La jeunesse n’a pas le monopole de la joie et du plaisir liés à la sexualité. Contrairement à une idée reçue largement répandue, le désir sexuel ne s’éteint pas avec la ménopause. Au contraire, les hormones féminines ont plutôt tendance à le vivifier à ce moment-là. Chez les hommes, bien que le désir amorce une phase descendante (andropause), il est tout à fait possible de maintenir une sexualité épanouie au-delà d’un certain âge. Flavie Taisne, sexothérapeute à Rambouillet, persuadée qu’un couple peut avoir une vie sexuelle – "pas forcément intense mais présente" - tout au long de son existence, donne à Aleteia des pistes pour redonner à la sexualité "la belle et juste place qu'elle mérite".
Il convient d’abord de définir ce à quoi correspond le terme "sexualité". Pour Flavie Taisne, la sexualité ne se limite pas à la génitalité. Sa définition est beaucoup plus large et englobe la sensualité, la tendresse, le désir, la pulsion, l’excitation… Autant d’aspects qui demeurent bien au-delà de 60 ans ! Certes, "l’excitation sexuelle d’un homme à 70 ans ne sera plus la même que celle de ses 30 ans", mais les autres dimensions de la sexualité demandent à être investies. Avec les années, "le dosage entre la sensualité, la tendresse et la génitalité, évolue", souligne la sexothérapeute.
Des changements physiologiques et physiques à apprivoiser
"Il n'y a pas d'âge pour le désir amoureux, pour la joie érotique et l'intimité charnelle. Il suffit de laisser faire les cœurs et les corps qui savent faire l'amour. Mais si l'on cherche à retrouver ce que l'on a connu plus jeune, alors on est perdu", écrit la psychologue clinicienne Marie de Hennezel en préambule de son livre L'Âge, le désir et l'amour (Pocket). Il serait naïf de croire que les années n’entament pas une certaine vitalité du couple et des conjoints. Vieillir suppose en effet d’accepter une énergie et une disponibilité moindres, un corps parfois sujet à des troubles qui freinent les relations sexuelles comme la sécheresse vaginale, la baisse de la libido, des problèmes urinaires, des troubles érectiles, des douleurs lors des relations…
Cependant, "il y a aussi des charges en moins, ce qui peut laisser plus de place pour l’autre et pour son couple", souligne Flavie Taisne. Les enfants sont partis de la maison, les soucis professionnels ne sont plus à l’ordre du jour. Il arrive aussi, avec la ménopause, que la femme soit libérée du souci de sa fécondité. Une libération qui, corrélée à l’augmentation, d’origine hormonale, du désir sexuel, favorise un certain lâcher-prise. "La femme mûre se donnerait plus profondément, ouvrirait son corps et son être plus intensément", affirme en ce sens Marie de Hennezel.
Investir la tendresse et la sensualité
Les années passant, les couples sont invités à investir davantage la tendresse, la sensualité, la patience. Certains se tournent vers le slow sex, une pratique invitant à prendre son temps pour éveiller le désir et respecter le rythme de l’autre. Avoir conscience que le désir met plus de temps à monter ouvre la voie à une nouvelle sensualité faite de massages, de caresses, de préliminaires… "Ils ont découvert d'ailleurs qu'en laissant faire leur corps, en cessant d'être obnubilés par l'érection, ou la quête d'un point culminant à leur plaisir, ils deviennent beaucoup plus présents à la rencontre intime avec l'autre", souligne Marie de Hennezel.
Une sensualité qui s’entretient même en dehors du lit conjugal, en commençant par continuer à s’apprêter l’un pour l’autre. Même après 40, 50, 60 ans de mariage, il est important d’alimenter la séduction, de continuer à faire attention à soi, de ne pas se laisser aller. Selon Flavie Taisne, une des clés, pour que le couple dure et continue à s’aimer, est de ne jamais prendre son conjoint ou son couple pour acquis. "Certes, l’autre est sensé m’aimer comme je suis, mais il est de ma responsabilité d’œuvrer pour qu’il en soit ainsi", rappelle la sexothérapeute.
Si le désir ne s’appuie plus sur l’attirance physique, il peut être éveillé par des souvenirs communs. "Un couple qui a 40-50 ans de mariage est fort de la complicité, de l'amitié, des souvenirs partagés qu'il aura forgés", souligne Flavie Taisne. "Le souvenir d'un voyage, d’une chanson mythique... peuvent devenir de véritables tremplins pour activer le désir sexuel".
Etre enclin au dialogue et à la bienveillance
Au regard des évolutions physiques, physiologiques et hormonales qui interviennent à cette étape de la vie, il est primordial de maintenir un bon dialogue avec son conjoint, au risque de faire naître de fâcheux malentendus. Partager ses émotions, ses peines, ses difficultés avec l’autre permet de dénouer des situations. Bon nombre de femmes se sentent indésirables lorsque leur mari connaît un trouble érectile, alors que c’est une situation normale. "Il est bon d’expliquer à son conjoint où j’en suis dans ma sexualité, comment je vis mon désir, ma baisse de vitalité, pour éviter qu’il interprète mal les faits. Dans le cas d’un trouble érectile, un homme peut dire : je te désire de tout mon cœur, mais physiquement, aujourd’hui c’est difficile… pardon…", conseille la sexothérapeute.
"Il y a cette petite voix intérieure qui juge que l'on n'est plus désirable."
Plus l’âge avance, plus les conjoints sont invités à faire preuve de bienveillance, d’empathie, l’un vis-à-vis de l’autre, car il est difficile pour chacun de se voir vieillir. "Tant de femmes manquent d'estime de soi, guettent dans le miroir les transformations de leur visage. Il y a cette petite voix intérieure qui juge que l'on n'est plus désirable", précise Marie de Hennezel. Une petite voix à faire taire absolument pour continuer à se sentir désirable. Car cette petite voix est dans la tête, et non dans le regard de l’autre. Flavie Taisne en est persuadée : "Si une femme a une bonne image de son corps, malgré quelques kilos en trop et des seins moins fermes, et si elle s’accepte ainsi et arrive à se trouver belle et désirable, alors elle le sera dans les yeux de son mari. Au contraire, plus une femme se dévalorise, moins elle sera attirante". La bienveillance commence donc envers soi-même.