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L’apparition de la vie : une énigme toujours repoussée

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La création d'Adam par Michel Ange, chapelle Sixtine.

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Bruno Brunor - publié le 25/09/21
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L’apparition de la vie est une énigme qui grandit. La science a découvert un système ultrasophistiqué constitué de deux langages et un traducteur avant l’apparition du tout premier être vivant : les biologistes cherchent qui a inventé cela, mais nous avons moins d’explication que jamais.

L’histoire humaine a longtemps cru que la question de l’apparition de la vie était simple parce que la vie semblait être « une propriété de la matière et elle pouvait surgir spontanément dès que certaines conditions étaient réunies » : ainsi depuis l’Antiquité, on croyait à la « génération spontanée ». 

Quand on chargeait des sacs de farine, de blé, de riz dans les bateaux et vérifiait qu’il n’y avait pas de bestioles dedans, puis que l’on en découvrait quelques semaines plus tard, en ouvrant le sac, le médecin de bord expliquait que la vie est capable de naître de façon spontanée de la farine qui est inerte. La génération spontanée sans parents a longtemps été considérée comme naturelle.

Cette vision confirmait un a priori hérité des philosophes grecs. Pour Démocrite et les atomistes, « la vie est une propriété de la matière, elle apparaît spontanément dès que les conditions favorables sont réunies ». Tout cela avait l’air scientifique et semblait vérifié par l’expérience. Jusqu’au XVIIIe siècle, la passerelle entre matière inerte et ce que l’on appelait « la matière vivante » semblait une évidence. C’était aussi une croyance de Diderot et il y a eu un débat célèbre entre d’Alembert et lui à ce sujet. Diderot était dans le courant vitaliste, qui est une forme de l’atomisme : une branche légèrement dissidente, héritée de Zénon de Cition, fondateur du stoïcisme vers l’an 300 avant Jésus-Christ. Les vitalistes ont toujours pensé que la vie était une propriété de la matière et que si la vie apparaissait à un moment donné, c’est qu’elle était déjà contenue, cachée secrètement dans la plus petite partie de la matière : l’atome (du grec atomos, ce qui ne peut pas être coupé ; la plus petite partie de la matière). 

Diderot et plusieurs de ses contemporains pensaient aussi que la matière est vivante. Ce courant imaginait que si l’on contemple une Vénus en marbre, par exemple, à l’intérieur les atomes sont vivants de façon tenue cachée, et mus par un tel désir de vie qu’un jour ou l’autre, ils manifesteront cette vie dans cette statue. Au sein du courant atomiste, il y avait un débat entre les stoïciens pour qui les atomes sont déjà doués de vie, une vie cachée qui attend son heure pour émerger, et des atomistes strictement athées qui répondaient au contraire que les atomes ne sont pas vivants, mais que la matière inerte provoque la vie quand les atomes sont associés dans certaines conditions. Dans les deux cas, atomes doués de vie ou non, pour ces deux courants opposés du matérialisme athée, aucun dieu n’est auteur de l’univers et de la vie. La vie est une simple « propriété de la matière ». Le matérialisme athée croit spontanément à la génération spontanée.

Il a fallu plusieurs savants, dont Francesco Redi, pour essayer de démontrer que cette thérorie était fausse. Mais c’était une croyance tellement ancrée qu’elle est constamment revenue comme une nouvelle grande marée qui emporte tout. Pour finir, l’Académie des sciences de Paris dans les années 1860 a ouvert à tous les savants qui le voulaient un grand concours doté d’une forte somme pour démontrer si la génération spontanée était possible ou si au contraire c’était une erreur d’interprétation. Louis Pasteur a été très intéressé par ce concours et, en 1861, il fait la démonstration définitive que la génération spontanée est absolument impossible. C’est soit une erreur du manipulateur qui fait croire que ça marche, soit parfois un tour de prestidigitation pour entretenir cet a priori philosophique auquel on croit. Mais Pasteur démontre en 1861 que la vie n’est pas une simple « propriété de la matière », puisque sans vie, sans œuf, sans parents, sans cellule vivante, la matière inerte est incapable de faire naître spontanément de la vie.

La conclusion demeure : la vie ne peut naître que du vivant. Ceci est désormais un des postulats de la biologie. 

À noter que cela n’a pas empêché Darwin, dix ans après (en 1871) d’écrire à son grand ami et correspondant, le botaniste Joseph Hooker : « La vie est apparue dans un petit étang chaud, dans lequel il y avait un riche bouillon de produits chimiques organiques, à partir desquels s’est formé le premier organisme primitif à la suite d’une longue période d’incubation durant les temps géologiques. » Peut-être n’était-il pas informé des travaux francophones de Pasteur ? Quoi qu’il en soit, il est intéressant de noter que, dix ans après la réfutation de la génération spontanée par Pasteur, il semble que Darwin y croyait encore. La conclusion demeure : la vie ne peut naître que du vivant. Ceci est désormais un des postulats de la biologie. 

Si la vie ne peut pas commencer seule quelque part à partir de la matière inerte, la grande question se pose de savoir comment la vie a pu apparaître sur terre. Aujourd’hui, les évolutionnistes matérialistes expliquent comment la vie a « évolué », mais se gardent de dire comment elle est apparue sur terre. Le prix Nobel et professeur Jacques Monod, dans son très fameux livre Le Hasard et la Nécessité paru en 1970, reconnaît quelque chose de précieux pour le monde : « Mais le problème majeur, c’est l’origine du code génétique et du mécanisme de sa traduction. En fait, ce n’est pas d’un problème qu’il faudrait parler, mais plutôt d’une véritable énigme. » 

Comment ce problème se pose-t-il aujourd’hui ? Pour que la vie puisse exister, il y faut que soient réunies quatre conditions nécessaires : bonne température, bonne pression, eau liquide, oxygène (la lumière ne semble plus requise). Mais ces conditions ne sont pas suffisantes : il manque quelque chose… Au lycée, à partir de la classe de seconde, les élèves apprennent que les conditions nécessaires pour que la vie puisse exister sont : température et pression favorables, présence d’eau liquide, d’oxygène et de lumière. La nécessité de la lumière fait encore débat parmi les chercheurs. Quoi qu’il en soit, il faut un contexte très favorable et il faut en plus évidemment qu’il y ait des atomes, notamment des atomes de carbone. Si une de ces conditions manque, la vie telle que nous la connaissons ne peut pas exister. Quand on demande dans une classe : « Imaginons que sur une planète X, les cinq conditions sont réunies levez le doigt ceux qui pensent que la vie va apparaître tôt ou tard, dans les millions d’années qui viennent… » En général tout le monde lève le doigt. Pourtant, ces cinq conditions sont nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes. Il manque quelque chose. Pour que la vie puisse commencer un jour, il faut que soit inventé et mis en place un langage : celui de l’ADN.

L’ADN est un véritable langage comparable au français, à l’anglais ou à toute autre langue. Il comprend quatre molécules, les quatre « bases » : adénine (A), guanine (G), cytosine (C), thymine (T), qui se comportent comme des lettres, qui vont faire des mots en respectant un vocabulaire précis. Ces mots vont constituer des phrases en respectant une grammaire et ces phrases servent à transporter toutes les instructions pour me construire : toute la description de mon plan de construction : la couleur de mes yeux, de mes cheveux, de ma peau, si je suis masculin ou féminin, si j’appartiens à l’espèce humaine ou à celle des kangourous, etc. Tout cela est marqué, comme écrit noir sur blanc dans un livre ou comme sur une partition de musique ou un plan d’architecte. Toutes les instructions sont là pour construire physiquement ma base de départ. On voit bien que ce « message génétique », formule éloquente, est bien bel et bien un langage.

Nous savons que les quatre bases de l’ADN sont toujours combinées trois par trois, ce qui permet d’obtenir 64 combinaisons (4 puissance 3 = 64). Or les chercheurs se sont aperçus que trois de ces « 64 codons » ne servaient pas à rédiger un « mot » dans le langage de l’ADN. Nous avons découvert que ces trois codons apparemment inutiles ont un rôle très précieux pour la ponctuation des messages, pour éviter tout malentendu dans la transcription et la lecture du message. On peut alors reposer la question : sur la planète X, si nous rassemblons les mêmes cinq conditions et mettons en place le langage de l’ADN, la vie pourrait-elle apparaître ? Il manque encore une chose. Il faut que soit inventé et mis en place un second langage. 

Contrairement à ce que disent les matérialistes, pour lesquels seule la matière existe et qui disent donc que la matière suffit à justifier toute la vie, l’existence et la pensée de l’être vivant, l’être demeure tandis que la matière passe

Ce langage est constitué des vingt lettres que sont les vingt types d’acides aminés qui vont aussi se combiner pour faire des mots, des phrases, pour synthétiser les protéines absolument nécessaires à la vie afin de remplacer les cellules mourantes. Le vieillissement vient précisément du non-renouvellement correct de l’ensemble des cellules. Les tissus de peau sont renouvelés en 48 heures environ, mais les os et les dents prennent bien plus longtemps. Il semblerait qu’en quinze ans, pratiquement toutes les cellules de mon corps, y compris celles des os, des dents, des neurones aient été renouvelées. Même les neurones sont renouvelés, commencent à observer les chercheurs, pas seulement au niveau atomique, mais les neurones mêmes. Nous sommes capables de créer de nouveaux neurones tout au long de la vie et c’est une bonne nouvelle. Ainsi, en quinze ans, c’est l’ensemble des cellules de mon corps qui est renouvelé : c’est toujours moi, mais toute la matière de mon corps a changé ! Contrairement à ce que disent les matérialistes, pour lesquels seule la matière existe et qui disent donc que la matière suffit à justifier toute la vie, l’existence et la pensée de l’être vivant, l’être demeure tandis que la matière passe : mémoire, opinions, préférences conservent une continuité qui permet la reconnaissance. Cette question est vertigineuse : qu’est-ce qui fait l’être si les atomes changent ? Quel principe est à l’origine de l’organisation de cette matière ? Aristote et Platon débattaient déjà autour de telles questions, pour lesquelles nous n’avons encore que des éléments de connaissance.

Mais il faut encore que soit créé un « traducteur ». Les conditions nécessaires à la vie ne sont toujours pas rassemblées : ces deux langages ne se comprennent pas. Il manque un traducteur. Heureusement il existe des enzymes capables d’interpréter les informations d’un langage vers l’autre. En l’absence de dictionnaire-traducteur, la vie n’aurait pas pu apparaître. Le prix Nobel de chimie 2009 a été donné à trois chercheurs qui ont expliqué « comment fonctionne le traducteur entre les deux langages celui de l’ADN et celui des protéines » : ces trois chercheurs sont V. Ramakrishnan (Cambridge, UK), T. A. Steitz (Yale Univ, USA) et A. E. Yonath (Israël). Le prix leur a été attribué pour leurs recherches présentées de la façon suivante : « Les études d’une des machineries essentielles de la vie : la traduction des informations de l’ADN par le ribosome en “vie”. Les ribosomes produisent les protéines qui, à leur tour, contrôlent la chimie de tous les organismes vivants. Les ribosomes étant cruciaux à la vie, ils sont aussi une cible majeure des nouveaux antibiotiques. » 

« À l’intérieur de chaque cellule dans tous les organismes, il y a des molécules d’ADN. Ils contiennent les séquences qui permettent de savoir à quoi ressemble un être humain, une plante ou une bactérie, et comment ils fonctionnent. Mais la molécule d’ADN est passive. S’il n’y avait rien d’autre, il n’y aurait pas de vie » indique le service de presse de l’Unesco. La traduction officielle du sujet de recherche primé illustre à quel point ces mots sont les plus aptes à décrire ce que nous observons, bien que les livres ne le présentent pas toujours clairement, alors même que le terme de « message génétique » est admis.

Il est remarquable de réaliser que ce mécanisme de deux langages et un traducteur permet de construire des êtres vivants depuis les débuts de la vie sur notre planète. Le système existait déjà il y a 3,7 milliards d’années pour que les premières formes de vie monocellulaire aient pu apparaître. Et il semblerait que ce soit aujourd’hui le même système qui construit les organismes sous toutes leurs formes, (mais peu importe, là n’est pas l’essentiel). La question est de savoir d’où vient un tel système aussi élaboré ?

On ne peut affirmer savoir comment Dieu a fait l’homme, mais on sait que, dans le message génétique de l’homme aujourd’hui, il y a 98 % de gènes communs avec le chimpanzé, ce qui les situe parmi les cousins de l’homme.

Depuis 3,7 milliards d’années, ce qui a évolué, c’est le contenu des messages ADN : les instructions données pour construire des êtres vivants de plus en plus complexes se sont enrichies régulièrement. C’est l’information contenue dans les messages qui a augmenté. La vie s’est développée par arborescences depuis 3,7 milliards d’années : nous sommes tous les descendants d’organismes monocellulaires. Contrairement à ce que prétendaient certains au temps de Darwin, les chimpanzés ne sont pas nos ancêtres, mais ils sont nos « cousins ». Nous observons que nous avons avec eux des ancêtres communs, l’ADN le prouve. On ne peut affirmer savoir comment Dieu a fait l’homme, mais on sait que, dans le message génétique de l’homme aujourd’hui, il y a 98 % de gènes communs avec le chimpanzé, ce qui les situe parmi les cousins de l’homme. Pourtant, on observe que l’augmentation d’information que représente le tout petit pourcentage de gènes qui nous distinguent du chimpanzé représente en réalité des « années-lumière » de saut qualitatif. Le chimpanzé est donc à la fois extrêmement proche de nous et extrêmement éloigné. 

Revenons aux Grecs. Platon voyait l’homme dans une perspective dualiste corps-âme et comme le mélange contre-nature d’un principe divin (l’âme) et d’un principe matériel mauvais (le corps). En sorte que mon corps était la prison de mon âme (soma sema) ! Aristote, contestant son maître, arrivait à une conclusion diamétralement opposée : l’âme n’est pas quelque chose qui tombe dans le corps, c’est quelque chose qui construit l’organisme. Sans psyché-anima-âme, pas d’organisme, puisque c’est la psyché-anima-âme qui organise la matière pour construire l’organisme et « l’animer ». C’est pourquoi l’expression « matière vivante » est impossible comme rappelait le professeur Lejeune : « La matière vivante n’existe pas, il n’existe que de la matière animée (ou non). » La découverte de la structure en double hélice de l’ADN en 1953 constitue finalement un argument décisif en faveur de la vision aristotélicienne et d’un principe organisateur intelligent. À travers toutes les découvertes récentes des sciences biologiques, nous en savons davantage sur le commencement de la vie : nécessité d’inventer et de mettre en place deux langages, avec chacun son alphabet, son vocabulaire et sa grammaire. 

Mais le mystère s’est épaissi. La question d’une intelligence organisatrice n’est-elle pas devenue une hypothèse rationnelle ? Nous observons que l’hypothèse d’Aristote est devenue tout à fait contemporaine : il faut sans doute de l’intelligence pour fabriquer des êtres vivants, mais où est cette intelligence ? En tout cas, Schrödinger (1887-1961), le grand physicien, philosophe et théoricien scientifique autrichien, un des pionniers de la physique quantique, nous laisse son constat : « La vie est une victoire sur l’entropie ».

Développons l’antagonisme Platon-Aristote. Le modèle dualiste de Platon, courant en Grèce, est hérité des mythes orphique et hermétique. Il explique ainsi qu’il y a d’abord un premier dieu qu’il appelle « l’un », éternel et seul. De sa substance émane un deuxième dieu que Platon appelle « fils de dieu » ou « dieu second », « intermédiaire entre dieu un et les hommes ». Puis émane un troisième Dieu, qui est appelé « l’âme du monde », qui anime tous les vivants. Ce trithéisme enseigné par Platon, distinct de la Trinité chrétienne, inspirera des confusions parmi les premiers chrétiens, à cause de sa proximité de vocabulaire. Platon enseigne aussi une quatrième production, émanée de cette unique substance divine : les « hommes spirituels », qui vivent dans le monde des idées. Si nous sommes déchus de cette condition, c’est par punition. Notre âme est une parcelle de l’unique divinité souffrant de « l’individuation par la matière », prisonnière. Cette théorie persistera dans toutes les formes de manichéisme comme le catharisme.

Aristote arrive à une conclusion diamétralement opposée : l’âme n’est pas quelque chose qui tombe dans le corps ; c’est quelque chose qui construit l’organisme. Il y a une relation unique entre mon âme et ce que je suis, parce que c’est mon âme qui construit mon physique. Les Hébreux bibliques disent la même chose : nous sommes tous des âmes vivantes. Les Hébreux ont été épargnés du dualisme de Platon et ont évité d’y tomber, car ils ont été protégés par leur langue : l’hébreu empêche en effet de penser le dualisme corps-âme, car il n’y a qu’un seul mot pour désigner l’organisme, le corps animé : c’est le mot basar, qui est aussi la personne.

Ainsi, nous n’avons pas un corps et une âme : nous sommes une âme, qui organise notre corps.

Au contraire, dans le système platonicien que Descartes a préféré à celui d’Aristote, la voie est tracée vers le dualisme manichéen : corps opposé à âme comme deux substances antagonistes, l’une bonne, l’autre mauvaise. Descartes a même renforcé le dualisme âme-corps avec l’idée de corps-machine par analogie aux automates, corps qui se passent très bien de l’âme. Ainsi Descartes, bien qu’étant chrétien, est-il le père moderne du matérialisme athée, puisque ses successeurs n’auront pas besoin de cette âme telle qu’il l’a définie et reviendront à l’antique idée de Parménide et Démocrite : la matière fonctionne très bien toute seule. Elle produit tout, y compris la pensée. Dans ce débat qui oppose les partisans de Platon à ceux d’Aristote, pendant plus de deux mille ans, personne ne pouvait savoir lequel avait raison. Or les choses ont changé. Nous avons aujourd’hui des réponses.

La découverte de l’ADN en 1953 intervient dans ce débat vieux de 2300 ans : il y a bien un principe d’organisation dans chaque être vivant. Cette découverte est finalement plus en accord avec la vision d’Aristote. En travaillant sur les êtres vivants, en partant du réel et non des mythes, celui-ci a largement inspiré les sciences expérimentales. En chaque être vivant, un principe organise les atomes, qui ne sont en rien particuliers, pour faire un organisme qui lui est propre. La seule chose qui nous différencie, c’est le plan de construction, c’est le message ADN. Les scientifiques n’emploient pas le mot psychisme parce qu’il n’appartient pas à leur vocabulaire, mais la découverte de Watson, Crick et Rosalind Franklin en 1953 est fascinante de proximité avec la théorie d’Aristote. Il y a en moi cette dimension déterministe à laquelle je ne peux rien changer, mais il y a aussi toute une dimension de moi à laquelle je peux contribuer pour participer à ma propre création. Nous avons là des éléments essentiels pour une réflexion très éclairante. Malheureusement, peu de ces informations sont diffusées.

Ainsi, nous n’avons pas un corps et une âme : nous sommes une âme, qui organise notre corps. Le langage peut être un piège et la langue française ne nous aide pas sur ce point. Quand le pape Jean Paul II était venu en France en 1980, il avait conclu son voyage en disant : « Vous, les Français, devez étudier l’anthropologie. » Effectivement, nous sommes fortement influencés par le vocabulaire de Descartes que ne valide pas le réel. « Je » n’ai pas un corps d’un côté comme j’aurais une voiture, et de l’autre une âme comme j’aurais un stylo. Je suis une âme qui organise des atomes pour faire advenir mon être. Mon âme, ma psyché, ne sait faire qu’une chose : me construire. 

Aristote et les Hébreux étaient aussi d’accord pour affirmer qu’il y a forcément une intelligence derrière tout cela. Aristote dit n’avoir aucun moyen de connaître ce dieu, mais être sûr qu’il existe. Les Hébreux de leur côté nous parlent d’un Créateur et ils ont plusieurs mots dans la Bible hébraïque pour parler du souffle de Dieu que l’on a traduit pneuma, Spiritus, Esprit. C’est d’abord le ruah qui planait sur les eaux… Puis dans Genèse 2-7, nous découvrons nechama qui n’est donné qu’à l’homme, le genre humain, l’humanité (ha-adam) sous la forme hébraïque à l’état construit : nichmat hayim, littéralement « souffle de vies » (car en hébreu biblique la vie est toujours un pluriel, car elle a plusieurs facettes. Ce nichmat hayim n’étant donné qu’au genre humain, est compris comme étant « l’âme intellective », capable de raison-intelligence, liberté, volonté, agir qui font le propre de l’homme et qui le rendent capax dei (capable de Dieu).Aujourd’hui, la question de Dieu est devenue une question rationnelle. Après toutes ces découvertes liées aux deux langages et au traducteur, après la découverte de la complexité incroyable de la vie, de l’univers, l’énigme de l’apparition de la vie sur terre apparaît encore plus totale, encore plus incompréhensible sans Dieu. Dans ce contexte, comment réagissent les athées ? En l’absence de toute explication, on cherche des échappatoires, en s’appuyant sur la durée de l’univers, sur la vie qui serait venue d’une météorite. Mais tout cela n’explique rien et ne fait que reporter le problème. L’énigme reste totale. Le discours qui dit qu’à un moment les choses se font par hasard ne suffit plus. Il faut de l’intelligence de toute manière pour créer un système de langages codés et de traduction aussi complexe et aussi génial qui doit exister avant l’apparition de la première cellule. On n’a finalement le choix qu’entre deux options : penser que cet édifice suprêmement intelligent est l’œuvre d’un Dieu créateur et donc d’une intelligence supérieure, ce qui était la conclusion d’Aristote et des Hébreux. On peut aussi croire (car c’est bien une croyance) que ce système génial, infiniment complexe, est l’œuvre du hasard sourd muet, aveugle et sans intelligence, par définition. En sorte que tout le génie qui préside à la construction du cerveau humain se serait fait tout seul, sans la moindre intelligence organisatrice. De l’absence d’intelligence peut-il sortir du génie ? Parménide a démontré que c’est une chose impossible, en travaillant sur le thème du « Néant Absolu », qui est impossible également.

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