Il n’est pas évident d’aborder le sujet des abus ou agressions sexuelles avec un enfant. Ne rien dire, pour préserver son innocence, pourrait le mettre en danger. Et tout dire le projetterait soudainement dans un monde affreusement angoissant. Dans une série de podcasts intitulée « Ton corps, c’est toi », Maëlle Challan Belval, présidente de Comitys, organisme de formation en éducation affective et sexuelle, s’adresse aux enfants pour répondre à leurs questions sur le corps et sur l’amour. Dans l’un d’entre eux, elle leur apprend à faire la distinction entre les gestes qui font du bien, les touchers-bonheur, et les gestes qui font mal, les touchers-malheur. Elle engage ainsi l’enfant à écouter son « système d’alarme intérieur » pour préserver l’intégrité de son corps. Un bon outil pour repérer les gestes permis et les gestes défendus.
« Le toucher fait partie de notre vie depuis le début », explique d’emblée Maëlle Challan Belval, rappelant les câlins et les caresses que prodigue une mère à son enfant. Le corps parle, et le toucher est une manière de prendre soin de l’autre, de dire « je t’aime ». Figurent dans la catégorie des touchers-bonheur les câlins, les caresses, les chatouilles, les baisers, les bagarres pour rire, le fait de se prendre par la main, de poser une main sur une épaule pour consoler… « Ce sont des touchers qui font du bien, qui rendent heureux à l’intérieur », précise-t-elle.
Au contraire, les touchers-malheur sont « des gestes qui font mal, qui agressent le corps, qui blessent le cœur ». Par exemple : recevoir un coup de pied, une fessée, être pincé, poussé ou mordu... Dans cette catégorie des touchers-malheur, certains ne font pas vraiment mal mais sont troublants, gênants. Cela peut être, parmi les jeux de la cour de récréation, d’être obligé d’embrasser quelqu’un, de baisser un pantalon, de poursuivre les filles pour leur toucher les fesses... Des touchers qui ne respectent pas l’autre.
Il existe aussi des touchers-malheur d'ordre sexuel. Ce sont les agressions sexuelles. « Un enfant a le droit de dire non à un toucher-malheur », martèle Maëlle Challan Belval. « Il a le droit de dire non à un autre enfant, à un grand, un adolescent, et même à un adulte ! Il a le droit de désobéir à un adulte pour un toucher malheur parce qu’il est interdit d’être violent envers un enfant ou de pratiquer sur lui des touchers qui le troublent. Ton corps est précieux, il ne doit pas être malmené. »
Maëlle Challan Belval propose un bon outil : le système d’alarme intérieur. Elle invite l’enfant à se demander : quand quelqu’un me touche, qu’est-ce que je ressens dans mon cœur, à l’intérieur de moi ?
Les touchers-bonheur apportent de la joie. « Si tu ressens de la joie, de la détente, de la tendresse : c’est un toucher bonheur. » Des touchers qui génèrent aussi de la sécurité, et qui supposent que les deux personnes soient d’accord.
Les touchers-malheur apportent de la détresse : « Si tu ressens un malaise, de la gêne, de la honte, il peut s’agir d’un toucher-malheur. On se sent en danger. En ce cas, il est très important d’oser en parler car cela empêche un enfant de grandir correctement. »
Cependant, l’éducatrice en vie affective et sexuelle souligne deux exceptions aux touchers qui génèrent de la gêne : les touchers d’hygiène nécessaires, quand un enfant est plâtré par exemple et que ses parents l’aident à prendre sa douche. Même s’il ressent de la gêne, il ne s’agit pas d’un toucher-malheur ! De même les touchers médicaux nécessaires, lorsque le médecin demande de se déshabiller pour ausculter, il s’agit d’un toucher qui vise son bien-être.