Partageant avec un ami très cher — père de famille et simple chrétien qui n’oublie ni sa foi ni son sens du discernement — les histoires autour de l’archevêque de Paris et la pitoyable séquence que nous venons de vivre, il me répondait avec humour : "Ok, j’achète les droits pour une série Netflix !" Je lui répondais, amusé, que ce serait une bien piètre série : nous sommes loin d’House of Cards ou Homeland.
La discussion empêchée
Au départ nous avons un article du Point qui relate des problèmes de gouvernance sur les deux extrêmes de l’échiquier ecclésial, les deux groupes promettant de se venger, problèmes qui ne servent que d’introduction au fameux mail qui n’a pas été révélé et qui alimente tous les fantasmes, repris en chœur par tous les médias. Ensuite l’archevêque écrit au Pape, sans qu’il fût prévu que cette lettre tombât dans le domaine public, juste pour s’expliquer et dans un souci d’apaisement. Il aurait pu aussi assumer ses décisions de gouvernance, s’en expliquer, contester les accusations comme il le fit et rester à la manœuvre sans prendre le pape à témoin. Ce fut son choix, contestable. Certains parmi les rares informés de ce courrier s’empressèrent bien sûr de révéler aux médias l’existence de cette lettre (à Rome, à Paris, les deux ?) empêchant ainsi une discussion paisible et permettant de titrer dans les journaux que l’archevêque avait présenté sa démission.
L’affaire était pliée : que pouvait alors faire le Saint-Père ? Laisser en place l’archevêque et cultiver ainsi pendant les cinq ans à venir la méfiance et le doute au détriment de l’unité du diocèse ? L’acceptation de cette fausse vraie démission était inéluctable. Fin de partie !
Depuis 1.700 ans…
Certains pourront se réjouir d’avoir eu la peau de l’archevêque de Paris, d’autres de l’avoir sans s’être commis, certains enfin, les plus nombreux, déploreront une triste séquence de la vie ecclésiale. Mgr Pontier a été nommé administrateur du diocèse de Paris et veillera à présenter au successeur un état des lieux. Comme prêtres, nous allons continuer à faire ce que nous faisons tous les jours et nous attendrons la direction que voudra donner le nouvel évêque lorsqu’il sera nommé. Le siège de Paris existe depuis 1.700 ans, on devrait survivre à cet épisode…
Les fidèles, s’ils ont de légitimes questions et blessures par suite de ces événements, sont d’abord et avant tout attachés au Christ et à son Église.
De mon côté, chaque année, le 8 décembre, je réunis tous les prêtres, diacres, laïcs —bénévoles et salariés — de la paroisse qui le peuvent et nous sommes une centaine à nous retrouver. Nous nous réunissons pour ensemble fêter Notre Dame tout d’abord : Marie au titre de son Immaculée Conception, prélude du Salut par le Christ, celle qui a été rachetée par une grâce venant déjà de la Passion de son Fils. Nous nous réunissons aussi pour nous rassembler et nous rencontrer parfois, pour ceux qui ne se connaissent pas encore, pour mettre des noms sur des visages croisés lors des célébrations dans l’église. À cette occasion nous pouvons faire le point de ce qui a été vécu, envisager et organiser les projets à venir pour l’année, répondre aux questions qui se posent et construire l’unité de la paroisse dans son lien avec le diocèse et l’Église universelle. Cette année, de nombreux chrétiens auront été troublés par le rapport de la Ciase et je dois rajouter à cette rencontre les interrogations sur la démission de notre évêque.
Nous ne sommes que des serviteurs
Mais je sais que les fidèles, s’ils ont de légitimes questions et blessures par suite de ces événements, sont d’abord et avant tout attachés au Christ et à son Église ; le Christ qui les a illuminés et dont le message irrigue quotidiennement leur vie. L’Église dont ils ont l’expérience depuis tant d’années et qui savent qu’elle est autant Celle du Ciel que Celle de la terre. Les chrétiens (j’inclus les prêtres) sont lucides et n’ont pas à être infantilisés, voire anesthésiés : dire ce qui est, même si ce n’est pas glorieux, dire en premier à ceux qui sont les plus proches, sans devoir attendre les articles des médias pour être informés de ce qui nous concerne au premier chef, expliquer sans relâche quitte à être critiqué, assumer sans peur ce qui relève de nos responsabilités et écouter sans craindre d’être contredit. Cela est d’autant plus facile à vivre que nous ne sommes-nous mêmes que des serviteurs. C’est peut-être cela la synodalité de l’Église, mode de gouvernance si particulier pour une réalité si particulière : l’Église fondée par le Christ.