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Le retour de l’image dans les nouvelles églises ?

Saint-Joseph le Bienveillant.

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Pierre Téqui - publié le 15/01/22
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La pose de la première pierre de l’église St-Joseph-le-Bienveillant ce dimanche 16 janvier, est saluée par l’historien de l’art Pierre Téqui, qui y voit l’amorce d’une période nouvelle dans l’architecture de nos églises. Pour lui, les architectes reviennent aux recommandations de Vatican II en renouant avec l’image et la prière.

Est-ce que l’Église catholique en aurait enfin fini avec l’aniconisme fréquent (l’absence d’image) de l’après-concile ? C’est en tous cas ce que laisse espérer la construction prochaine de l’église Saint-Joseph-le-Bienveillant dans la ville de Montigny-Voisins-le-Bretonneux, du diocèse de Versailles. Innovation notable du projet : les architectes du cabinet Agapé ont prévu une composition colorée pensée pour être le point focal de l’édifice. Il faut s’en réjouir car on va enfin inaugurer une église catholique qui tienne compte de ce que le concile Vatican II préconise lorsqu’il recommande de « maintenir fermement la pratique de proposer dans les églises des images sacrées à la vénération des fidèles » (Sacrosanctum concilium, n. 125). 

Il a fallu hélas attendre longtemps avant que cette invitation à favoriser les images ne soit suivie d’effets. Benoît XVI n’hésitait pourtant pas à déclarer que « l’absence totale d’images n’est pas compatible avec la foi dans l’Incarnation » avant d’ajouter que « l’iconoclasme n’est pas une option chrétienne » (L’Esprit de la liturgie, Artège, 2019, p. 119). On aura pourtant vécu un long carême. Prions pour que nos églises puissent entrer demain dans la joie du Christ ressuscité.

Tournée vers Dieu

Mais si cette église qui se construit dans les Yvelines augure une période nouvelle quel fut ce moment aniconique des églises d’hier ? Pour le découvrir, il suffit d’aller visiter les églises construites à Paris dans les dernières années du XXe siècle, comme Notre-Dame-d’Espérance, Notre-Dame de l’Arche-d’Alliance, Saint-Luc, la chapelle Notre-Dame-de-la-Sagesse ou Saint-François de Molitor. Ces édifices eurent au moins deux mérites : leurs dimensions réduites offrent la possibilité d’un rassemblement plus ajusté et les architectes eurent l’audace de chercher leurs formes dans le contenu du concile Vatican II plutôt que dans la répétition de celles du passé. 

Certaines formules ne parviennent toutefois pas à convaincre. Il en est ainsi de Saint-François de Molitor, une église en forme d’amande où les fidèles prennent place de part et d’autre de l’autel et se font face. Prenant le contre-pied de cette disposition, le cabinet Agapé à Saint-Joseph-le-Bienveillant permettra à l’assemblée de ne pas se renfermer sur elle-même mais d’être tournée vers Dieu. C’est ce que souligne l’image prise pour point de mire de la composition de l’espace. N’est-ce pas d’abord grâce à Dieu et à l’eucharistie que nous pouvons ensuite discerner Dieu dans le visage de notre prochain ? 

Le refuge de la prière

Mais le principal problème résidait dans l’absence d’image. Cet aniconisme alla jusqu’à l’oubli du crucifix au profit de la croix sans Christ alors même que le missel romain demande que l’on trouve une croix « portant l’effigie du Christ crucifié. » (Présentation générale du missel romain, n. 308). Ainsi, à Notre-Dame-de-l’Arche-d’Alliance on ne trouve qu’une croix lumineuse projetée depuis les tribunes qu’une simple coupure d’électricité suffirait à faire disparaître. À Notre-Dame-d’Espérance, le parti-pris est encore plus radical puisqu’on se contenta du montant vertical et de la suggestion de la traverse au moyen de trois carrés d’or. Espérons que le Christ crucifié sera présent à Saint-Joseph-le-Bienveillant.

Il importe de sortir de l’espace unique pour que les églises de demain puissent offrir des recoins aux âmes qui cherchent le refuge de la prière. 

Tout n’est cependant pas encore résolu, car de nombreux autres défis attendent encore les architectes. Au nombre des erreurs du passé, il y avait celle de ne concevoir le plan des églises qu’en fonction de la messe. Pareilles démarches fonctionnalistes ne peuvent déboucher que sur un échec. Quel avantage y aurait-il à entrer dans une église en dehors de la célébration liturgique ? On se retrouve seul au sein d’un grand espace vide qui n’a été pensé que pour une communauté. Il importe de sortir de l’espace unique pour que les églises de demain puissent offrir des recoins aux âmes qui cherchent le refuge de la prière. 

Renouer avec le mystère

Il est temps également de renouer avec le mystère et de renoncer aux grandes salles à la lumière uniforme. Quel plus beau signe d’espérance que la faible lumière d’une bougie, offerte en complément à la prière, et dont la lueur brille dans le recoin d’une chapelle ? La clarté uniforme d’un édifice ne fait pas que congédier l’ombre : elle empêche que la lumière advienne. La modernité doit renouer avec l’ombre.

Enfin, il est temps d’accueillir les saints. Où sont les sourires de la petite Thérèse dans nos églises modernes ? Où sont les sculptures de Mère Teresa qui exhorta le monde à s’ouvrir à la charité ? Quand reverrons-nous enfin les visages de nos amis ? Quand l’Église catholique se montrera à nouveau accueillante à leurs images pour que nous puissions sentir leur présence à nos côtés lorsque nous participons à la messe ? Quel bonheur d’entrer dans une église et de découvrir que nos grands modèles du ciel sont là qui nous attendent. 

L’exemple du Centre Aletti

On ne sort pas facilement de l’aniconisme. Le chemin sera long avant que l’Église ne fasse à nouveau appel à des artistes pour investir les églises d’hier. Prions pour que nos lieux de culte soient à nouveau des espaces accueillants à la Beauté. L’exemple de l’église de Saint-Joseph-le-Bienveillant est sans doute à suivre car il y a tout lieu de croire que c’est l’avenir qui s’y dessine. Il faut saluer ici le travail d’une agence d'architecture fondée il y a à peine dix ans par Antoine Pélissier et Benoît Andrier. Combien l’Église a raison de faire confiance à la jeunesse ! Et combien cette jeunesse est bien inspirée de s’appuyer sur le patient travail mené à Rome par le centre Aletti, un centre d’études et de recherches créé à Rome en 1993 avec lequel ont travaillé les architectes français. Car les images que leur église accueillera nous viennent de ce centre d’art religieux dont la vocation n’est ni plus ni moins que le résultat d’une mise en application du concile Vatican II qui recommandait « la création d’écoles ou d’académies d’art sacré pour la formation des artistes » (Sacrosanctum concilium, n. 127). Une telle structure fait défaut à l’Église de France. Il importerait d’y remédier et de suivre l’exemple voulu par saint Jean-Paul II. Là est la clef d’une Église qui, en renouant avec l’image, pourra enfin se relever de la crise iconoclaste qui a trop longtemps caractérisé ce passé proche avec lequel il faut rompre pour se tourner enfin vers une création artistique véritablement contemporaine.

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