Cahors, 1640. Alors qu’une nouvelle épidémie de peste fait rage au cœur de la ville, un chariot entouré de volontaires masqués se dirige vers les quartiers pauvres. Ces hommes en robe de bure s'approchent des pestiférés qui ont été chassés par les habitants. Ils sont trop pauvres pour demander à voir un médecin. Mais au lieu de les repousser, les volontaires leur offrent de la nourriture et des premiers soins.
Un grand homme au visage anguleux donne des instructions aux autres. Il faut emmener les malades à la maison de soins. Mais lui s’approche de ceux qui respirent à peine. Armé de son chapelet et d’huile bénite, il donne l’extrême onction aux agonisants.
Des rêves de chevalerie au salut des âmes
Issu de vieilles familles périgourdines, Alain reçoit depuis tout petit une éducation de gentilhomme. Escrime, équitation, danse… Malgré cela, il ressent déjà un véritable attrait pour la prière et le Christ. Il souhaite rejoindre l’ordre de Malte. Défendre l’honneur de Dieu par l’épée, quelle joie cela serait!
Son véritable destin se présente à lui lors d’une visite de son oncle Armand, abbé de l’abbaye de Chancelade. Impressionné par la sagesse et le zèle d’Alain, il l’invite à l’abbaye. Et à 20 ans, Alain rejoint les chanoines pour accomplir son noviciat. Ils sont loin ses rêves de gloire chevaleresque. Alain choisit la simplicité et est ordonné prêtre.
Mais il n’est pas satisfait. Sa vocation n’est pas encore bien claire. La littérature et la théologie le passionnent, alors il se rend à Paris pour étudier à la Sorbonne. Au cours d’une retraite spirituelle selon les Exercices de saint Ignace, l’évidence le frappe comme la foudre. Il veut instruire les chrétiens, restaurer les lieux de culte, et guider les âmes vers la sainteté.
Devenu abbé de Chancelade, Alain se lance dans des projets de reconstruction de l’abbaye. Ce renouveau tant physique que spirituel attire beaucoup l’attention. Il en fait de même pour les paroisses voisines. Il se fait enseignant pour ses frères, bâtisseur pour ses églises et infirmier pour les malades. Ainsi, il inspire de nombreuses vocations et la foi renaît dans le Périgord.
Évêque malgré lui
Sa renommée arrive jusqu'à Louis XIII. Impressionné, le roi veut le nommer évêque de Lavaur. Alain refuse, ne voulant pas s’éloigner de son abbaye.
Il lui propose alors l’évêché de Cahors, beaucoup plus proche de lui. La volonté divine semble claire. Alain accepte donc à condition de garder sa charge abbatiale. Ce n’est pas pour autant que le nouvel évêque ralentit.
Cahors est à l’époque l’un des diocèses les plus grands de France, comprenant 800.000 âmes. Le nouvel évêque constate avec tristesse l’absence de catéchisme. Alors en plus de sa nouvelle charge, il continue d'œuvrer pour les malades et les vocations.
Sa tâche la plus exigeante ? Rendre visite aux cent paroisses de son diocèse régulièrement. Pour instruire, soigner ou reconstruire, il veut être certain du progrès de son œuvre. Et son exemple inspire encore plus de vocations. Mais Alain n’a pas seulement à cœur le secours immédiat. Avec l’aide des filles de la charité, il fonde des orphelinats et des hôpitaux. Et il confie un nouveau séminaire aux pères lazaristes, fondé par son ami Vincent de Paul.
Alain de Solminihac meurt d’épuisement le 31 décembre 1659. Il est finalement béatifié en 1981 par Jean Paul II. Par son exemple, il a fait de Cahors un foyer spirituel impressionnant.