Homs, ville martyre, ville meurtrie. Tombée en partie aux mains des rebelles en 2012, l’Armée arabe syrienne répliqua en envoyant plus de 30.000 soldats appuyés par des centaines de chars. Il s’en est suivi une guerre urbaine de deux ans, avec son lot de bombardements aériens, de tirs et de terribles dommages collatéraux parmi les civils. Les rebelles ont finalement capitulé en 2014. Mais les troupes loyales à Bachar al Assad régnaient sur une ville détruite à plus d’un tiers.
Sept ans après les faits, on croirait que la bataille vient à peine de se terminer. Des quartiers entiers demeurent à l’état de pyramides de gravats. Les Syriens ont seulement déblayé le passage pour que les véhicules passent, mais la ville ne montre aucune trace de reconstruction. Sans électricité, parfois sans eau, les habitants de Homs trop pauvres pour s’échapper ont survécu sous les feux croisés des belligérants. La ville s’est vidée de ses forces vives, aspirées par la guerre ou par l’espoir d’une vie meilleure à l’étranger.
Un abri précaire sous les bombes
Parmi les plus pauvres de ces pauvres, les personnes porteuses de handicaps ont supporté comme les autres les privations et la peur. Alors que même les biens portants peinaient à survivre, le Centre le Sénevé (en référence à la parabole de la graine de moutarde, ndlr) leur a assuré un abri. Un abri précaire car le Centre n’a pas été épargné par les combats.
Sœur Samia, religieuse maronite de quarante ans, avait fondé le Sénevé en 2006, pour s’occuper de seulement trois jeunes gens à l’origine. Mais la guerre civile a multiplié les besoins, et alors que le pays s’effondrait, le Sénevé, quant à lui, croissait. Il s’occupe à présent de plus de 150 handicapés mentaux âgés de 3 à 30 ans. "Nous nous occupons des enfants dont plus personne ne peut prendre la charge", constate sœur Samia. Ils viennent de toutes les communautés, chrétiennes ou musulmanes, les familles se passant le nom du Centre de bouche à oreille. Ces enfants et jeunes gens végétaient, sans enseignements adaptés. Ici, ils bénéficient de cours et d’apprentissages afin d’exercer un métier à leur portée.
Une ville privée de lumière
Dans le bâtiment partiellement en ruine, il faut parfois enjamber des gravats ou des sacs de ciment, mais cela n’arrête pas la course de cette religieuse dynamique, qui connaît manifestement chacun de ses 150 pensionnaires. Ils se répartissent dans diverses salles de classes et ateliers, en petits groupes, afin d’apprendre à écrire, à lire ou à utiliser des outils de menuiserie. L’atmosphère chaleureuse contraste avec le spectacle de désolations qu’offrent les rues de Homs, privées de lumière. "Notre Centre est une oasis, qui à présent dépend presque entièrement de la générosité des Organisation non gouvernementale et de leurs donateurs étrangers", explique encore sœur Samia. En effet, si les familles participent effectivement au financement du Centre, ils le font avec leurs moyens, qui vont s’amenuisant.
La Syrie connaît une crise économique terrible. Au mois de juillet, l’inflation y a atteint des niveaux historiques et à présent le salaire d’un fonctionnaire suffit à peine pour faire un plein d’essence. Cela a des conséquences en cascades sur les biens de consommations courantes. "La plupart des gens ne vivent plus que de pain et de fromage. Ils n’ont pas goûté à la viande depuis des années. L’essence, le fioul pour se chauffer ou même l’électricité sont devenus des luxes inaccessibles", témoigne sœur Samia. En l’absence de perspective sûre, son Sénevé garantit que les plus vulnérables ont un lieu pour se réfugier, apprendre et grandir.