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Soudan : un coup d’État prévisible

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Jean-Baptiste Noé - publié le 28/10/21
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Le 26 octobre, un coup d’État a renversé le gouvernement civil au Soudan du Nord. Les autorités militaires ont repris la totalité du pouvoir, mettant un terme au cycle ouvert en 2019. Pour notre chroniqueur Jean-Baptiste Noé, rien n’est réglé pour le pays, tant les difficultés économiques et sociales sont grandes.

Après trente ans de gouvernement du Soudan (1989-2019), Omar el-Bechir était renversé par un coup d’État en avril 2019. Un gouvernement de transition était alors installé, associant des civils aux militaires. Si le chef de l’État vient de l’armée, le Premier ministre Abdallah Hamdok compte parmi les économistes réputés et de nombreux membres du gouvernement sont issus de la société civile. L’attelage hétérogène ne pouvait perdurer. Le pays s’enfonce dans une crise économique majeure.

La perte du sud du pays en 2011, devenu indépendant sous le nom de Soudan du Sud, a été un rude coup pour l’orgueil national et une atteinte aux finances puisque cette région dispose de nombreux gisements de pétrole. En 2019, derrière le halo démocratique et l’espoir d’une transition heureuse, se cachent des risques majeurs et des troubles imminents à venir. Le coup d’État de ce mois d’octobre est l’aboutissement logique et prévisible du renversement d’el-Bechir il y a deux ans. 

À l’origine du coup d’État 

La situation s’est tendue dès le mois de septembre et une première tentative de coup d’État. Le 16 octobre, une première salve de manifestations rassemble des militants favorables aux militaires : ils occupent le centre de la capitale et campent devant le palais présidentiel. Cette pression physique et populaire à l’encontre du gouvernement civil témoigne du soutien de la population à l’égard de la junte. En réplique à cette démonstration de force pro-armée, des Soudanais favorables aux civils manifestent le 21 octobre, date anniversaire de la révolution de 1964. L’engrenage est en cours, dans la rue du moins. Au niveau de l’État, c’est une autre bataille qui se met en place, judiciaire celle-ci. Le gouvernement provisoire souhaite enquêter sur le régime d’Omar el-Bechir et faire juger les responsables de corruption et de meurtres. De quoi menacer un grand nombre de militaires qui ont participé au gouvernement d’el-Bechir et qui ont été recyclés dans le gouvernement provisoire. Prendre la totalité du pouvoir est pour eux une façon d’échapper à des poursuites judiciaires.  

Le général Abdel Fattah al-Burhan a donc piloté et organisé le renversement du Premier ministre et la prise du pouvoir, dans un coup d’État devenu de plus en plus prévisible. L’Internet a été coupé, la radio et la télévision ont modifié leur programme pour ne diffuser que des émissions de musique. De quoi limiter les fausses rumeurs et empêcher des contre-manifestations. 

Impuissance de la communauté internationale

Ni l’ONU ni l’Europe n’ont pu éviter ce changement de régime. L’émissaire américain envoyé par Joe Biden n’a pu que constater le fait accompli. Il est vrai que l’Afrique n’est nullement une priorité pour les États-Unis, qui ne se sont jamais intéressés au continent. Les États-Unis ont néanmoins annoncé la suspension d’une aide de 700 millions de dollars qui était dévolue au pays. La Commission européenne et le représentant de l’ONU ont évidemment condamné ce coup d’État, demandant la libération des membres du gouvernement arrêtés et déportés en un lieu inconnu. Des propos qui n’auront aucun effet : la communauté internationale ne dispose d’aucun moyen pour s’ingérer dans la vie politique du Soudan. 

Après le Mali, c’est donc au tour de ce pays de revenir à un gouvernement militaire.

Après le Mali, c’est donc au tour de ce pays de revenir à un gouvernement militaire. Ce coup d’État prévisible va probablement ouvrir une nouvelle longue période de gouvernement militaire, après les trente ans d’el-Bechir, où les hommes qui ont pris le pouvoir vont vivre sur le dos de l’État. C’est une autre parenthèse démocratique qui se referme après celles ouvertes en 2011 dans le monde arabe. Beaucoup ont cru alors à la démocratie et au fait que l’Afrique allait, cinquante ans après les indépendances, suivre la même voie que l’Europe. En une décennie, tous ces rêves d’Européens se sont envolés. Cela interroge la doctrine même des relations internationales telle qu’elle est pratiquée par les Occidentaux depuis plusieurs décennies. L’ingérence politique, la volonté farouche d’imposer un modèle unique à d’autres pays, le décalque de modèles économiques capitalistes n’ont jusqu’à présent jamais fonctionné. Alors qu’au début du XXIe siècle, beaucoup croyaient en une marche linéaire de l’histoire, le continent africain ressemble de plus en plus à ce qu’il était au début du XXe siècle, déjouant de nombreuses prévisions.  

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