Le film de Mervyn LeRoy, sorti en 1951, reprend pour titre les célèbres paroles adressées à saint Pierre par le Christ alors qu’il quittait Rome aux prises avec les persécutions des premiers chrétiens. L’apôtre, fuyant la répression sur la voie Appienne, croise Jésus en sens inverse et lui demande : « Où vas-tu Maître ? », ce qui en latin est traduit par Quo vadis Domine. Jésus lui répond qu’il se rend à Rome pour être de nouveau crucifié puisque ses disciples désertent la ville…
À partir de ce bref épisode relaté aux Actes de Pierre, le réalisateur va s’inspirer du célèbre roman biblique « Quo Vadis » de l’écrivain Prix Nobel Henryk Sienkiewicz. Ce long-métrage, de près de trois heures, conjugue ainsi les éléments historiques évoquant le sort des premières communautés chrétiennes de ce Ier siècle après Jésus-Christ vivant dans la clandestinité sous le règne de l’empereur Néron, le grand incendie de Rome et la romance entre Marcus Vinicius, haut militaire romain et une jeune otage lygienne chrétienne.
« Quo vadis » reprend presque deux décennies plus tard, le même thème — règne de Néron, l’incendie de Rome et la persécution des premières communautés chrétiennes — que le célèbre péplum "Le signe de la croix" de Cecil B. DeMille tourné en 1932. Cependant, ici, le réalisateur Mervyn LeRoy a opté pour une approche plus romancée. Pour l’anecdote, le spectateur pourra relever l’emprunt de scènes entre les deux films, notamment la prise de vue des lions arrivant dans l’arène. Au-delà de cette précision, ces deux péplums demeurent, cependant, de par leur traitement, très différents.
Le terrible incendie de Rome, longtemps attribué à Néron qui souhaitait reconstruire la ville — et dont il fit porter la responsabilité aux chrétiens — fait l’objet ici d’une reconstitution impressionnante pour l’époque. Une démesure cinématographique qui contribuera indéniablement aux nombreux oscars dont sera gratifié le film. Rien n’est, en effet, épargné afin de rendre le fossé plus grand entre le despotisme d’un empereur fou dans sa démesure et la foi indestructible des plus petits dans la société romaine de cette époque.
C’est, en effet, la démesure qui sert de fil conducteur à ce péplum répondant à tous les critères du genre et dont le casting compte plusieurs acteurs réputés d’Hollywood. Ainsi, peut-on souligner la présence de Peter Ustinov, particulièrement inspiré dans l’interprétation de Néron, oscillant entre folie et déraison avec le plus grand naturel ! En contrepoint, l’intrépide Marcus Vinicius interprété par Robert Taylor et dont le jeu force l’admiration, passant du registre de l’orgueilleuse outrecuidance du vainqueur à l’humilité du converti dans les geôles de l’arène. Deborah Kerr, enfin, en jeune chrétienne nourrie par sa foi contraste avec le cynisme de Pétrone interprété également avec brio par Leo Genn.
Bien que privilégiant l’action, le despotisme, les rivalités et la romance entre les deux acteurs principaux, le vaillant Marcus Vinicius et la belle et humble chrétienne, le péplum Quo Vadis souligne cependant à sa manière le sort malheureux des premiers chrétiens dans la capitale de l’empire, une dangereuse clandestinité qui infiltre cependant progressivement toutes les couches de la société, y compris celle de la noblesse romaine. Prières nocturnes dans les catacombes, signes discrets de ralliement et multiples solidarités sont bien évoqués par ce film par ailleurs grandiloquent. Si la place discrète réservée aux deux apôtres Pierre et Paul peut déconcerter, il demeure que leur présence témoigne de l’importance qu’ils purent cependant jouer dans le raffermissement des premières communautés chrétiennes à Rome. Au-delà des simplifications et des caricatures souvent excessives, Quo vadis reste un péplum méritant d’être redécouvert de nos jours.