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Le sauvetage de la Grande Barrière de corail et le temps des communs

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Tugdual Derville - publié le 16/09/21
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Quand l’équilibre de la nature est rompu, à cause de l’homme ou non, l’homme lui-même peut redresser la situation. Notre chroniqueur Tugdual Derville nous raconte l’histoire d’une mobilisation humaine réussie pour sauver l’un de nos "communs" : la Grande Barrière de corail.

Une des réalités les plus fascinantes du monde vivant est la complexité des chaînes de prédation. Pour en rester au règne animal, regardons le corail : il est menacé dans le Pacifique par un prédateur vorace, une grosse étoile de mer bardée de piquants venimeux nommée acanthaster pourpre (Acanthaster planci) ou couronne d’épines. Cette dernière peut toutefois être dévorée, entre autres, par un petit crustacé, la crevette Arlequin, que déguste à son tour le célèbre poulpe, lui-même au menu de certains types de requin... Nous n’évoquons ici que quelques espèces emblématiques d’un écosystème foisonnant. Dans le meilleur des cas, tout cela s’équilibre : chacun joue son rôle.

Hélas, si une seule espèce se met à pulluler, c’est la catastrophe. L’infestation par l’acanthaster menace ainsi depuis des dizaines d’années les récifs de corail : Japon, Indonésie, Nouvelle-Calédonie, Australie, dont un quart de la Grande Barrière est déjà détruite ! Atteignant un mètre de diamètre, ces étoiles de mer peuvent fondre sur un lagon — comme un nuage de sauterelles — et anéantir en quelques mois ses récifs coralliens. Le phénomène de pullulation est cyclique, mais il tend à s’aggraver pour des raisons encore mal connues. Où est la responsabilité de l’homme ? On a d’abord pensé à la surpêche d’un grand coquillage prisé des touristes : le triton géant. C’est l’un des rares prédateurs de la couronne d’épine. Mais cette hypothèse a été écartée car il était déjà rare. On penche désormais pour la pollution de l’eau combinée à des changements climatiques favorables à la survie des larves de l’étoile destructrice.

À mesure que nous découvrons notre puissance, nous réalisons qu’elle nous rend vulnérables mais aussi responsables.

Malheureusement — ou peut-être heureusement — les habitants de ces côtes et des multiples îles concernées sont dépendants d’un tourisme centré sur la plongée sous-marine. Une coalition des communautés locales, unies dans l’adversité, s’est dressée contre l’invasion de l’étoile de mer. Chacun a joué son rôle : les naturalistes pour tester les moyens de vaincre l’ennemi, les innombrables plongeurs pour signaler les zones contaminées, grâce à des sites Internet participatifs, et des équipes spécialisées pour effectuer, au bon moment, les gestes appropriés : ramassage, injection sous-marine d’acide, réintroduction de prédateurs...

Ces interventions coordonnées ont fait l’objet de débats préalables : en principe l’Acanthaster fait partie intégrante de l’écosystème corallien ; il favorise même sa biodiversité en limitant les coraux à croissance rapide au profit des coraux à croissance lente. Est-il légitime que l’homme prenne la main sur le récif pour lui "imposer" un rééquilibrage, au détriment d’une espèce ? D’autres écosystèmes ne connaissent-ils pas des phénomènes cycliques d’expansion d’un être vivant ? En général, son prédateur principal suit et régule sa démographie. Dans la situation évoquée, la destruction durable du récif corallien a fait tomber les réticences. Il faut avouer que l’intérêt économique des récifs a pesé lourd dans la décision d’intervenir. Tout le monde s’y est donc mis. Là où les communautés autochtones se sont organisées, l’étoile prédatrice a été repérée à temps ; son expansion est maîtrisée : le corail est sauvé.

Et si cette mobilisation générale réfléchie, à l’échelon local et régional, montrait l’état d’esprit qui devrait animer les relations de l’humanité avec le reste du vivant, mais aussi entre les êtres humains ? Notre état de développement est tel que trois constats s’imposent : puissance, vulnérabilité et responsabilité. À mesure que nous découvrons notre puissance, nous réalisons qu’elle nous rend vulnérables mais aussi responsables. Aux antipodes de l’individualisme, la complexité des défis nécessite une coopération coordonnée de multiples acteurs : le temps est aux communs.

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