Le péplum "Les Gladiateurs" débute par les toutes dernières scènes du film "La Tunique", réalisé par un autre réalisateur, Henry Koster. Il en est la suite, et en ces premières images, le tribun Marcellus condamné au martyr dans l’arène pour avoir embrassé la foi chrétienne confie à son ami Demetrius, ancien esclave grec qu’il a affranchi, la précieuse Tunique du Christ, elle-même initialement confiée par l’apôtre Pierre. La Tunique du Christ est évoquée dans l’Évangile de Jean : "Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils en firent quatre parts, une pour chaque soldat. Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas" (Jn, 19, 23). Ces deux films qui se complètent et tournés en même temps en 1953 par deux réalisateurs différents placent ainsi au cœur de l’intrigue l’émergence de la foi chrétienne à Rome.
Cette suite haute en couleurs poursuit ce cheminement de la foi et notamment la quête de la vie éternelle. Grâce à un scénario bien ficelé, le péplum suit en parallèle la foi des premiers chrétiens persécutés par la folie de Caligula et la soif d’absolu de ce dernier pour sa divinisation. La scène initiale évoquant le don de la Tunique par Pierre à Demetrius – si elle reste totalement imaginée et absente, en tant que telle, des Écritures – symbolise cependant le don de la Parole que les disciples du Christ auront à diffuser au plus grand nombre. C’est ce symbole dont cherche à s’approprier l’empereur, non plus pour sa dimension religieuse mais mystique.
"Les Gladiateurs" est aussi l’occasion de déployer à l’écran les célèbres turpitudes de Messaline, épouse du futur empereur Claude et mère de Britannicus, brillamment incarnée, ici, par Susan Hayward. La vie scandaleuse de Messaline est restée célèbre jusqu’à nos jours et a inspiré de nombreux artistes et auteurs. D’une cruauté légendaire, cette dernière se joua des hommes, les traitant comme des pions selon ses désirs jamais assouvis. Ce péplum a également fait le choix d’insister plus sur les combats de gladiateurs dans l’arène que ne le faisait le premier film "La Tunique". Idylles, violences, démesure, rien n’est ménagé dans ce film privilégiant les grandes scènes d’action, des scènes où excelle le jeu d’acteur de Victor Mature. Les décors somptueux mis en œuvre restituent un cadre impérial plus fantaisiste que réel afin de servir la démesure de Caligula. Reste que cependant, les tribulations de Demetrius dans ces temps troublés de la Rome impériale demeurent crédibles et sa foi mise à l’épreuve, notamment lors de la terrible scène dans l’école des gladiateurs, un des grands moments d’anthologie du cinéma. Cette célèbre séquence, point de rupture dans sa croyance encore fragile, sera le début d’une nouvelle vie faite de violence et de démesure dans des combats qui n’ont rien à envier au film "Gladiator" !
Cependant ce péplum, qui compte parmi les plus grands succès de l’époque, ne relève pas que du film d’action, il est aussi l’occasion d’une belle leçon de rédemption alors que Demetrius est retombé dans une nouvelle forme d’esclavage, celui des sens et des passions. Mais il faudra un évènement inattendu – et une scène des plus émouvantes - pour que sa foi brille à nouveau, sous le signe de la Tunique et de l’amour, et qu’un autre règne, celui-ci plus clément pour les chrétiens, ne s’annonce avec la mort de Caligula et la succession à son trône de l’Empereur Claude…