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Les enlèvements d’enfants par les djihadistes, l’autre drame du Mozambique

Mozambique.

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Paulo Aido - AED - publié le 20/06/21
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Prêtre du diocèse de Pemba, au nord du Mozambique, le père Kwiriwi Fonseca dénonce l’enlèvement par des djihadistes de "centaines" de garçons, en vue de futures attaques, et de filles, pour en faire "leurs épouses".

"Ce sont des blessures difficiles à guérir". Le père Kwiriwi Fonseca est prêtre au sein du diocèse de Pemba, au nord du Mozambique, dans la province de Cabo Delgado. Ses mots, simples, traduisent une réalité déchirante. En plus des 2.500 morts et plus de 750.000 déplacés imputables depuis octobre 2017 aux attentats terroristes de Cabo Delgado, le pays connaît un nombre élevé de personnes enlevées, principalement des enfants.

Il n’y a pas de statistiques officielles à ce sujet, mais le père Fonseca n’hésite pas à affirmer : "Nous pouvons parler de centaines de personnes, parce que si nous comptons tous les villages où il y a eu des enlèvements, il est possible d’indiquer ce nombre". Selon le prêtre, les jeunes sont enlevés à des fins bien précises : "Les terroristes utilisent les garçons pour les former et les inclure dans leurs rangs, tandis que les filles sont violées et deviennent leurs épouses. Certaines sont ensuite rejetées, quand elles ne sont plus jugées intéressantes".

Chargé de la communication dans le diocèse de Pemba, le père Fonseca est en contact avec des dizaines de victimes déplacées en raison de la violence terroriste et est en relation constante avec les autres prêtres et religieuses de la province de Cabo Delgado.

L’une des personnes qui l’a alerté sur cette réalité est sœur Eliane da Costa. Cette religieuse brésilienne se trouvait à Mocímboa da Praia en août 2020 lorsque cette ville côtière est tombée aux mains des terroristes, après quoi des dizaines de personnes ont été enlevées. Sœur Eliane a été enlevée avec une autre religieuse, sœur Inés Ramos, toutes deux de la congrégation de Saint Joseph de Chambéry.

"Sœur Eliane a passé 24 jours aux mains des terroristes, dans la brousse, et elle m’a demandé : "Père Fonseca, n’oubliez pas les personnes enlevées, en particulier les enfants et les adolescents, formés par leurs ravisseurs pour devenir eux-mêmes des terroristes"", se souvient le père Kwiriwi Fonseca lors d’un entretien par visioconférence accordé à l’AED.

Elle a été témoin de la façon dont son mari et son frère ont été égorgés, sous le regard de sa fille de deux ou trois ans.

Un autre scénario d’attaques a eu lieu à Mucojo, ville côtière du district de Macomia, toujours dans la province de Cabo Delgado. C’est là que vit Mina, une femme aujourd’hui totalement dévastée par ce qu’elle a vécu. Chaque fois qu’elle se souvient de ce qui lui est arrivé, de ce qui est arrivé à ses proches – à son mari, à ses enfants et à son frère – c’est comme si une blessure s’ouvrait à nouveau sans pouvoir cicatriser.

Le père Fonseca est allé lui rendre visite et a vu sa souffrance : "Là-bas, cinq hommes ont surgi et les habitants ont réalisé qu’il s’agissait de terroristes d’Al-Shabaab. Les terroristes ont trouvé Mina avec son mari, son frère et leurs quatre enfants... et ils leur ont dit : "Nous allons prendre ces deux enfants-là". Ce qui est certain, c’est qu’ils en ont pris trois : un de 14 ans, un de 12 et un de 10 ans. Ils ont ligoté le mari et le frère et ont insisté pour que la femme parte parce qu’ils allaient les tuer. Elle a refusé. Elle a ensuite été témoin de la façon dont son mari et son frère ont été égorgés, sous le regard de sa fille de deux ou trois ans. Aujourd’hui, cette petite fille continue d’avoir peur et insiste pour revenir au village, pour voir son père. Elle a été témoin de toute la scène".

Le père Fonseca ne doute pas du fait que ces garçons seront soumis à un processus de radicalisation afin d’être intégrés dans les rangs des terroristes. "Je pense que le but est de les radicaliser. Nous parlons de jeunes et d’enfants qui ont quitté leur maison l’année dernière, ou l’année précédente... ils sont restés longtemps en contact avec le mal, finissant par l’assimiler. Cette interaction peut en faire les pires terroristes...".

Cette situation soulève de nombreuses questions, y compris d’un point de vue militaire. Ces enfants et ces jeunes ont été séparés de force de leurs familles, de leurs villages et de l’environnement dans lequel ils avaient toujours vécu. "Si cette guerre s’aggrave et que des partenaires internationaux, d’autres gouvernements et pays veulent aider le Mozambique à éliminer les terroristes, que se passera-t-il ?", s’interroge le père Kwiriwi Fonseca. "Ça veut dire que beaucoup d’innocents pourraient aussi mourir...".

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