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Euthanasie : l’ultime impasse ?

PALIATIVE
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Blanche Streb - publié le 24/01/22
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Docteur en pharmacie et essayiste, Blanche Streb apporte chaque lundi son éclairage sur les grands enjeux de société qui touchent à la vie humaine. Elle revient cette semaine sur le pseudo-argument de la liberté brandi par les militants de l’euthanasie.

Les débats sur l’euthanasie et le suicide assisté enflent inlassablement dans notre société. C’est désormais un « Choisis ta mort » qui contamine les esprits, masqué derrière l’illusion d’éthique d’une prétendue « ultime liberté ». En ce début d’année électorale que marquera inévitablement ce sujet, plusieurs essais éclairants ont été publiés : L’Impasse de l’euthanasie, de Henri de Soos (Salvator) ; Fin de vie en République, d’Erwan Le Morhedec (Cerf) ; Quand l’euthanasie sera là… de Damien Le Guay (Salvator). Chercher à comprendre et à s’approprier ces enjeux de vie et de mort pour notre société me semble être, pour tous, un devoir impérieux. On ne peut se contenter d’en rester à survoler ce qui demain pourrait tant nous voler. Henri de Soos, par exemple, décrypte méthodiquement les cinq interrogations les plus courantes et les plus importantes : « l’exemple » des pays étrangers ayant légalisé le suicide assisté ou l’euthanasie, les sondages d’opinion et leurs choix parfois truqués, le problème des euthanasies clandestines, la question douloureuse et complexe de la souffrance et celle de la liberté. 

Quelle liberté ?

Car c’est bien ainsi que se déplace désormais le spectre de l’euthanasie, sous les apparences de la « dernière liberté à conquérir ». Tentant, si on en reste à ces mots. Effrayant, si on soulève le voile camouflant ses maux. Comme souvent, bourdonne à nos oreilles cet élément de langage : « Un nouveau droit qui n’enlève rien à personne. » Rien ? Rien de moins que la vie…

Mais est-on pleinement libre lorsque la souffrance physique est mal soignée, lorsque la souffrance psychique, l’anxiété ou la solitude sont mal accompagnées ?

La liberté individuelle se voit beaucoup aujourd’hui comme la valeur suprême à promouvoir. Mais quelle liberté ? Celle de l’homme qui serait seul face à son destin. Seul à écrire son histoire. Seul à décider que puisque « mon corps m’appartient », alors je peux bien lui retirer la vie. Finalement, tapie derrière cette « conquête », c’est bien moins la question médicale, essentielle et épineuse, de la fin de vie que celle d’une conception de la liberté de l’homme s’érigeant en seul maître de la vie. Mais est-on pleinement libre lorsque la souffrance physique est mal soignée, lorsque la souffrance psychique, l’anxiété ou la solitude sont mal accompagnées ? Lorsqu’on laisse planer la légitime crainte de l’acharnement thérapeutique, pourtant interdit par la loi. Lorsque la société nous renvoie l’image d’être une charge, un coût, un encombrant, quelqu’un qui ne sert plus à rien et qu’il est venu le temps de s’en aller, sur la pointe des pieds, pour, vous comprenez, ne pas déranger… Mais enfin, celui à qui on laisse croire qu’il a la liberté de choisir, mais sans autres choix que premièrement souffrir ou deuxièmement se supprimer ou être supprimé n’est évidemment déjà plus libre de son choix. Il y a d’autres voies, bien sûr, que seul le refus absolu de l’euthanasie peut permettre de développer.

Rester humain jusqu’à la fin

Et cette peur de devenir un poids pour son entourage grandira dans la société à mesure que le regard collectif sur la fragilité se brouillera ou se détournera, à cause de l’existence même d’une telle loi. Cette pseudo-liberté poussera d’abord les plus faibles à s’y résigner. On dira : C’est leur droit, c’est ce qu’ils veulent. Ensuite, même ceux qui ne le veulent pas y auront droit. Et quelle liberté pour ceux contraints à pratiquer ou à contribuer à conduire ce geste irrémédiable ? En réalité, la liberté serait, d’une telle loi, la première victime. Comme l’écrit Henri de Soos, « la liberté peut-elle consister à choisir de ne plus jamais pouvoir choisir, à décider de ne plus jamais pouvoir décider, à vouloir ne plus jamais vouloir ? N’arrive-t-on pas ainsi à une impasse, à un problème insoluble, voire à un raisonnement absurde qui consiste à justifier l’autodestruction de la liberté au nom de la liberté ? »

Des progrès sont encore attendus. Ils devraient être la priorité : formation, prévention du suicide, moyens et développement des soins palliatifs pour progresser dans l’accompagnement de la fin de vie en respectant la personne dans toutes ses dimensions. Trop de déserts médicaux perdurent. Il y a là un enjeu d’égalité. Mais plus encore : de fraternité, comme le souligne Erwan Le Morhedec. L’interdit de tuer est gravé dans le marbre de la déontologie médicale depuis 2500 ans, il l’est aussi, il faut y croire, dans la loi morale inscrite dans le cœur de l’homme. Prendre soin des personnes vulnérables, des malades et des mourants est sans doute le critère ultime de notre humanisation. Ceux qui accompagnent ceux qui meurent ont beaucoup à nous apprendre sur tout ce qui reste à faire quand il n’y a plus rien à faire. Rester humain, jusqu’à la fin. 

À bien des égards, une telle loi légalisant l’euthanasie ne serait en rien le progrès que nous vendent les marchands de rêves mortifères. Mais au contraire l’ultime impasse, de celles qui contraignent à nous arrêter. Et à faire demi-tour. 

Impasse de l'euthanasie

L’Impasse de l’euthanasie, par Henri de Soos, Salvator, janvier 2022.

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