L’ivresse de Noé vient nous rappeler qu’en toute chose l’excès est préjudiciable à la santé physique et morale de l’homme (Gn 9, 21-25) : Ayant bu du vin, il s’enivra ; et il se découvrit au milieu de sa tente. Cham, père de Chanaan, vit la nudité de son père, et il alla le rapporter à ses frères. Alors Sem avec Japheth prit le manteau de Noé et, l’ayant mis sur leurs épaules, ils marchèrent à reculons et couvrirent la nudité de leur père…Lorsque Noé se réveilla de son ivresse, il apprit ce que lui avait fait son plus jeune fils, et il dit : Maudit soit Chanaan ! Il sera pour ses frères le serviteur des serviteurs.
Noé qui était cultivateur, n’exploitait la vigne que pour en consommer les raisins. Après le déluge, il apprit à en extraire le jus pour obtenir une boisson fermentée dont il ignorait la force et les effets. Il a donc de larges circonstances atténuantes et ne peut être tenu pleinement responsable de son ivresse. L’ivrognerie est condamnée dans la Bible avec la plus extrême sévérité mais l’exemple de Noé n’est jamais cité pour illustrer cette réprobation et aucun jugement n’est porté contre lui à ce sujet. L’apôtre Saint-Paul qui accable dans ses épitres, les hommes qui s’adonnent aux orgies et aux beuveries, voit dans Noé un des grands témoins de Dieu, un homme de foi juste et fidèle. Son ivresse ne fût qu’un accident qui ne se renouvela pas. La conduite de Cham, en revanche, est indigne.
Dans son ouvrage Le vin et le divin Jean-Robert Pitte exprime cela fort justement : "C’est lui qui commet la faute fatale en se gaussant de l’auteur de ses jours, de l’ami en qui Dieu a mis toute sa confiance pour refonder l’humanité… Au contraire, ses frères saisis d’effroi, comme s’ils pressentaient le caractère sacré de la scène avancent à reculons pour couvrir leur père sous sa tente, comme plus tard l’Arche d’alliance couvrira les tables de la loi dans le Temple, le linceul, le corps du Christ au Sépulcre et le tabernacle, l’eucharistie dans les églises." Étrangement, ce n’est pas Cham, le coupable qui est maudit, mais son fils Chanaan. Ce transfert de malédiction a donné lieu à de nombreuses interprétations. On retrouve là l’idée courante dans la Bible, de la répercussion des fautes des parents sur leur descendance. La tradition populaire n’a-t-elle pas consacré l’expression "quand les parents boivent, ce sont les enfants qui trinquent" ?
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