Il en est des caminos espagnols comme des chemins de la vie ! Certains sont très balisés comme la Camino de Santiago. Partout des flèches jaunes bien visibles ou mieux des coquilles en bronze incrustées dans les trottoirs, ou en céramique sur les murs des villes et villages. Et puis à chaque carrefour, il y a ces beaux panneaux bleu et jaune, esthétiques et bien visibles. Vous pouvez sûrement arriver à Compostelle sans carte et sans boussole et sans risque de vous tromper. Il en est tout autrement du modeste Camino Ignacio encore peu connu et assez discrètement balisé. Il faut suivre la petite flèche orange mais parfois elle se cache sous les herbes. Il faut être sans cesse en veille pour ne pas la manquer au détour d’un chemin et plusieurs fois, nous l’avons perdue et nous nous sommes perdus ! Il faut souvent s’arrêter pour faire le point, prendre la boussole ou le GPS pour être sûr de marcher dans la bonne direction.
Cela me fait penser aux chemins de notre vie quotidienne. Il y a ceux qui sont bien, trop bien balisés et nous mènent tout droit vers les temples de la consommation : inutile en effet de réfléchir pour consommer, jouir, voire abuser de tous les plaisirs et loisirs possibles, pour optimiser votre argent et faire croître vos avoirs... Ces chemins-là sont faciles et tentants et si l’on n’y prend pas garde on s’y laisse tous entraîner.
Le chemin que nous propose le Christ est plus ardu et moins facile à trouver car il est à contre-courant des chemins balisés ! La « petite flèche orange » du Camino est l’image de ces petites lumières que nous guettons pour éclairer notre route : une rencontre fraternelle, une page d’Évangile, un sacrement reçu qui nous font dire que nous sommes sur la bonne voie. Il faut sans cesse rester en éveil, demeurer vigilant faire régulièrement le point sur le sens de sa vie en prévoyant des pauses : temps de silence, de retraite un peu à l’écart des bruits du monde, mais aussi parfois savoir se faire aider et demander son chemin, comme on chemine en Église en se soutenant les uns les autres.
Comparaison n’est pas raison bien sûr et ceux qui ont marché vers Saint-Jacques me diront peut-être que le chemin est plein d’imprévus. Tous ces chemins, en tous cas, sont des chemins de vie sur lesquels on apprend la frugalité, la force et la fragilité de nos corps, parfois le découragement, la joie de rencontres fraternelles, même fugaces… Une forme de liberté et de ténacité aussi, car il ne s’agit plus de paraître mais de mettre un pied devant l’autre, jusqu’au bout de l’étape du jour, et de recommencer !
Et on y arrive, puisqu’aujourd’hui nous sommes à Manresa ou Ignace a passé un an. Et où il reçut tant de grâces. Comme lui nous revenons comblés de grâces, des grâces discrètes, simples, ordinaires comme cette « petite flèche orange » que nous avons suivi avec joie pendant un mois !