La peur voire le refus de s’engager sur le long terme est très présent dans la société actuelle. Tendance que l’on suit sans écouter les désirs de son cœur ou conséquence d’une blessure passée ? Hélène Chavanne est conseillère conjugale et familiale depuis 17 ans au Cabinet Raphaël en région parisienne. Elle accompagne notamment des jeunes adultes dans leur vie affective.
Aleteia : On dit que les jeunes ne s'engagent plus, est-ce un constat que vous partagez auprès de ceux que vous accompagnez ?
Hélène Chavanne : Il n’échappera à personne que l’air du temps dans la société qui nous entoure est assez hédoniste, voire égoïste. Ma vie, mes plaisirs, mon bonheur… L’individualisme est vanté voire même encouragé. Et on le constate aujourd’hui, les jeunes ne veulent plus forcément renoncer à leur vie de célibataire qui est très riche. Ils vivent à fond, dans un tourbillon de vie, de plaisirs, d’imprévus avec différents groupes d’amis, ils y sont bien. Le couple a tendance à renvoyer une image de vie établie, routinière voire ennuyeuse, bien différente de leur vie amusante de célibataire, et du papillonnage dans leur vie amoureuse. C’est là que le jeune doit se poser la question : est-ce que cette vie de papillonnage me convient vraiment ? Suis-je heureux ainsi ? Suis-je conscient d’un manque? Suis-je capable de rencontrer quelqu’un ? Paradoxalement certains jeunes ont du mal à quitter le modèle familial, qui peut rester leur référence ; il sera alors nécessaire d’oser prendre du large.
A quel moment se pose-t-on ces questions ?
Certaines femmes vont se poser la question à cause de leur horloge biologique, mais c’est là qu’il faut bien mettre en garde: ce n’est pas le désir d'enfant qui fait le couple. D’autres sont dans la pression sociale de "réussir dans sa vie" dans le milieu professionnel. Tout est mobilisé dans la réussite sociale et professionnelle et le couple passe après. Il y a aussi la peur du chômage, celle de ne pas réussir, la pression de la réussite familiale. Tout cela complique le couple, car celui-ci ne passe qu’après, il n’a plus d’espace pour exister.
Le couple est une caisse de résonance de nos histoires d'enfant.
J’entends parfois certains qui me confient "je n’ai pas le temps d’être amoureux". Pourtant arrive un moment où ils se posent des questions, où ils se demandent si leurs choix de vie sont les bons et s’ils ne passent pas à côté de quelque chose, ce qui s’exprime souvent par une phase de mal-être. Il s’agira alors de penser plus à "réussir sa vie" que de "réussir dans sa vie''. Heureusement, les jeunes ont aujourd'hui plus le réflexe de se faire aider, la démarche commence à entrer dans les mœurs, ce n’est plus tabou.
Est-ce que la peur de l’échec est aussi en lien avec celle de s’engager ?
C’est évident ! Beaucoup de jeunes refusent aujourd’hui de s’engager à cause des nombreux exemples autour d’eux. Parents divorcés, échecs familiaux, tous ces couples qui se déchirent, cela fait peur. Lorsqu’il entre dans la vie affective, le jeune arrive ainsi avec ses blessures d’enfant. D’où parfois la nécessité de se faire accompagner pour digérer l’échec de ses parents et les difficultés auxquelles il a été confronté. Cela peut l’aider à mettre des mots, à comprendre qui il est, ce dont il a besoin pour avancer dans sa vie à lui, et pour avancer dans le couple qu’il commence à construire.
Car le couple est une caisse de résonance de nos histoires d'enfant. Tout va s’y rejouer, tout ce que l’on a vécu enfant. Par exemple un mari qui rentre de plus en plus tard peut provoquer chez sa femme une peur de l’abandon, elle qui a vu enfant son père quitter la maison. Certains jeunes ont des histoires cabossées, cette souffrance va les rattraper, mais ils peuvent se faire aider, mettre des mots, et construire ainsi un couple plus solide.