La musique qu’il enseigne lui est une consolation. Viticultrice dans la campagne auboise, Odile reprend le chemin de ses vignes tout en élevant ses deux filles. Et la vie s’écoule sans histoires…
Un échange impromptu avec l’évêque
Jusqu’à cette marche de Pâques, organisée traditionnellement par le diocèse de Troyes, la nuit de la Résurrection : une vingtaine de kilomètres de chants et de prières ponctués d’arrêts pour se sustenter physiquement ou spirituellement (confessions, témoignages…).
Jean-Marc n’est pas encore assidu à la messe dominicale, mais s’y rend plus régulièrement qu’autrefois, depuis la première communion de sa deuxième fille. "Elle avait insisté pour que je communie ce jour-là", s’étonne-t-il. "Par souci de cohérence, j’avais eu recours auparavant au sacrement de pénitence, que j’avais délaissé depuis 20 ans. À la suite de quoi, ma pratique s’était intensifiée."
Ne sous-estimez pas la puissance de Dieu. Il œuvre où Il veut, quand Il veut. Et maintenant, je vais vous bénir.
Voyant passer l’évêque de Troyes, Mgr Marc Stenger (démissionnaire en 2020, pour raisons de santé), Odile et son mari l’interpellent sur le manque de prêtres dans leur paroisse de 42 clochers… "Mais vous, riposte le prélat, seriez-vous prêt à donner un de vos enfants à l’Église ?" "Nous n’en avons que deux, et ce sont des filles, argue le couple ! Ayant peiné à les avoir, nous ne pouvons rien pour vous." "Ne sous-estimez pas la puissance de Dieu", s’entendent-ils répliquer. "Il œuvre où Il veut, quand Il veut. Et maintenant, je vais vous bénir." Les quadragénaires le prennent avec le sourire "Je ne m’appelle ni Sara [femme d’Abraham, enceinte à 90 ans], ni Élisabeth [cousine de Marie prétendument stérile et mère de Jean-Baptiste] !", plaisante Odile.
Une bénédiction reçue 5/5 !
Le Ciel ne reste pas sourd à cette profession de foi de l’évêque. Trois mois après, Odile découvre avec incrédulité qu’elle est enceinte, 17 ans après sa cadette : "Aussi surprenant que ça puisse paraître, sur le moment, j’ai eu du mal à digérer la nouvelle. J’avais 45 ans, la page était tournée, une angoisse m’a saisie. Aujourd’hui que notre fils a 5 ans, je me dis que le temps de Dieu, n'est pas le temps des hommes… Sans doute étions-nous mûrs pour l’accueillir, ainsi que ses grandes sœurs, qui ont sauté de joie. Quant à mon mari, interpellé par l’événement, il a renoué définitivement avec la pratique, pour mon plus grand bonheur."
Neuf mois après cette marche, naissait Octave, à l’Octave de Noël ! "Le prénom avait été choisi avant, glisse la viticultrice, mais c’était un nouveau clin d’œil du Seigneur. Et comme il se doit, c’est l’évêque qui a baptisé ce fils tant attendu, que les aubois surnomment avec malice : le bébé de l’évêque !"