La rumeur est confuse, comme sont les rumeurs. Au moment où s’annonce la rentrée des classes, beaucoup d’entre nous éprouvons fugitivement un accès de mélancolie, réminiscence de cette époque lointaine où les grandes vacances semblaient éternelles à l’enfant qui préférait vivre dehors. Mais désormais un malaise plus profond s’installe : en lisant à nouveau les journaux, chacun discerne l’obscurité qui gagne. Une main invisible semble tirer sur le monde une nappe noire. Impression doublement crépusculaire, parce que l’automne approche et que notre civilisation décline. Les jours raccourcissent et les libertés s’étiolent. Le climat se détraque et les conflits s’aggravent. Jamais la tentation du repli sur la sphère privée n’a été plus fort.
Il y a d’abord cette interminable crise sanitaire, qui pour finir est de moins en moins sanitaire et de plus en plus culturelle. Les confinements sont arrivés comme s’ils avaient été secrètement désirés : ils ont donné le signal du repli sur le pré carré, du triomphe de la rumeur, du discrédit des élites, de la provincialisation des esprits. Ce mauvais virus aura révélé une maladie de l’âme. Le télétravail a mis à mal cet "incroyable honneur du travail" dont parlait Charles Péguy, dans Notre Jeunesse, évoquant ce temps où le travail était un lieu de communion, quand "un chantier était un lieu où les hommes étaient heureux".
Il y a ensuite le pape François qui depuis le trône de Pierre nous adresse des propos qui nous rendent, avouons-le, parfois perplexes. Ce n’est pas tant le fond du motu proprio Traditionis custodes que la méthode qui a troublé notre été. Nous pensions que le Saint Siège ne nous connaissait plus beaucoup, nous autres Français : nous découvrons qu’en réalité il nous a oubliés. Le motu proprio, d’ailleurs, a été publié officiellement en anglais, en espagnol et en italien. Pas en français. La francophonie qui donnait le ton depuis cinq siècles disparaît à Rome, emportant avec elle une vision de la catholicité que rien ne remplace. "C’est embêtant, dit Dieu. Quand il n’y aura plus ces Français — il y a des choses que je fais, il n’y aura plus personne pour les comprendre." Encore Péguy.
Pendant ce temps l’Église de France, devenue toute petite, attend la rentrée avec, comme prochaine punition annoncée, la publication du rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église présidée par Jean-Marc Sauvé. Interminable procès jamais purgé d’un péché éternel. À force d’humiliations, notre Église va finir par ressembler bel et bien au Christ. Le temps de l’espérance est donc venu : quand il ne reste plus rien, Dieu peut enfin agir. Derrière la rumeur de septembre, la miséricorde attend son heure. Saint Louis rêvait de faire de la couronne d’épine la couronne de France : il a été exaucé.