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Faut-il se méfier des médecines alternatives ?

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Mathilde de Robien - publié le 04/11/21 - mis à jour le 26/02/24
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Deux écueils demeurent face aux médecines alternatives et complémentaires : une méfiance systématique à leur égard ou au contraire un enthousiasme aveugle. "Un des critères les plus importants consiste à savoir découpler méthode et interprétation", explique à Aleteia le père Pascal Ide.

Certains ne jurent que par leur acupuncteur, ou leur homéopathe, quand d’autres n’y voient que des charlatans. Les médecines alternatives et complémentaires (MAC), bien que qualifiées de « douces », suscitent d’épineuses questions ! Selon le rapport de l’Ordre des médecins de 2023 concernant les pratiques de soins non conventionnelles, 71% des Fraçais a déjà eu recours à une pratique de soins non conventionnelle. Si elles existent depuis toujours, les médecines alternatives et complémentaires connaissent depuis plusieurs années un regain d’intérêt. Tant et si bien qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. Dans son ouvrage Les médecines alternatives (Artège), le père Pascal Ide, prêtre du diocèse de Paris et docteur en médecine, en philosophie et en théologie, répond à la méfiance de certains, en les invitant à s’interroger sur ces pratiques à l’aune de critères éthiques et théologiques de discernement. Aleteia l'a rencontré.

Aleteia : Qu'entendez-vous par médecines alternatives?
Pascal Ide : Face à la médecine dite conventionnelle, il existe des médecines différentes, que le Conseil de l’Ordre des médecins français nomme "médecines alternatives et complémentaires". Certaines dénominations explicitent davantage leur spécificité : les médecines holistiques, qui considèrent la personne dans sa globalité, les médecines douces, qui s’attachent à stimuler les défenses immunitaires plus qu’à s’opposer à la maladie, les médecines traditionnelles, issues de pratiques ancestrales, etc… Les médecines alternatives et complémentaires regroupent des centaines de pratiques thérapeutiques, les plus connues étant sans doute l’homéopathie et l’acupuncture.

Dans quel but avez-vous écrit ce livre ?
Les médecines alternatives et complémentaires sont largement suspectées, notamment chez les catholiques. Nombre d’entre eux ont une attitude de méfiance à leur égard, car ils craignent qu’elles soient contraires à la méthode scientifique ou contraires à leur foi. Mon intention, en écrivant ce livre, est double. La première est de répondre à ces craintes en offrant des critères éthiques et théologiques de discernement. La seconde motivation tient du fait qu’il serait dommage de se priver de méthodes précieuses, sans effets secondaires, et qui, pour un grand nombre d’entre elles, sont validées scientifiquement.

D’où vient cette peur particulièrement prégnante chez les chrétiens ?
Il s’agit bien souvent de la peur du démon. Certains prêtent aux médecines alternatives et complémentaires une influence démoniaque. Ils ont l’impression qu’elles "ouvrent les chakras" et qu’elles favorisent une influence ténébreuse. Cette crainte est là. L’intention est bonne, ne pas laisser le démon nous influencer est légitime, mais bien souvent, cette peur n’est pas assez raisonnée. D’où la nécessité de discerner.

Quels critères prendre en compte dans le choix d’une thérapie alternative ?
Un des critères les plus importants consiste à savoir découpler méthode et interprétation. Il s’agit de distinguer l’outil, la méthode, de la lecture qu’en donnent les thérapeutes. Certains pensent, à tort, qu’adhérer à la médecine chinoise signifie qu’ils adhèrent au taoïsme ou au confucianisme ! Autre illustration : pendant longtemps, le catholicisme a dénoncé la pratique de la psychanalyse parce qu’on pensait que l’interprétation matérialiste et athée de Freud était partie prenante de sa méthode. Or on peut utiliser l’outil psychanalytique sans pour autant adhérer au scientisme matérialiste de Freud. Là encore il faut distinguer l’outil et son interprétation. La démarche est la même face aux médecines alternatives, à l’instar du travail effectué par Christophe André avec la méditation en pleine conscience. Un travail de sécularisation consistant à séparer les textes bouddhistes tibétains de l’outil qui est neutre et validé scientifiquement par plus de mille études.

Quels sont les autres critères de discernement ?
Il y a d’abord les critères concernant la médecine elle-même. Est-elle conforme avec la raison ? Il s’agit de savoir s’il y a eu validation scientifique, ou non, ou si elle est en cours. La méthode Vittoz, prisée par de nombreux chrétiens, ne bénéficie que d’une seule et toute récente validation scientifique. L’hypothèse du Dr Geerd Hamer selon laquelle la maladie (notamment le cancer) est la somatisation d’un choc psychologique est intéressante mais manque cruellement de fondement scientifique. A ce jour, aucune preuve expérimentale sérieuse n’existe.

Il convient aussi de se demander si cette médecine est conforme avec l’éthique.

Il convient aussi de se demander si cette médecine est conforme avec l’éthique (loi naturelle, loi civile mais aussi éthique de la nature). Et si elle conforme avec la foi, selon l’enseignement de l’Écriture et le Magistère de l’Église. Viennent ensuite les critères concernant le thérapeute : sa compétence, son honnêteté, l’absence de toute-puissance, le respect de la liberté du patient et de ses convictions, la transparence de la méthode, l’absence de pratiques occultes…

Vous appelez de vos vœux une médecine que vous nommez intégrative, une synthèse entre la vision atomistique de la médecine conventionnelle et la vision holistique des médecines alternatives. Elle n’existe pas encore mais en quoi consisterait-elle ?
La juste attitude ne consiste pas à opposer la médecine conventionnelle aux médecines alternatives et complémentaires. Chacune propose une vision complémentaire de l’homme. Prenons cet exemple d’un homme, veuf, d’une soixantaine d’années, qui travaillait tous les jours de 8h à 22h sur son ordinateur pendant le confinement. Au bout d’un mois, il ressent des douleurs dans les doigts de la main droite, le coude droit, sous la pointe du talon droit et dans la fesse droite. Son médecin traitant formule des diagnostics différents pour les quatre symptômes et lui prescrit un traitement anti-inflammatoire. Parallèlement, un ami médecin, fin connaisseur des thérapies alternatives, lui pose des questions, et lui fait ainsi prendre conscience qu’il fait trop peu d’exercice physique et qu’il s’inflige une forte tension au travail. L’ami médecin souligne également que les douleurs sont toutes localisées du côté droit, ce qui, selon la théorie du décodage biologique, symbolise la frustration.

Une conception adéquate du patient, de la maladie et de l’acte médical devrait intégrer cette double lecture, à la fois analytique.

La médecine conventionnelle est analytique, atomistique. Elle sépare la personne de son environnement (le contexte du confinement, dans notre exemple, n’est pas pris en compte), elle distingue le corps du psychisme (le médecin traitant ignore les tensions dues au travail), et elle découpe le corps en organes bien distincts (il ne fait pas de connexion entre les quatre manifestations). Le mérite de cette médecine réside dans la précision de son analyse, mais il manque le moment de la synthèse. On a besoin des médecines alternatives qui considèrent le patient dans sa globalité.

Prenons l’interrogatoire d’un homéopathe. Il va s’intéresser aux circonstances dans lesquelles les symptômes sont apparus. Ce que ne fait pas un médecin traditionnel au nom même de sa méthode analytique. Pour lui, savoir que vous avez attrapé une grippe en raison d’une faiblesse immunitaire dû à un grand stress ne change rien au traitement qu’il va vous prescrire. Or ce n’est pas anodin d’être fragilisé sur le plan immunitaire par un stress chronique. L’identifier permet de prévenir d’autres infections. En ce sens, la médecine holistique se caractérise par son aspect préventif, tandis que la médecine classique est de type curatif. Une conception adéquate du patient, de la maladie et de l’acte médical devrait intégrer cette double lecture, à la fois analytique et synthétique.

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