Avec la solennité du baptême de Notre Seigneur, nous terminons ce temps de Noël. Temps de joie, tant par la beauté de la liturgie — l’Enfant-Jésus déposé et encensé dans la crèche de l’église paroissiale, les cierges qui brûlent, ces chants propres au temps de la Nativité qui ravivent tant de souvenirs d’enfance, les belles oraisons de la fête de la Sainte Famille ou de l’Épiphanie que nous redécouvrons dans leur splendeur originelle grâce à la nouvelle traduction du missel romain — que par les à-côtés de la naissance du Sauveur : le sapin, sa belle décoration scintillante, les cadeaux, les retrouvailles familiales, les joyeuses, la galette et les petits chocolats qui accompagnent le café. Oui, ce temps de Noël que nous venons de vivre est un temps de grâces spécifiques, de joies propres qui ne reviennent qu’une fois par an, et il faut les goûter, les savourer.
Les indices de la Passion
D’autant plus qu’en fait, derrière ces joies et grâces — qui sont vraiment là, qui nous soutiennent dans notre vie de catholiques et qu’il ne faut pas laisser passer — il y a un message discret mais bien présent qui annonce dès à présent, par-delà le côté festif, la passion et la mort de Notre Seigneur. Mais il faut avoir l’œil, être attentif… Le commentaire de l’évangile du baptême du Seigneur est un peu comme une enquête de l’inspecteur Columbo ou comme ces jeux de société qui mobilisent notre attention sur les détails, les petits faits qui nous permettent d’avancer et de trouver la solution de l’énigme.
D’abord la crèche, scène touchante, mais dépassons le côté émotionnel : rappelons-nous que Marie et Joseph ne trouvent personne pour les accueillir et que l’Enfant-Dieu va naître dans une simple étable. Déjà le rejet et le dédain… Ensuite, Jésus va reposer dans une mangeoire dont le bois annonce celui de la croix, tout comme la paille qui pique anticipe les coups de fouet et la couronne d’épines. Puis le dimanche qui suivait Noël, nous avons fêté la Sainte Famille, avec un indice supplémentaire… avec Jésus qui disparaît trois jours. Trois jours : le temps qui sépare Sa mort au Golgotha de Sa résurrection du tombeau. Et dimanche dernier, l’Épiphanie, avec le cadeau étonnant, prémonitoire, d’un des mages : la myrrhe, ce baume qui sert à oindre le corps des défunts avant leur ensevelissement. Voici donc un certain nombre d’indices en filigrane. Oh, ils ne sont pas évidents et vous vous dites peut-être que les auteurs sacrés, dans leur lecture spirituelle, allégorique, de ces événements poussent le bouchon un peu loin.
Pourquoi Jésus veut-Il le baptême ?
Eh bien, intéressons-nous à la fête de ce dernier dimanche du temps de Noël, le baptême de Jésus. Avec une question précise : pourquoi Jésus demande-t-Il le baptême et se fait-Il si insistant auprès de Son cousin ? Nous savons qu’il ne s’agit pas de notre baptême à nous.
J’ai baptisé la semaine dernière un petit Augustin. L’eau du baptême a fait de lui un enfant de Dieu pour toujours. Évidemment, Jésus n’a pas besoin de ce rite : Il est Dieu et le Fils de Dieu depuis toute éternité. Augustin a été lavé du péché originel, dont il n’est pas responsable mais qui marque néanmoins son âme d’une tâche que seule l’eau baptismale peut laver. Là encore, ce n’est pas cela que vient chercher le Seigneur : Il est sans faute, sans tache, pur de tout péché.
Pourquoi cette démarche, pourquoi Se glisser dans la foule des pénitents, pourquoi ce bain dans le Jourdain ?
Augustin a reçu en cadeau les vertus théologales — la foi, l’espérance et la charité. Jésus en vit depuis toute éternité et au plus haut degré. Là encore, il ne s’agit pas de cela… Les juifs qui s’approchent du Baptiste vivent une démarche de conversion, de changement de vie, de renonciation à leurs mauvaises habitudes, à leurs péchés. Ce plongeon dans l’eau, symboliquement, les lave, les purifie et leur permet de repartir du bon pied. Mais pour Jésus, rien de tout cela, n’est-ce pas ! Lui n’a pas besoin de Se convertir, de changer de vie ; au contraire, en tout, Il est un modèle à suivre et à imiter ! Alors ? Pourquoi cette démarche, pourquoi Se glisser dans la foule des pénitents, pourquoi ce bain dans le Jourdain ?
L’eau salie de nos péchés
Symboliquement, ces juifs qui souhaitent se convertir et vivre davantage selon la Loi de Moïse, laissent derrière eux leurs turpitudes, leurs fautes, leurs manquements, leur péchés. Et pour eux, comme pour nous, ce n’est pas joli-joli tout cela… L’eau du fleuve est comme salie, troublée, teintée par toutes ces fautes que les pénitents laissent derrière eux. Adolescents, représentez-vous la couleur du bain et de la baignoire après le passage d’un scout qui revient de trois semaines de camp… Eh bien, c’est dans cette eau-là que Se laisse plonger Celui qui est pur, Celui qui est sans péché. Les eaux du Jourdain, de façon subtile, annoncent le Golgotha et la croix. Jésus a pris sur Lui tous ces péchés, toutes ces fautes. Il les a comme assumés, endossés : Il les a pris sur Son dos. Ceux-là, ceux du fleuve, mais aussi tous les autres, de tous les temps, depuis celui d’Adam et Eve jusqu’au tout dernier péché qui sera posé avant la fin des temps. Et ils sont lourds, pesants, au point de Le faire chuter sur le chemin qui mène au calvaire. Mais Jésus Se relève et continue à avancer malgré la fatigue et la douleur. Car tous ces péchés vont être suspendus, accrochés à la croix.
C’est la mort éternelle qui meurt sur la croix car, désormais, le pardon est acquis à tous ceux qui s’approchent avec un cœur contrit de la Miséricorde de Dieu.
Jésus les a pris sur Lui pour les crucifier, les mettre à mort, les anéantir. C’est la mort éternelle qui meurt sur la croix car, désormais, le pardon est acquis à tous ceux qui s’approchent avec un cœur contrit de la Miséricorde de Dieu. Le bon larron nous le montre, dans son cri de confiance : l’amour a tué le péché.
La joie de la Résurrection
Notre enquête nous a fait faire un saut dans le temps : de la crèche — que ce soit avec les bergers ou les mages — de la présentation au temple, des bords du Jourdain, nous voici transportés au pied de la Croix. Souvenons-nous que si nous aimons cette belle fête de Noël et ces dimanches de festivité qui la prolongent, ils nous tournent déjà vers le sommet de la vie du Christ : Sa passion, Sa mort et Sa résurrection. Par-delà la joie qui transparaît dans ces beaux jours que nous sommes en train de vivre, est déjà annoncée la joie, plus grande encore, de la Résurrection, celle qui fait de nous des chrétiens authentiques, de ceux qui croient que le Christ a donné Sa vie pour nous sauver et qu’Il est ressuscité des morts : Il est plus fort, plus puissant que le Mal et le péché qu’Il a crucifié sur le bois du Golgotha. Et c’est Lui, Jésus, que nous voulons suivre tout au long de cette nouvelle année.