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Comment les sanctuaires recueillent-ils les grâces reçues ?

ex voto

Ex-voto.

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Caroline Becker - publié le 06/06/21
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Les grands sanctuaires sont des lieux de paix mais aussi de grâces. Régulièrement des pèlerins témoignent des "miracles" accordés par le Ciel à la suite de leurs prières. Comment ces grâces sont-elles consignées et en quoi leur témoignage est-il essentiel aujourd'hui ? Aleteia a interrogé plusieurs sanctuaires pour en savoir un peu plus sur ces grâces discrètes qui rendent visible l’Invisible.

Ils attirent chaque année des milliers de pèlerins en quête d’Espérance. Depuis leur édification, les grands sanctuaires de France témoignent de la confiance inébranlable des hommes envers Dieu. Chaque jour, des miracles pleuvent dans ces lieux qui accueillent les prières et les souhaits de milliers de fidèles. Si les grâces ne sont pas toutes reconnues par l’Église, ceux qui accueillent ces témoignages sont cependant persuadés de l’action quotidienne de Dieu, de la Vierge Marie et des saints dans la vie des hommes. Le père Millet, recteur du sanctuaire de Rocamadour en témoigne : "Ici, on est habitué aux miracles. Tous les jours, on en constate." 

Parmi les témoignages de ces grâces reçues, les ex-voto, ces offrandes offertes pour remercier le Ciel des grâces reçues et qui ornent les murs des églises. À cela s’ajoutent les témoignages écrits, rapportés ici et là au fil des siècles, et conservés dans les archives. Ce sont ces fameux "Livres des miracles" comme on aime les appeler, bien qu’il soit plus approprié de parler de "grâces" car ces "miracles" ne sont pas tous reconnus officiellement par l'Église. Beaucoup de sanctuaires millénaires possèdent des livres mais ils n’ont pas toujours été tenus avec régularité.

À la bibliothèque nationale de France est conservé celui du sanctuaire de Rocamadour (Lot), rédigé en 1172 et qui rassemble 126 miracles. À Chartres (Seine-et-Marne), un "livre des miracles de Notre Dame" a été rédigé au entre le XIIe et le XIIIe siècles et il comprend une trentaine de miracles. À Saint-Maximin-la-Sainte-Baume (Var), 84 miracles attribués à Marie-Madeleine ont été consignés au XVe siècle. À Souvigny (Allier), le sanctuaire possède plusieurs livres des miracles dans les archives clunisiennes où d’innombrables faits sont consignés. On peut citer le Vita brevior de Mayeul, attribué à un moine de Souvigny, la Lettre des moines de Souvigny de l’abbé Albert de Saint-Denis ou encore la Vita Odilonis rédigée par Jotsald de Saint-Claude. Le sanctuaire de Lourdes (Hautes-Pyrénées) fait, lui, figure d’exception. Plus récent, il a très rapidement, dès 1884, mis en place le bureau des constatations médicales pour examiner les déclarations et, parfois, authentifier les miracles. Aujourd’hui, 70 guérisons miraculeuses ont été attestées scientifiquement dont la plus récente a été authentifiée en 2018.

Répertorier les grâces, c’est aussi montrer au monde que Dieu agit quotidiennement dans la vie des hommes, à travers la Vierge Marie et aussi les saints.

Au cours de l’histoire, l’attention portée aux miracles est fluctuante. À l’époque médiévale, vénérer les reliques des grands sanctuaires est d’une importance capitale. Elle traduit l’espoir d’une guérison, d’une vie meilleure… Répertorier les grâces, c’est montrer au monde que Dieu agit quotidiennement dans la vie des hommes, à travers la Vierge Marie et aussi les saints. Preuve ainsi que le Christ continue, dans l’au-delà, et pas seulement de son vivant, à poser un regard bienveillant sur les hommes qui le supplient. Si les archives conservent de précieux témoignages écrits de ces grâces millénaires, quand est-il de celles reçues aujourd’hui ? 

Interrogés par Aleteia, les grands sanctuaires de France sont unanimes : les miracles, c’est tous les jours ! Et ils sont nombreux, chacun à leur manière, à continuer de consigner les témoignages qu’ils reçoivent des pèlerins venus du monde entier. À Saint-Maximin-la-Sainte-Baume par exemple, célèbre sanctuaire dédié à Marie-Madeleine, le père Florian Racine raconte à Aleteia la manière dont il recueille les grâces reçues. Sa méthode, si elle est quelque peu artisanale, est particulièrement touchante ! "J’ai acheté un beau livre avec des pages blanches et je consigne tout à l’intérieur. J’y colle des lettres et des emails que je reçois". Recteur depuis huit ans au sanctuaire, il est le premier depuis le Moyen Âge à avoir relancé cette tradition. "J’assiste à de nombreux témoignages édifiants. Je trouvais cela dommage de les perdre", confie-t-il. Quand il le peut, il contacte les personnes et les écoute pour apprécier leur témoignage. Aujourd’hui, il affirme avoir été témoin de plusieurs miracles extraordinaires. En 2015, par exemple, c’est Alain qui remerciait Marie-Madeleine de l’avoir guéri de son cancer de l’estomac. En 2017, c’est Catherine, par l’intercession de saint Sidoine — également vénéré à Saint-Maximin — qui a été guérie d’une brûlure aux yeux. Si ces miracles ne seront jamais reconnues par l’Église, le père Racine est cependant persuadé que Dieu agit. À ces miracles physiques, s'ajoute une multitude de grâces spirituelles qui arrivent chaque jour. "Ce sont les premiers miracles que j’encourage, explique le recteur, car nous sommes dans un sanctuaire de miséricorde". 

saint maximin la sainte baume

Si à Saint-Maximin le cahier aux pages blanches est de mise, à Rocadamour, ce sont de véritables dossiers qui sont montés ! Car depuis novembre dernier, date à laquelle le sanctuaire a lancé un appel afin de recueillir des témoignages de "miracles" attribuables à la Vierge noire, c'est l'effervescence ! Événements providentiels ou petites choses de la vie, l’idée "est de montrer que la Vierge de Rocamadour accompagne les fidèles au quotidien", explique le père Millet, recteur du sanctuaire, qui espère publier un livre officiel prochainement. "Notre Dame fait toutes sortes de guérisons à Rocamadour, même sur des animaux. Sa “spécialité” reste les sauvetages en mer qui sont les plus frappants. Elle est aussi une aide précieuse pour tous les couples en attente d’enfants", précise-t-il.

"J’ai des sacs entiers de témoignages écrits sur des petites feuilles de papier !"

Parmi les belles histoires à retenir, celle d’une dame venue se recueillir à trois reprises devant Notre Dame de Rocamadour pour lui demander d’exaucer son désir d’enfant. "Elle est revenue quelque temps plus tard afin d’écrire dans le livre d’or au fond de la chapelle un mot de remerciement à Notre Dame car elle vient d’avoir des triplés !", confie le recteur. En interne, les choses sont bien organisées. Le recteur a recruté un bénévole chargé de rencontrer et enregistrer les témoignages qui sont formalisés par écrit et signés. "Nous demandons même les examens médicaux dans certains cas", précise le recteur. À partir de cette base, les témoignages sont classés et étudiés pour une éventuelle publication dans le "Livre des miracles" prévu pour le printemps 2022. "À travers ce livre, nous voulons montrer que la Vierge Marie est toujours présente et qu’elle nous répond à nos attentes si nous lui demandons".

Si certains sanctuaires sont organisés, d'autres sont aux prémices et n'ont pas encore lancé un véritable processus de recensement des grâces. Mais leur désir est bien là, à l'image du sanctuaire de Souvigny dans l’Allier, qui possède de nombreuses archives anciennes des grâces reçues. Si rien n’est concret pour le moment, Christiane Keller du Centre Art Culture et Foi du Sanctuaire de Souvigny confie le souhait du sanctuaire de relancer ce fameux "Livre des miracles" pour témoigner des grâces accordées par Mayeul et Odilon, les saints abbés de Cluny. Lors du renouveau du pèlerinage en avril 2016, un jeune homme, Guillaume, était venu témoigner des grâces reçues par les abbés. Gravement brûlé suite à un accident domestique, l’immense chaîne de prière qui s’est mise en place suite à son hospitalisation a grandement favorisé sa guérison. Un témoignage parmi tant d’autres que Souvigny accueille avec joie et qui encourage la dévotion aux abbés de Cluny dont les reliques ont attiré, au Moyen Âge, des foules immenses de fidèles. 

Pour certains sanctuaires, la tâche est si difficile à mettre en place qu'ils croulent sous les témoignages. À Chartres, le père Blondeau est fasciné par les innombrables grâces qui pleuvent dans son sanctuaire. "J’ai des sacs entiers de témoignages écrits sur des petites feuilles de papier", raconte le recteur, qui ne sait plus où les mettre. Pourtant, chaque jour, il s’oblige à en lire une vingtaine pour ajuster son cœur à celui des fidèles qui entrent dans le sanctuaire. "Marie n’est ni médecin, ni agent immobilier… et pourtant, elle attire tant d’espoir." Si Chartres est célèbre pour son architecture gothique, c’est aussi et surtout un sanctuaire fréquenté par les femmes en désir d’enfants. Elles sont nombreuses à venir se recueillir auprès de la relique du voile de la Vierge pour espérer tomber enceinte. "Et ça marche !", témoigne le recteur, qui a rencontré de nombreuses femmes venues remercier la mère du Christ pour le don d’un enfant.

S’il ne peut pas tout recueillir, le père Blondeau tente malgré tout d’en écrire au maximum dans un cahier, surtout lorsqu’il s’agit de témoignages directs. "Parfois, je demande aux gens de m’écrire eux-mêmes leur histoire", indique-t-il. "J’espère pouvoir ouvrir bientôt une page dédiée sur notre site internet, qui permettra aux gens de déposer directement leur témoignage." Retranscrire est ainsi plus qu'un devoir pour le père Blondeau qui estime que le monde a besoin de savoir que Dieu fait grâce. "Nous avons besoin de cette mémoire. Les sanctuaires ne sont pas uniquement des sites touristiques mais des lieux où Dieu parle aux hommes. En venant ici, ce n’est pas le pèlerin qui visite le Christ mais le Christ qui visite le pèlerin. La grâce des grâces demeure avant tout la conversion", conclue-t-il.

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